Chronique de Concert
Jean-Louis Aubert
On sait déjà que le concert de ce soir se joue à guichet fermé. Mais ce que tout le monde ne savait pas, c'est qu'il n'y aurait pas de première partie, et que c'est monsieur Aubert qui prend à sa charge l'entrée et le plat de résistance (et il propose quoi en dessert ?...).
C'est un public impatient et remonté à bloc qui tape dans ses mains alors que rien n'a encore commencé.
C'est sur les sifflements qui ont rejoints la partie, que les lumières s'éteignent et laissent place à des sons d'éclairs et de pluie torrentielle, qui se déchainent sur un décor de toile peinte en fond de scène. Un paysage de désert américain est représenté, de nuit, avec une silhouette de cow-boy surplombant un canyon. Un air d'harmonica débute, et soudain l'ombre chinoise se met en mouvement ! Jean-Louis Aubert sort de derrière le rideau !
Effet réussi.
C'est assez logiquement que le spectacle commence avec Maintenant Je Reviens.
Sur les paroles "Je reviens vous chercher", les projecteurs illuminent la salle et le public se met à crier parce qu'il le prend comme ce que c'est : un message personnel qui lui est adressé.
Ce sont dix musiciens qui vont se partager la scène épurée du Zénith : trois cuivres, un batteur, un batteur-percussionniste (qui n'est autre que Denis Benarrosh, batteur de Cabrel), une basse, deux guitares, un clavier et mister Aubert lui-même à la gratte. Pour tous, tenue décontractée et idem pour le décor, car la toile en de fond de scène s'est écartée pour faire place à un écran géant, sur lequel des vidéos de paysages et autres animations 3D défilent.
Aubert est toujours affublé d'une guitare et d'un harmonica lorsqu'il entame Demain Sera Parfait. C'est à ce moment-là que l'écran géant dévoile un petit effet, car il est constitué de plusieurs bandes verticales qui peuvent pivoter, et se retrouvent perpendiculaires au public, façon Porte de Brandebourg, en dévoilant d'autres sources de lumières cachées derrière, posées au sol.
De façon générale, les éclairages seront dans les teintes claires, voire seulement blancs, et peu lumineux, dû au choix des LED.
Ce début de concert se veut être sous les aspects d'un simili western, road trip musical qui passe plutôt pas mal, mené avec une bonne poigne à la guitare, se mariant assez bien à la voix du bonhomme, rocailleuse, cassée et qui sent le vécu.
La chanson qui suivra ensuite à une introduction plutôt étrange mais qui s'avère en fait très émouvante. Alter Ego a un goût d'hommage à un vieil ami, puisqu'avant d'entamer les premières mesures, le chanteur déclare : "C'est ce que chantait Guillaume Depardieu à Barbara".
Sur Les Plages, il sort une guitare à surface brillante dont les reflets font le même effet qu'un projo pointé sur le public des premiers rangs. Aubert en profite pour se trémousser sur le devant de la scène, et se transforme en véritable phare, sur lequel tous les regards sont rivés.
On est comme hypnotisés par sa guitare. On ne peut plus en détacher nos yeux, même aveuglés.
C'est pile poil à ce moment précis qu'il décide de nous envoyer en pleine face Argent Trop Cher. Et c'est un public en furie qui se lève d'un même mouvement, mené par des guitares qui saturent juste ce qu'il faut pour se sentir rock'n'roll, et un Kolinka à la batterie plus acrobatique que jamais.
On se croirait pas à la maison, les enfants ?...
Il est désormais clair qu'on aura droit à des séquences Téléphone disséminées un peu partout dans le concert.
Ouf, les fans de la première heure respirent.
Lorsque le chanteur fait signe de bouger les bras dans un sens puis dans l'autre, la sauce prend jusqu'au dernier rang.
C'est fini, le public a ce qu'il est venu chercher.
Debout, la foule s'égosille sur les riffs et ses guibolles sautillent comme dans les années 70. Elle va même jusqu'à lever le poing en l'air en signe de protestation contre la société.
Adieu courbatures et petits bobos. Aubert, cure de jouvence ?...
Une mention spéciale à Richard Kolinka, batteur et pote de Jean-Louis Aubert depuis l'avant Téléphone, qui, comme à son habitude, nous a montré qu'il prenait grave son pied en jouant.
Mais d'ailleurs comment fait-il pour donner l'impression qu'il tape sur ses fûts alors qu'il a toujours les bras qui tournicotent en l'air et fait des grimaces ? Il n'hésite pas non plus à se lever plusieurs fois pour se balader sur scène, aller voir comment se débrouille Bennarosh, puis retourner s'asseoir derrière ses toms en tapant sur les cymbales à mains nues ! Bref, la pêche est toujours au rendez-vous.
Mais là où il faut reconnaître la performance, c'est que Jean-Louis Aubert a aussi réussi son après- Téléphone. Au sortir d'énormes carrières d'énormes groupes, peu arrivent à reproduire la success story dans des projets solos ; mais pour Aubert c'est pas le cas, et c'est pas la taille de sa discographie qui dira le contraire. Alors dans la catégorie "cartons en nom propre" il a ce qu'il faut, et même s'il est là pour présenter avant tout Roc'Eclair, son dernier en date, il en place d'autres, comme Ailleurs.
Sur celle-là il chante un refrain dans le noir complet, sauf pour l'écran géant en fond qui diffuse des images de cosmos. C'est une sensation lourde et intense qui colle très bien au texte, et on est un peu déçu de ne pas renouveler l'expérience sur chaque refrain.
C'est aussi dans un exercice plus que difficile sur Demain Là-bas Peut-être, chanson acoustique (guitare, flûte traversière, voix), que le p'tit gars nous montre qu'il a encore bon souffle et tient bien les notes. Pendant tout le morceau, et même si le silence est de mise, le public jette des mots d'amour d'un peu partout et Aubert les attrape et les renvoie à son tour.
C'est simple et sans fioritures, c'est agréable et digne des salles les plus intimes. Il n'est pas étonnant qu'une marée d'applaudissements, de cris et de pieds qui tapent s'explosent sur les murs du Zénith.
Les Lépidoptères, "Chanson animalière et pré-électorale" nous informe Aubert, a de temps en temps des accents de Soul et de Jazz dans les guitares et claviers.
L'intérêt majeur de ce morceau est de nous présenter ses musiciens. Le chanteur amène le trombone jusque devant la scène en tenant le micro devant le pavillon de l'instrument, sous prétexte qu'il est "resté enfermé toute la journée".
Des couleurs musicales typiquement 70's éclatent en tous sens. C'est gai, maîtrisé. Mais sans conteste, ce sont les guitares qui ont mené la danse tout le long, avec notamment un Thomas Semence (fidèle compagnon de tournées depuis de nombreuses années, qui se lance aujourd'hui en solo) très en forme.
Pour le reste, les cuivres semblaient être un peu sous-exploités, dommage, et les percus pas assez fortes (le thème de la soirée n'était pas de faire du métal hardcore, me direz-vous...).
Lentement, un piano droit fait son apparition au centre de la scène. Simplement éclairé par une très forte lumière venant de derrière lui dans un second temps, Jean-Louis Aubert entame d'abord Loin L'un De L'autre, chanson ô combien triste, chargée d'émotions et avec quelques réminiscences symphoniques, seul, dans le noir total.
Les spectateurs silencieux et attentifs que nous sommes devenus, retiennent leur souffle jusqu'au bout. Avant que les applaudissements ne soulignent la consécration, un commentaire éclate dans la salle, qui m'enlève les mots de la bouche : "Enorme !".
Puis soudain, un tournant majeur dans l'ambiance du concert.
Le Jour S'est Levé débute. Le public lui aussi est debout et ne se rassiéra que très difficilement.
Juste Une Illusion, Temps A Nouveau. Les lights tournent dans tous les sens, baignés dans la brume ambiante orange et chaude. L'apothéose est telle que ça sent la fin proche, comme le bouquet d'un feu d'artifice qu'aura été ce concert.
Il pourrait s'arrêter de chanter là notre Jean-Louis, parce que le public prend le relais sans aucun souci, et même les musiciens risquent le chômage technique tant le tapage des mains et des pieds suffit à donner le rythme qu'il faut.
Photo finish : dix copains essoufflés, trempés de sueur mais submergés de joie d'avoir partagé ce moment.
Le premier morceau du rappel est Puisses-Tu.
Aubert apparaît sans guitare, noyé dans un projecteur en contre-jour, et soulève ses bras au rythme des tapements de mains du public, comme autant de battements de curs. La symbiose fonctionne bien, mais pour un début de rappel c'est un peu mou, et l'euphorie retombe légèrement.
Qu'à cela ne tienne, sortons vite une vieillerie qui, elle, ne prendra jamais une ride au coin de la gueule, pour rebooster tout ça : Ça C'est Vraiment Toi.
A partir de là, plus de limites.
Un duel à 3 guitares, où chacune répond à l'autre : à qui aura la plus grande dextérité, à qui le plus gros effet de distorsion ; avec même quelques notes de La Grange de ZZ Top qui se sont glissées au milieu! (Les auras-tu reconnues ?)
Aubert se sert du mot "ça !", dans le refrain de la chanson, pour partager des vocalises avec la foule. Il joue avec nous comme un marionnettiste, et on s'avère être les meilleurs pantins du monde ! Le morceau prend aussi des allures d'un Ska sur des mesures de Satisfaction !!!
Mix surréaliste mais qui fonctionne plus que super bien.
C'est pas possible, on ne peut pas en rester là, et c'est obligatoirement un deuxième rappel qui est plébiscité.
Le morceau prévu au programme est On Aime, et en plein milieu le chanteur fait une variation qui donne "Moi j'aime comme vous m'avez aimé", avec un lancer de bisou en prime.
Sur Un Autre Monde il n'a plus besoin de micro (au sens propre cette fois), on chante pour lui. Alors il se balade sur scène, va embrasser son batteur chéri (c'était pas sur la bouche, là ?...).
Rappel fini.
Mais le public reste bien là.
Il en veut un 3e.
Vous avez pas de maison les gens ? "Une autre ! Une autre !".....ah ouais, pas de maison....
Et Jean-Louis Aubert revient, et se jette à genou pour remercier ceux qui ne veulent plus le quitter. "Merci infiniment mes amours. Le meilleur à tous." Il nous parle comme à de vieux copains, s'inquiète même pour nous : "Soyez prudents en rentrant".
Et s'il y a une chanson de son répertoire faite pour ce genre de situation c'est bien Voilà C'est Fini.
Cette fois il est seul sur scène. Seul à la guitare.
C'est la der des ders, c'est sûr.
On aurait presque du mal à retenir une petite larme.
Lentement, à reculons, il part avec sa guitare sur l'épaule.
A la prochaine, vieux....
Setlist :
Maintenant Je Reviens
Demain Sera Parfait
Regarde-Moi
Alter Ego
Les Plages
Argent Trop Cher
Ailleurs
A Ceux Qui Passent
Demain Là-bas Peut-être
Les Lépidoptères
Locataire
Loin L'un De L'autre
Le Jour S'est Levé
Marcelle
Juste Une Illusion
Temps A Nouveau
--------------------------------------
Puisses-Tu
Ça c'est vraiment toi
On Aime
Un Autre Monde
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Voilà C'est Fini
Critique écrite le 13 novembre 2011 par Sylvain Cabaret
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