Chronique de Concert
Jean-Michel Jarre
Comme tous les petits garçons nés dans les années 70, j'ai partagé la fascination de Gandalf pour ce bon vieux Jean-Michel Jarre, 61 balais et toujours une allure de jeune homme - j'avais d'ailleurs pas mal de disques de lui (j'avoue en avoir racheté 2 en vide-grenier au 21ième siècle et je cherche toujours par ce biais les Champs Magnétiques d'origine, disque qui me fascinait par sa couverture). Grosse curiosité donc de voir le phénomène, en tout cas l'ancien phénomène, pour une fois pas en concert ni à Gizeh ni au Pole Nord, mais tout connement au Dôme de Marseille : l'occasion à saisir en somme. Public assis, et je dois dire que l'invitation m'a donné une superbe place, plutôt devant et complètement au milieu (merci à l'organisation !). Il est vrai qu'en regardant bien la salle n'est pas tout à fait comble (les bas-côtés sont vides) - l'un des deux ou trois inventeurs incontestés de la musique synthétique serait-il un peu tombé en désuétude ?
En tout cas c'est toujours une star pour son public (très varié en âge), car son arrivée par en haut déclenche une belle bronca. Ils sont 3 avec lui sur scène, entourés d'instruments vintage et de consoles old-school - c'est tout à son honneur d'être resté sur du vieux matos alors que basculer en laptop-souris serait si facile. Question spectacle par contre, les effets spéciaux m'ont beaucoup déçu : à part des lasers multicolores, il n'y a pas beaucoup d'idées ! C'est beau les lasers, okay, mais la moindre boîte de nuit à Cuges-les-Pins a les mêmes depuis 10 ans ! Ce mec devrait un peu s'ouvrir au monde et au 21ième siècle, et aller voir par exemple un concert de Daft Punk (ça, c'est une putain de claque visuelle !). Ou bien à défaut de Vitalic, autre artiste qui lui doit énormément et qui nous a déjà souvent bluffé par ses visuels...
Pas plus impressionné par l'écran géant qu'on a amplement vu et revu ailleurs, ni même par le synthé-laser certes culte mais potentiellement "fake", et qui ornait déjà mon vinyl de lui acheté il y a environ 25 ans... Je n'y ai pas trouvé les animations très belles non plus, ça manquait sérieusement d'idées ! La vidéo sur la console géante était pas mal, mais en boucle et répétitive, et les "oiseaux" d'Equinoxe dansant en vagues pendant des plombes ont presque fini par me donner la gerbe... Là-aussi, on ne peut que lui conseiller d'aller voir un concert de ses contemporains de Kraftwerk dont les vidéos sont elles aussi très simples mais... somptueuses ! Et pourquoi sa micro-caméra de lunettes, une bonne idée pour le montrer en action au plus près, était-elle en noir et blanc, comme tous les moments où il était filmé ? C'était plutôt affreux, une fois projeté en si grand.
Par ailleurs, mais là je n'ai pas à en juger, je n'étais pas assez à fond pour avoir envie de sauter en l'air en brandissant le doigt comme lui (et comme un espèce de ravi), le sourire scotché sur la face. Je me suis senti aussi décalé quand il a joué son pénible Rendez-Vous IV et que la salle entière s'est mise à taper des maines et danser, qu'au milieu des fans de Johnny... J'ajoute pour finir sur tout ce qui ne m'a pas plu, qu'il joue de l'accordéon vraiment comme un pied (et OUI, j'en joue mieux que lui ! et pourtant je suis assez bidon) d'autant que c'est le modèle "gitan" c'est-à-dire sans les boutons, le plus facile à jouer donc. Au synthé-guitare, instrument dont je n'ai jamais joué, c'est sûr d'en juger mais il ne semble pas tellement technique non plus... Et même au Theremin, il ne m'a pas du tout, du tout impressionné - le mec qui accompagne Biolay en joue vachement mieux que lui ! Même si je suis sûr qu'il a largement contribué à faire connaître ce bel et étrange instrument.
Bref on sent que ce mec est quand même plus ingénieur du son que musicien ou même décorateur/éclairagiste, c'est un fait. Voilà, maintenant que j'ai justifié mes 2 petites étoiles à peine, je peux dire ce que j'ai aimé. Car tout ça n'empêche certes pas que ce mec ait été pompé et repompé (samedi dernier encore, j'ai vu au Cabaret Aléatoire un concert de Turzi, jeune rocker électro au top de la hype et de la presse branchée, et qui s'est énormément inspiré de lui et utilise les mêmes types de consoles). De plus ses instruments anciens (Moog, Mini-moog, Mellotron and co) lui donnent un son d'une saveur analogique inestimable : à dire vrai, ça sonne, et très chaleureux ! Ca sonne même un peu trop - mes oreilles sifflaient un peu à la fin, les gens moins habitués que moi aux concerts ont du souffrir, j'en ai entendu se plaindre dans le métro d'ailleurs.
Sur les titres joués, j'ai reconnu une grosse moitié (et pourtant j'ai arrêté de l'écouter bien avant la fin du 20ième siècle), j'en conclus qu'il a bien tapé dans de l'ancien. Il a notamment puisé dans Equinoxe dont il a joué au moins les IV et V (j'avais révisé sur vinyle !), la mini-symphonie du IV étant selon moi l'un de ses tous meilleurs morceaux (d'ailleurs j'ai remué un pied !) et le V étant à peu près son tube ultime, gardé pour le dernier rappel. Nous avons aussi entendu Oxygène III, autre mini-symphonie plutôt intéressante et plaisante, et le hit total Oxygène IV, qui porte tout le paradoxe de Jean-michel Jarre : c'est un grand morceau, mais comme pratiquement toute son oeuvre, ce ne sont pas des trucs qui se dansent, ni ne se jouent en sautant à pieds joints, non, même pas Rendez-Vous IV, messieurs-dames, un peu de dignité enfin (je plaisante) !
J'avoue par contre avoir redécouvert avec une certaine fascination sa pièce la plus wagnérienne, Rendez-vous II, le meilleur moment du concert à mon goût et qui m'aurait presque fait vibrer (il faut dire que comme disait Woody Allen, quand j'entends Wagner, j'ai toujours un peu envie d'envahir la Pologne...). cela dit ces 4 instrumentistes, même doués, ne peuvent pas rendre la vibration d'un orchestre symphonique et de cinquante choristes, comme à la grande époque et sur mon ancien et égaré double vinyle de live à, euh, Tataouine... Je peux encore dire qu'il n'a pas joué les thèmes que je connaissais de Zoolook et qu'il a fait au moins un ou deux Champ(s) magnétique(s) (non, je ne copierai pas sur mon voisin Gandalf, je ne suis pas un tricheur ni un dégonflé ! ;-)
J'ai aussi pensé à 2 reprises à Vangelis sur des titres que je ne connaissais pas, et en ai simplement conclu que celui-ci lui avait probablement tout pompé. Mais j'ai clairement reconnu, sur des titres plus récents (l'un sonnant électro avec du boom boom), les structures de ses morceaux anciens, des enchaînements d'accords et des morceaux entiers de mélodie : j'en conclus que ce monsieur, qui a beaucoup apporté à la musique, a fait le tour de sa créativité. Je n'ai pas aimé non plus sa façon extrêmement scolaire et démago de communiquer avec son public, "le meilleur de France" (comme ça les suivants qui le verront pourront voir si oui, ou non, il le dit comme je le soupçonne, à chaque fois). Au final le spectacle est une demi-déception, mais sans doute aussi parce que l'âge d'or de sa musique est largement passé...
Bref, voir Jean-Michel Jarre n'était pas forcément nécessaire avant de mourir, cela dit j'avoue que je n'ai commencé à m'ennuyer qu'après 1 h 55 de concert (!), que c'était donc un concert généreux (il a fini en nage après plus de 2 h 15), que j'ai trouvé cela agréable par moments, sans pour autant que cela ne me fasse totalement vibrer, encore moins frémir. Jean-Michel Jarre 2010, c'est désormais l'incarnation exacte du son "rétro-futuriste", à condition de ne pas oublier que dans ce mot il y a aussi... rétro. Bonne chose de faite, me suis-je dit en sortant du dôme, mais pas vraiment avec des étoiles dans les yeux comme l'espérait le petit garçon que j'ai toujours en moi...
Critique écrite le 22 mars 2010 par Philippe
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