Chronique de Concert
Jacques Dutronc + Tao-By
Le concert démarre, "Et moi, et moi, et moi". Sa formation sonne indéniablement rock. Le décor est d'un noir d'une grande sobriété. Pas de paillettes, tout le monde sur scène est vêtu de noir. Seules les éternelles lunettes de Dutronc (aux verres marron cette fois) apportent une fantaisie. Dutronc et ses musiciens sont superbes de simplicité, de sobriété. Le travail de lumière est splendide et là, soudain, on se souvient de Soulages, de son travail sur la "lumière naissant du noir". On se dit que ses textes pour la plupart écrits par Jacques Lanzmann n'ont pas vieilli. Ils sont juste superbes.
Dutronc ne bouge pas vraiment, pas assez, par contre il pose superbement. Sa voix est bien. Il chante parfois trop près du micro ce qui, malgré le gros son qui l'entoure, confère de temps à autres à sa prestation des allures de bal de province. On se demande si le spectacle est vraiment bien rodé.
Dutronc prévient le public que "le concert est filmé et enregistré".
D'imposantes cameras installées entre le public et la scène, ne cessent de tourner, pivoter, avancer, reculer, elles gênent, elles agacent considérablement les spectateurs. Sans doute une vidéo, un disque à venir (business, business...), tant pis pour les spectateurs présents qui ont acheté leur place au prix fort.
Quelques moments de silence entre deux chansons, on a envie de crier "virez les cameras !", on ne le fait pas, on respecte trop le grand artiste qu'est Dutronc, sa gentillesse, sa simplicité, sa timidité. On le sait fragile, sensible, on ne voudrait pas le perturber dans son travail, dans sa tentative de communiquer avec la salle.
Les tubes s'enchaînent avec un Dutronc tantôt rocker, tantôt crooner, "Fais pas si fais pas çà", "On nous cache tout, on nous dit rien", "J'aime les filles", Les Playboys", "L'Arsène", "Le petit jardin", un très bon "Madame l'existence" (seul rescapé des années 2000)...
Les musiciens sont d'excellents requins de studio, le son est parfois un peu trop propre. Malheureusement, impossible de ne pas constater qu'après un peu plus d'une heure de concert, la voix de Dutronc est en fort déclin. Pour enchainer les chansons Dutronc parle (trop) à son public, sa voix est cassée. Heureusement lorsqu'il chante sa voix est transcendée et se fait moins gênante.
Si le concert avait bien commencé, avec un son très rock, une ambiance sérieusement épurée, élégante, la deuxième partie vire un peu trop au "grand spectacle" (Démonstrations, invité surprise : duo très moyen avec Vincent Lindon pour "Tous les goûts sont dans ma nature"...).
A certains moments, on croirait assister à une revue de cabaret (une naine danse au milieu de la scène, des figurants arrivent et se mettent à danser avec des balais... C'est parfois grotesque, racoleur, vulgaire, ça ne colle ni avec le décor ni avec l'ambiance première partie de concert. On se dit, il y en a pour tous les goûts. On se dit aussi... "encore, si c'était du Philippe Découflé !".
"Merde in France", "La compapade", 22H15 Dutronc sort vite de scène, on le voit de dos marcher vers le fond de la scène, il boite légèrement, on se dit qu'il a vieilli et que nous avons vieilli avec lui.
La foule scande l'éternel "une autre, une autre". Dutronc revient avec un "Et moi, et moi, et moi" quasi identique à celui de son début de concert, une seule chanson, il s'en va cette fois-ci pour de bon. Les spectateurs, certains qu'il reviendra pour un deuxième rappel attendent mais restent sur leur fin. Dutronc ne reviendra pas ce soir.
On est un peu triste mais on quand même passé une bonne soirée, on aurait préféré le voir à l'Olympia mais ce soir, on a vu ou revu Dutronc en concert, ce type au répertoire incroyable, ce type qui n'est pas une bête de scène mais qui est si sympathique, si doué, si désinvolte, ce qui ne le rend pas moins attachant.
Nb. La première partie de Dutronc est assurée par Tao-By. Qui connaît Tao-By ? Quelle bonne surprise de retrouver le merveilleux et trop méconnu Tao-By au Zenith. Pour ceux qui ne connaissent pas Tao-By, un peu d'histoire. Tao-By est l'un des fils de Tao Khan Bey Kerefoff, natif d'un petit village Russe au début du 20ème siècle qui quitte la Russie en 1917 au moment de la révolution Russe. Grand danseur, il parcourt Istanbul, New York, Paris et enfin Calvi dont il tombe amoureux. Sa mère est elle originaire des îles Lavez.
En 1928, Tao Khan Bey Kerefoff achète l'ancien palais des évêques de Sagone dans la citadelle de Calvi et y crée en 1935 "Chez Tao", cabaret-dancing avec pour devise : "Vivez heureux aujourd'hui car demain il sera trop tard". En 1973, à la mort de Tao Khan Bey Kerefoff ses trois fils reprennent le lieu et le transforment en Restaurant et piano bar. Comme l'attestent tous ceux qui l'ont fréquenté, ce lieu est magique. Juché tout en haut de la citadelle de Calvi, il possède une vue plongeante sur toute la baie de Calvi. Les chaudes soirées d'été y sont tout simplement inoubliables.
Tao-By, joue du piano et chante jusqu'au bout de la nuit. Son répertoire est Corse, Russe... il y chante aussi des chansons de Bobby Lapointe, Charles Aznavour, Jacques Higelin, Serge Réggiani... Jacques Higelin, grand habitué de "Chez Tao" et grand ami de la famille écrira une merveilleuse chanson pour Tao nommée "La ballade de chez Tao".
On y croisait aussi souvent Michel Petrucciani. Jacques Dutronc comme tant d'autres y a passé de nombreuses soirées. Tao-By a réalisé quelques disques que l'on ne trouve malheureusement que localement. Parmi ses titres les plus connus sont "Gari Gari", "Framboise", "Bobo Léon"... Un seul de ses disques est présent sur iTunes.
Ce soir il ne fera qu'une brève apparition, à peine une demi-heure, juste quelques chansons dont entre autre "A Castellucciu". Le Zénith est malheureusement une trop grande salle pour apprécier véritablement la sensibilité de ce merveilleux artiste et la magie de ses interprétations... mais quel bonheur de le retrouver !
Critique écrite le 16 janvier 2010 par Philippe Voss
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