Chronique de Concert
Jean-Louis Murat (Tournée Le Cours Ordinaire des Choses) + The Delano Orchestra
La Coopérative de Mai, Clermont-Ferrand 7 avril 2010
Critique écrite le 08 avril 2010 par Pierre Andrieu
Soirée 100% auvergnate à La Coopérative de Mai avec la date clermontoise de la tournée Le cours ordinaire des choses de Jean-Louis Murat, venu en voisin, et en première partie, le concert de The Delano Orchestra, brillant représentant du label basé à Clermont-Ferrand, Kütu Folk Records. Deux très beaux moments dans des styles radicalement différents, et ce devant une salle attentive, respectueuse et assez enthousiaste. Il faut dire que les 800 personnes présentes en ont eu pour leur argent : 45 minutes du nouvel album du Delano Orchestra - à paraitre en octobre 2010 - en ouverture de programme, plus 1h50 d'un Murat bien accompagné, peu bavard au micro mais concentré sur son envie de jouer en public avec ses petits camarades.
The Delano Orchestra, Courage et audace...
Malgré quelques imperfections - tout à fait normales quand on décide de jouer en intégralité un nouvel album complexe et fraichement enregistré -, la prestation du Delano Orchestra au grand complet (guitares, basse, batterie, trompette, violoncelle...) a ce soir tout pour emmener dans l'univers torturé, sombre et agité de soubresauts émotionnels du groupe.
A des années-lumière du consensuel et de l'easy listening, le groupe clermontois continue à tracer sa route en alternant toujours des lancinantes folks songs sur le fil du rasoir et de captivantes montées post rock. En poussant plus loin sa formule gagnante (alternance de passages calmes et de tempêtes), cet orchestre mélancolique, soudé et inspiré, pas du tout fait pour les bals populaires donc, séduit durablement. Placés au début et au milieu du set, on remarque deux morceaux tranchant avec les titres qu'on est supposé attendre : une tentative réussie de disco rock bravache, accrocheuse et surprenante, et un morceau évoquant une chanson bruitiste de cowboy, dans un style jusqu'au-boutiste et étrange. Si les guitares acoustiques et électriques sont parfois désaccordées ou jouées faux, si la mise en place laisse un peu à désirer et si la voix se brise parfois devant l'ampleur des sentiments à exprimer, la grande majorité du set fait très bonne impression, transportant dans les méandres de l'inspiration spleenétique de ce précieux combo.
Cette première partie aux atours touffus et presque inextricables a le mérite de permettre de découvrir en avant première un disque très attendu, présenté en live lors d'un passionnant Work in progress. Quand tant d'artistes font du surplace et proposent sempiternellement le même spectacle, le courage et l'audace du Delano Orchestra sont à saluer...
Jean-Louis Murat, Chanter est sa façon d'aimer...
Après une courte pause, c'est un Jean-Louis Murat concentré et peu loquace, qui se présente sur scène, accompagné par ses fidèles acolytes Fred Jimenez (basse souple et ronde), Stéphane Reynaud (batterie métronomique) et Denis Clavaizolle (synthés planants). Visiblement ravi de se retrouver, le groupe est là pour jouer, sans en rajouter. Si Murat se contente de timides "merci" à la fin des morceaux (en fin de soirée, il s'autorisera juste une blague sur La Bourboule et un trait d'humour : "On fait des jerks ou des slows !"), l'essentiel est ailleurs : une set list de rêve est déroulée dans le seul et unique but de faire prendre son pied au groupe... et au public ! "Chanter est sa sa façon d'aimer", comme il le dit si bien en musique.
On notera néanmoins deux ou trois fautes de goût : un dispensable slow inédit où Murat cabotine sans guitare, deux ou trois solos de six cordes influencés par le Best of de ZZ Top et quelques synthés un peu trop dégoulinants. A part ces détails, représentant en tout et pour tout cinq minutes sur près de deux heures de spectacle, c'est le paradis pour les fans de Murat. La rencontre entre les superbes morceaux du Monsieur, plus que jamais écrits avec une plume sensuelle, poétique et portée sur la Chose avec un grand C, le son du dernier album (guitare électrique bien country blues rock) et un retour aux sources muratiennes, avec des claviers atmosphériques à la Angelo Badalamenti et à la Rick Wright (Pink Floyd), se transforme en instants de magie où le temps suspend sa course. Enchainées sans temps morts, les compositions de Murat permettent de décoller vers un ailleurs évoquant un survol du Col de La Croix Morand - cet envoutant son de synthé reconnaissable entre mille ! - par une journée où les éclaircies et les orages se succèdent, avec de nombreuses étapes dans les rues, les bouges et les studios de Nashville, Tennessee, sur les scories volcaniques de Taormina ou dans une pimpante Taïga, voire dans l'église de Notre Dame d'Orcival. JLM chante admirablement bien, ses morceaux sont soit langoureux soit tempétueux et son groupe est en forme olympique, chapeau bas les Cowboys !
Du bouleversant Ginette Ramade, joué en ouverture, au sidérant L'examen de minuit (Baudelaire adapté par Léo Ferré), qui conclut le rappel d'une demi-heure, en passant par l'époustouflant "Chanter est ma façon d'errer", le joli inédit "Pauline à cheval", les très énervés "Comme un incendie" et "Yes Sir", les géniaux "Se mettre aux anges" ou "Falling In Love Again" ou le superbe retour à bord du "Train Bleu", c'est un sans faute. En privilégiant les titres moins évidents et connus de son répertoire - comme les très beaux "Les voyageurs perdus", "Taormina", "Mousse noire", "16h qu'est ce que tu fais ?"... - et en faisant l'impasse sur ses titres trop écoutés en live ces dernières années ("Le cri du papillon", "L'au-delà", "Les jours du jaguar") renouvèle complètement son live, s'éclate en bonne compagnie sur les planches et donne envie de continuer à suivre son parcours. Pour un bout de temps.
A lire également, une interview de Jean-Louis Murat dans le cadre de la publication de "Travaux sur le N89" (2017)
Liens : www.jlmurat.com, www.instagram.com/jeanlouismurat, www.facebook.com/jeanlouismurat, twitter.com/jeanlouismurat, www.surjeanlouismurat.com, www.leliendefait.com...
Critique écrite le 08 avril 2010 par Pierre Andrieu
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