Chronique de Concert
"Jean, Solo pour un Monument aux Morts"
Parvis de l'Eglise Saint Laurent, Marseille 03 septembre 2016
Critique écrite le 05 septembre 2016 par Philippe
Son auteur-compositeur-interprête étant Patrice de Bénédetti, bien connu de nos services en tant que conducteur du banc poissonnier des Conger! Conger!, on a envie de laisser quelques mots sur ce spectacle-ci, Jean, Solo pour un monument aux morts, où il est quelqu'un de tout autre, et comme son nom l'indique, en solo. Tout en déployant finalement une bonne partie des mêmes talents : mise en scène, danse, densité de la performance, chant...
Enfin bon, chant... A vrai dire il n'y a qu'une chanson dans le spectacle, une chanson de légionnaire, interprétée à la façon inimitable des bidasses marchant au pas, une chanson fière et con comme le sous-officier qui l'a écrite, et bouleversante comme le destin des pauvres types qui l'ont chantée avant d'aller mourir loin de chez eux. Tout le reste du spectacle, c'est de la danse et du mime, muet mais porté par un regard d'une intensité glaçante. Un corps qu'on voit lutter, se débattre contre la gravité, se péter la gueule, encore et encore. Tomber dix fois, se relever onze... Et parfois s'envoler fugacement, tournoyant autour de sa béquille.
Au commencement, un estropié claudiquant avec une canne sur un pied tordu, arrive chargé d'un lourd barda. C'est en quelque sorte un fils qui vient sur la tombe de son père spirituel. De son grand sac, dans la tradition du théâtre de rue, il déballe tout son décor, aussi modeste que puissamment évocateur : quelques poignées de sable (qui figureront des tombes, des poignées de charbon, ou des liasses de billets), quelques pommes (qui seront des interlocuteurs, des bombes, des soldats sacrifiés), un casque qui n'a manifestement pas su protéger son propriétaire, et la béquille qui pourra aussi bien soutenir la vie, que la menacer ou y mettre un terme brutal, transformée en arme par destination.
Le propos est une évocation du début de la Grande Guerre, à l'été 1914, la Der' des Der' comme on disait, via l'un des rares grands leaders qui ont voulu l'éviter (Jean Jaurès), et via l'un des nombreux petits chefs qui l'ont mise en oeuvre avec tant de zèle (le maréchal Joffre), et bien sûr via ceux qui y sont morts. Un long monologue/dialogue entre un disciple et son mentor, disparu dans cette guerre donc, un conflit boucher dont la brutalité est formidablement évoquée ici par quelques pommes martyrisées, rouges comme les pantalons couleur garance dont le maréchal avait jugé bon d'habiller sa glorieuse chair à canon...
Une réflexion puissante et aboutie, antimilitariste mais pas que, démontrant surtout avec limpidité que cette guerre fut bien plus une guerre entre les classes, qu'entre les peuples ! Que de tuer Jaurès fut aussi de tuer 50 ans de progrès social et d'espoir... Et qu'en 1914 se joua finalement bien plus le match-retour de la Commune de Paris, que de la Guerre de 1870... Ainsi que diverses autres considérations, du cas général d'une guerre mondiale, au cas particulier d'un mort parmi des millions d'autres, et qu'on ne dévoilera pas toutes ici... Nous menant presque à écraser une larme, à la mise en terre finale d'une simple pomme, ô combien symbolique encore.
A vrai dire, le making-of final est presque aussi bouleversant : une fois sa performance terminée - techniquement très maîtrisée et artistiquement assez poignante, l'artiste explique la genèse de ce spectacle qu'il a écrit, le dialogue avec l'au-delà qu'il lui permet d'instaurer, et la promesse à son père qu'il lui permet d'honorer... C'est magnifique et, évidemment, à ne pas rater la prochaine fois si vous en avez l'occasion.
JEAN en septembre :
10 et 11 ANGERS (49)
15 et 16 LAVAL (53)
18 CASTERA VERDUZAN (32)
21 VITROLLES (13)
24 MARGNY (58)
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Critique écrite le 05 septembre 2016 par Philippe
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