Chronique de Concert
Jean Michel Jarre
Alors vous imaginez un gamin tout souriant qui ne tient pas en place, croisé avec un savant fou et génial (sans oublier une ressemblance physique et vocale frappante avec Jean Luc Lahaye, mais ca, je ne suis pas sur que ce soit une qualité !), et vous avez Jean Michel Jarre en live ! Moi qui ai toujours pensé qu'il était très sérieux, concentré sur ses machines, eh ben tout faux ! Il saute derrière ses claviers, il harangue le public de longue, un sourire tantôt béat, tantôt halluciné, tantôt enthousiaste, bref un vrai gosse qui s'éclate comme c'est pas permis !
En toute sincérité, j'ai très rarement vu un artiste de sa carrure mondiale, et de son âge, prendre autant son pied, comme si c'était ses premiers lives ! Parce que mine de rien, s'il apparait vraiment bien conservé, d'une cinquantaine fringante, en réalité il a 62 piges le gars !! Et j'insiste sur le terme ARTISTE. Pionnier. Unique.
Lorsqu'il entame son set dans un Dôme tout assis quasiment complet, à 20 heures pétantes, nous partons dans un voyage multi dimensionnel, multi sensoriel, une expérience vraiment unique, dans le sens premier. Un spectacle qu'il est le seul à proposer.
Pourtant, durant le (très) long premier morceau, tout calme et s'étirant lascivement sur plusieurs minutes, je me suis dit que j'étais à la limite de l'ennui, et que si ca donnait le ton de la soirée, j'allais trouver le temps long...
Et puis pour la deuxième compo il rajoute des sons, pour le troisième, une immense toile blanche, couvrant toute la largeur et la hauteur du fond de scène se dévoile, et des images prennent vie, nous emmenant dans une course multi directionnelle à travers des circuits électriques, des jacks et des potentiomètres. Mieux qu'au Futuroscope, d'où nous étions idéalement placés au troisième rang plein centre !
Puis durant le quatrième titre, des lasers font leurs apparitions, puis au cinquième JMJ s'avance au devant ses claviers, un faisceau lumineux sort d'un appareil dans le sol, montant vers le pafond tout en se divisant en sept ou huit rayons selon sa volonté, qui produisent un son différent chaque fois qu'ils les coupent avec ses mains gantées à plat. Un genre de piano, où chaque touche de l'octave equivaut à un rayon du faisceau, donnant une note ample et parfaite. Superbe.
Et puis sur le septième morceau d'autres lasers envahissent la scène et la salle, sur le neuvième JMJ se ramène avec un clavier-guitare impressionnant, ultra perfectionné, puis sur le dixième il retourne derrière ses machines, coiffe un casque-lunettes-camera, pour nous faire vivre de très près tout ce qu'il touche, nous enfoncant dans son génie echevelé.
Puis sur le onzième le voilà qu'il se place derrière un pupitre, comme pour prêcher la bonne parole, sauf qu'il nous balance un opus tout en sons magnetiques ("Theremin piece"). Je ne sais pas comment ca marchait, mais c'etait original et fascinant.
Puis il se met au piano-synthé pour une compo assez lente, pendant que sur l'immense toile de fond, nous pouvons voir défiler en temps réel plusieurs données chiffrées, comme le nombre de personnes sur la terre, le nombre de barils de pétroles restant, le nombre d'emails envoyés, le nombre de personnes sans eau potable, et le nombre de drogues consommées à l'année. Pas de discours, juste une belle mélodie mélancolique et la réalité des chiffres. Plus efficace que tout.
Puis vient le temps d'enflammer le Dôme, qui se lève comme un seul homme aux premières notes d'un "4eme rendez vous" fantastique, avec lasers dans tous les coins, rampe de lights, une multitude de sons explosant de partout... Un vrai bonheur pour moi, car ce fût un de mes tout premiers 45 tours, qui a tourné, tourné, et tourné, dans le fameux mange-disque orange des 80s... J'avais 10 ans alors, et quand je voyais à la tv les shows énormes qu'il faisait alors partout dans le monde, j'étais émerveillé... 24 ans après j'ai pu revivre à mon échelle, grâce à cette chanson, quelque chose d'intimement magique...
Et pendant que le public restait debout, il a enchainé les classiques restant, dont un "Oxygène" exceptionnel en avant dernier rappel. C'aurait été logique qu'il finisse de cette manière, mais il est revenu une ultime fois, pour une oeuvre etrange, "Calypso 3", sorte de berceuse multicolore, se terminant par un Jarre à la guitare-clavier, plus épurée que l'autre, ayant vraiment le son d'une gratte electrique, et balancant un solo de la mort en apothéose finale ! Grandiose.
Alors oui j'ai eu un peu peur au regard du premier morceau interprété, mais vous avez compris à travers ma description allant crescendo, que l'artiste à construit son show de manière à ce que le spectateur parte d'une base calme et sereine, pour petit à petit, grâce à un savant mélange de sons, d'images, de visuel, de perceptions, de sensations, et d'émotions, incorporer un temps hors de notre temps, le menant à un big bang orgasmique, pour le laisser pantelant et quelque peu désorienté au terme de ce voyage parallèle uniquement exceptionnel.
Je m'attendais à quelque chose de bien, même si je savais qu'en simple salle, ca n'aurait pas la démesure de ses grands evenements exterieurs comme Pékin, la Défense ou Houston, mais j'ai eu bien plus qu'un bon concert, j'ai VECU 2h20 d'une experience inédite, marquante.
Imaginez, la première fois que j'ai regardé la montre pour savoir depuis quand ca avait commencé, j'ai réalisé qu'une heure vingt avait déjà filé ! Un signe qui ne trompe pas.
Et imaginez quelque chose d'encore plus fou que tout ce que j'ai pu écrire: c'est la première fois qu'au Dôme, cette salle peu réputée pour son accoustique (un doux euphémisme...), j'ai eu droit à un son PAR-FAIT. De là ou nous etions, c'etait tout simplement et incroyablement parfait ! Tous les sons etaient restitués, toutes les basses, toutes les nuances, toutes les nappes, toutes les distortions, tout, tout, tout. Ce qui a donné de l'ampleur à l'exacerbation de nos sens, evidemment.
Je ne connais pas vraiment les noms et numeros des morceaux, mais les thèmes principaux des "Chants magnétiques" etaient dantesques, "Equinoxe" hypnotiques, "Oxygène" enivrants, les "Rendez vous" sublimes, les "Chronologies" prenaient aux tripes, le "Industrial revolution" jouissivement dérangeant, le "Souvenir de Chine" tout simplement beau.
Jarre etait accompagné de trois autres musiciens electroniques, la scène etait envahie d'appareils qui semblaient sortis des années 80, avec ces cables partout, ces fiches et jacks branchés à de gros amplis ou je sais pas quoi, bref pas de miniaturisation, mais de la perfection sonore, digne de Jean Michel Jarre, l'Unique.
Un immense bonheur, partagé par tous les spectateurs en standing ovation, des plus jeunes (assez rares ce soir là), à un majorité de cinquantenaires, comprenant monsieur et madame tout le monde, ainsi que des metalleux que j'ai pu reconnaitre. Tous réunis pour un Artiste qui sait mouiller sa chemise (au sens propre !), en donnant un plaisir sans limites. Sublime.
Setlist :
Intro
Oxygène 1
Oxygène 2
Magnetic Fields 1
Equinoxe 7
Rendez-vous 3 (Laser Harp)
Magnetic Fields 2 P
Souvenir of China
Oxygène 5
Variation 3
Theremin Piece
Equinoxe V
New track played on Korg PA-500
Industrial Revolution 2
Rendez-Vous 2
Rendez-Vous 4
Chronologie 6
Chronologie 2 P
Rappel 1
Oxygène 4
Oxygène 12
Rappel 2
Calypso 3
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Critique écrite le 21 mars 2010 par Gandalf
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> Réponse le 22 mars 2010, par Philippe
Eh bien merci à Gandalf d'avoir fait aussi vite, pour ma part puisque j'étais l'accrédité, je vais quand même faire mes devoirs et pouvoir ainsi nuancer un peu son enthousiasme déraisonnable ! Mais tout d'abord, cette chronique est dédiée aux jeunes filles qui, samedi soir déjà, squattaient et campaient dans une vingtaine de tentes devant le Dôme, trois jours avant le concert de Tokio Hotel (et qui se sont fait tremper la ganache aujourd'hui lundi toute la journée). Ca, c'est de l'amour : je n'aurais certes pas fait pareil pour Jean-Michel Jarre ! Comme tous les petits garçons nés dans les années 70, j'ai partagé la fascination de Gandalf pour ce bon vieux Jean-Michel Jarre, 61 balais et toujours une allure de jeune homme - j'avais d'ailleurs pas mal de disques de lui (j'avoue en... La suite | Réagir
> Réponse le 23 mars 2010
(Pirlouiiiit :) Je ne suis pas resté jusqu'au bout mais j'ai plus ressenti les choses comme Philippe (qui du coup me dispense d'une réponse) que comme Gandalf. Les animations laissaient à désirer en effet et le premier morceau était d'une lenteur et longeur décourageant (sans rien sur l'écran derrière lui ?!?). Mais en effet vu l'enthousiasme de Jean Michel Jarre et surtout du public dans son ensemble en dehors de "moi ça ne m'a pas autant touché" on ne peut rien vraiment dire de plus ... Réagir
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Si on m'avait dit que j'allais voir Jean michel Jarre en concert, je ne l'aurais pas cru tant jean Michel Jarre est souvent associé à une image de Has been faisant de la musique de super marché sur des sons et lumières financés par des deniers publics.
Meme si ce constat est on ne peut plus réel, il ne faut pas oublier non plus que Jean Michel... La suite
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