Chronique de Concert
(mon) Marsatac 2013, 2/2 : JC Satàn, Andromakers, Nasser, Stubborn Heart, Bonobo, Sexy Sushi, Breton, Squarepusher, Zombie Zombie, Kavinsky
"Pensez moins, Dansez plus !" Alors ça c'est du slogan qui donne envie au chroniqueur, en effet, de s'abandonner dans les foules remuantes et d'errer, clope au bec, verre en main et cerveau éteint, de salle en chapiteau... En tout cas penser moins, c'est sûrement ce qu'a fait le programmateur qui a eu l'idée de mettre 2 groupes de rock à la même heure (sur les 3 ou 4 au total dans la soirée !) : tant pis donc pour les explosifs-mais-déjà-vus-3-fois Dissonant Nation, mon choix se portera sur les formidables-et-vus-que-2-fois JC Satàn, que Marseille a enfin eu une chance de redécouvrir ce soir après un passage un peu confidentiel à l'Embobineuse.
Hélas ils ont déjà commencé, pas depuis trop longtemps heureusement, quand j'arrive au chapiteau. La question du "quid de JC ?", posée à chaque fois, est réglée par le chanteur : "on s'en fout, Jean-Claude ça nous va bien !". Pour ma part intuitivement je les ai toujours appelés comme ça, je trouve ce nom extrêmement arty et classe ! Il y a hélas peu de monde au départ : s'agissant de rock un peu "pointu" en ouverture d'une soirée fondamentalement électro, ça n'a rien d'étonnant (le chanteur nous remerciera donc d'être "si nombreux" !). Surtout à la même heure que Dissonant Nation, locaux qui ont forcément drainé plus de monde... Quoi qu'il en soit, toujours lookés freak-chic, les atypiques bordelais déboîtent les cerveaux à coup de riffs rageurs (Dragons, Believe Me par exemple), partagés équitablement entre le petit chanteur à moustache et la mini-bassiste. Appuyés sur une batterie incomplète mais balèze et par un géant dégingandé qui m'impressionne à chaque fois, au clavier.
Le son est très bien réglé, fort sans être assourdissant, encore que la chanteuse soit parfois étouffée... On s'aperçoit vite qu'il y a sans doute un nouvel album dans les tuyaux (ou un ancien pas sorti ?) : une petite moitié du set est constituée d'inédits, aussi bons que le reste, l'autre de leurs déjà tubesques More Power, Damnation, etc... Le riff-barré-noise-avec-voix-de-fille-claire fait par moments penser aux regrettés Hole, mais parfois, quand tout le monde se met à gueuler, on pense aussi tout simplement à Nirvana - précisément là où se trouvent les auditeurs des 5 premiers rangs ! ...
Quelques problèmes de pédale viennent agrémenter le show, et le chapiteau finit heureusement par se remplir un peu, ce qui est très mérité au vu de l'originalité de leurs compositions. De contondant, leur son finit par devenir brutal, puis metal : rhââââ, du headbang sur du rock garage, quelle joie ! Encore une magnifique prestation de JC Satàn, comme les autres fois : voici un groupe qu'on a vraiment envie de revoir enfin sur son nom propre et plus en festival ou en première partie !
Après cette belle entrée en matière, un grand verre à la main, j'essaye d'oublier que le prochain truc que je veux voir sera dans ... 4 heures, et fais un bon passage à Andromakers (la deuxième moitié à peu près ?). Duo de jeunes filles très électrifié, que je ne connais que très peu, et qui jouent sur la scène au nom d'une célèbre boisson énergétique au goût de ... euh, de vomi sucré. Je suis plutôt charmé par les visuels très jolis du duo, et par leur son, où très peu est joué live hélas, à part les percussions (et même pas toutes !) et un peu de chant hyper trafiqué par moments.
Electro pop variée, allant de transe tribale à du son typé 80's (avec basse à l'octave), en passant par du plus introspectif, du moins intello avec big beat et pour finir le set, un son plus dur, tendance techno historique. Pas d'énormes performeuses en live, mais quelques vraies idées de mélodie et de rythmes en tout cas, et une prestation très plaisante - album(s ?) à écouter !
Tout le contraire, en somme, des Nasser qui ont déjà commencé sur la grande scène, et conjuguent une grosse présence scénique ... avec une absence totale d'idées musicales (malgré la présence ce soir de l'excellent mélodiste Kid Francescoli, mais seulement remplaçant et qui n'y peut donc rien). Je n'avais déjà pas aimé leur précédent passage à Marsatac (il y a 3 ans), j'y suis retourné parce qu'on m'a dit qu'ils avaient (sic) "franchi un pallier". Je passerai un moment à me demander lequel : seraient-ils devenus encore plus mégalos (le nom écrit en grand sur scène, ô combien typique des groupes de peigne-c... horripilants) ?
Encore plus forts pour vendre leur soupe faite de 3 riffs, d'une batterie efficace , et d'un chanteur correct mais dont le terrifiant french axante s'entend à 200 mètres ? Encore plus démago avec leurs harangues incessantes et insupportables ? Amusant, en relisant ma chronique précédente, je leur reprochais déjà tout ça, mais un truc les avait sauvés : Jesse Chaton était venu jouer avec eux ... Bien évidemment, ils s'en branlent, de ce que peuvent penser les amateurs de rock : ils sont bien assez efficaces pour cartonner dans de l'ultra-basique, auprès d'un public majoritairement électro & hip-hop ! Evidemment c'est carré et bien fait, et la batterie électro jouée live est objectivement un plus, mais le tout est affreusement mainstream et convenu, et donc fortement irritant après quelques chansons. Nasser : non, merci, c'est bon là !
Armé de mon hot dog annuel, j'arrive au concert suivant en larmes (...j'ai bêtement pris la sauce chili-thaï... ouch !) : Stubborn Heart, un duo ordinateur/voix très minimaliste par sa mise en scène et même sa présence. Le type a une très belle voix, il ressemble vaguement à Dexter, c'est calme et finalement après quelques titres, un peu chiant (mais gentiment hein, pas agaçant !). Il aurait certainement fallu connaître leur musique à l'avance pour pouvoir l'apprécier à sa juste valeur : c'est précisément le cas de Sami dans sa chronique ! A la place je retourne bêtement checker la fin de Nasser, qui a donc l'occasion de me re-casser les noix avec enthousiasme... "Yeaaah, Marseille !" Finale conclu avec un titre qui sonne comme du sous-Depeche Mode, et salué par un désuet "wo-ho-ho-ho-ho" qui tend à démontrer formellement la ringardise de leurs fans, eux-même...
Passage sauna à Bonobo dans la salle maintenant appelée Des Sucres : c'est fondamentalement toujours un hangar trop peu aéré, et il y fait donc toujours une chaleur suffoquante dès lors qu'elle est pleine ! Electro avec deux batteurs, le groupe développe un son 'ambient', élégant et tranquille, avec tendances jazzy assumées (clarinette, piano etc). On peut même le compter en groupe de rock puisqu'il y a en outre une guitare, une basse. Et même une belle créature qui vient chanter, d'une voix sensuelle à la Martina Topley-Bird. Il fait vraiment trop chaud mais j'y passe 20 minutes assez agréables, d'autant que leurs lumières et visuels sont très réussis...
C'est le moment de découvrir ce que Sexy Sushi, certainement l'un des groupes les plus grande gueule de la scène française, a dans le slip et plus exactement, dans le soutif. Déjà au moins, une envie de contact rapproché : 30 secondes après le début, la chanteuse initialement encapuchonnée (et qui est le 'black swan' de celle de Mansfield TYA) est déjà dans le public, hurlant dans le micro des paroles trash et agréablement compréhensibles (J'aime la France). Le type est derrière un ordi et glandouille donc, envoyant ses beats (pas si affreux que prévu), tandis qu'une sorte de bourreau (un gros bonhomme en kilt et cagoulé) fait quelques animations vaguement sado-maso.
Les chansons lentes, elles, sont plus pénibles : l'ambiance remonte sur Petit Pédé qui voit la scène être envahie par le public. Ensuite, un grand sac de terreau est ouvert et déversé sur le bourreau, puis sur la chanteuse, puis jeté par brassées dans le public, pendant que le boom boom régressif continue...
Pour faire la blague, le bourreau se met à faire des étincelles à la ponceuse (déjà vu, ça, hein...) et la fille finit, comme prévu, par se mettre torse-nue. Bref, du grand n'importe quoi mais au moins, vaguement articulé sur des chansons et au fond, pas plus branleur que Tricky dans un grand soir (comme il y a 2 jours). Malgré le strobo systématique et épuisant, l'ensemble est relativement distrayant à défaut d'être transgressif (si aucun liquide, fluide ou solide corporel n'atterrit sur scène, ça compte pas !) Bref, à voir éventuellement une fois.
Petite déception qui déjoue mes pronostics : Sexy Sushi n'est quand même largement pas aussi moche que les ignobles Kap Bambino - qui restent donc à ce jour le duo électro français le plus abominable du monde, visuellement et auditivement.
Retour aux Sucres moins peuplés : j'aime tout de suite la voix du chanteur de Breton (forcément, c'est une de ces nombreuses Robert Smith-like), tout comme leur rock post-punk mais pas que, très bien joué et bien composé. Avec des vraies chansons pas forcément racoleuses (un rock mélancolique), savamment équilibrées avec d'autres plus catchy (un titre disco-pop, classe et prenant). N'ayant jamais entendu ce groupe, pas grand chose de plus à dire : juste que eux nous font bouger sans rien exiger, sans aucune harangue, par exemple avec un titre très LCD Soundsystem. 40 minutes super sympas ! Je m'en vais car je suis quand même curieux de voir l'historique...
... Squarepusher, dont un clip jungle flippant tourné dans un hôpital m'avait beaucoup marqué au siècle dernier (Come on my Selector - merci Y----be !). J'imaginais ça très pointu mais c'est en fait une électro drum-n-bass agréable voire dansante, jouée avec un son énorme et un visuel intéressant quoique peu varié : le bonhomme a un écran sur la figure et deux autres l'entourent, systématiquement en dichromie.
Il joue de la basse pratiquement tout le temps (qui sort très trafiquée bien sûr), laissant sa ou ses machines faire le reste. Enfin tant qu'il reste au moins 10 % d'organique dans de la musique, je peux adhérer, surtout si les titres sont bons. C'est quand même répétitif à la longue (y compris visuellement !) et je finirai ailleurs, le cul sur un tabouret miraculeusement déniché.
Reste notamment à revoir les valeureux et aimés Zombie Zombie, dont on a toujours dit du bien ici en disque comme en live, tant leur musique électro instrumentale à tendance krautrock, est fascinante et bien fichue. Ils sont désormais trois, renforçant la section batterie sans pour autant la transformer. Sauf que le batteur historique ne finit plus exsangue et apoplectique comme avant : ça lui facilite sa section "cris de bête"... Tandis qu'Etienne Jaumet s'amuse dans ses claviers et comme toujours, avec son petit saxophone. Le troisième homme se contente de faire dialoguer admirablement sa batterie en partie électronique avec les autres.
Le groupe a pris le parti, certes respectable, de présenter surtout les titres marquants du dernier album (Forêt Vierge, Rocket #9), mais surtout d'étirer tous les morceaux au delà du raisonnable. Y compris leur historique et classe Land for Renegades, très excitant car composé en base ternaire. Et ils finissent par un seul thème de leurs reprises de John Carpenter, pas mon préféré (Escape from New York, bien tribale quand même). Le résultat, certes toujours super bien joué et groovy, en est quand même une grosse frustration, d'autant que leur set semble avoir été écourté : 5 titres joués sauf erreur ! Cela dit ils passent souvent dans le coin, pas de panique donc... Et à la prochaine, où l'on exigera notre Halloween habituel !
Puisqu'il était à la même heure, j'ai fait le pari que, de ne voir que la fin de Kavinsky suffirait à vérifier que son show était inchangé et toujours aussi feignant... Autant j'adore son disque Outrun, autant j'ai déjà pu voir aux Eurocks qu'il ne savait pas trop comment le défendre... Au lieu d'y mettre de l'organique justement, il rejoue ses excellents titres pratiquement pareil, en poussotant vaguement les potards. Alors qu'avec ne serait-ce qu'une guitare et une batterie, ce serait déjà géant, et si les parties chantées l'étaient en plus, ça serait potentiellement dantesque... !
Bref, ça fait l'affaire avec un public gentiment allumé (et pour partie fan de Nasser, rappelons-le !), mais ça reste un gros gâchis... Revoir First Blood, Odd Look et ma préférée, Road Game (mega-tube au vu du nombre d'écrans brandis !) et l'inévitable Nightcall en rappel, ce sera bien suffisant : on profite décidément bien plus de Kavinsky en l'écoutant au casque sur un bolide (même à pédales, comme le mien !), qu'en le voyant en live...
Rideau pour ma part après ça : un saut dans la salle où Discodeine va jouer m'a suffi à apercevoir 2 pommes Apple sur scène: ce qui fait au moins deux de trop : ça sent les branleurs de mulot à plein nez et on vient déjà d'en avoir un très branleur justement ! Pas tout ça mais j'ai un marmot joué 100 % en live qui va s'allumer dans moins de 5 heures, moi...
Soirée globalement positive, mais sans avoir vu un concert génial non plus. Note pour plus tard, mieux "préparer" afin de savoir exactement où aller et profiter au mieux des groupes qui bougent peu sur scène. Couplet écolo pour finir : Marsatac poursuit ses efforts très louables pour réduire ses impacts (transports, déchets, eau, énergie), et ça se voit (ndP : sauf pour les gobelets non consignés). Bravo, continuez ! Euuh... Vos pochoirs sont bien lavables à l'eau, pas vrai ?
Longue vie à Marsatac !
Egalement sur Concertandco, des passages à Marsatac, un peu partout dans Marseille, de 2012, 2011, 2010, 2009, 2008, 2007, 2006, et 2005 !...
Plus de photos par Pirlouiiiit par ici
Critique écrite le 30 septembre 2013 par Philippe
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> Réponse le 02 octobre 2013, par Philippe
Attention réponse TRES technique sur les gobelets en plastique (le chroniqueur a aussi un métier...) ! Amateurs de musique pensez-moins-dansez-plus s'abstenir, citoyenNEs & Pirlouiiiit, bienvenuEs, vous allez apprendre des choses ici, enfin j'espère ! ;-) ... En se basant sur le seul critère du Bilan Carbone (= émission de gaz à effet de serre, on pourrait dire aussi "impact sur le climat"), l'asso Orane a pu établir en 2011 que pour leur festival Marsatac, les gobelets c'était peanuts comme impact. En plus d'une logistique "complexe" (en tout cas une logistique en plus) à mettre en place (stockage, lavage, consigne à gérer, etc). En fait leur impact carbone à eux se joue en grande majorité sur les transports (d'où toutes les stratégies développées pour éviter qu'on y vienne en... La suite | Réagir
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Dock des suds, Marseille, le 25/03/2023
Après deux soirées pleines de bons concerts, ce dernier soir recèle de belles découvertes, encore une fois très variées.
Ca commence tranquillement dans la scène cabaret qui... La suite
