Chronique de Concert
Jeffrey Lewis And The Junkyard + Pikelet + Zak Laughed And The Hobos Company
Au cur de l'été, une chaude soirée folk, pop et rock sauve la bonne ville de Clermont-Ferrand (capitale du rock, mon c... !) de la morosité ambiante et de l'ennui latent... Ambiance à la fois intimiste, recueillie et bon enfant au Rat Pack pour les réjouissants et roboratifs concerts de Zak Laughed & The Hobos Company, Pikelet et Jeffrey Lewis and The Junkyard. Compte rendu.
Zak Laughed & The Hobos Company, un concert aussi enlevé que touchant.
Ravi de jouer en première partie d'un de ses héros (Jeffrey Lewis) et ayant accessoirement sorti récemment un single sur le même label que celui-ci (une super reprise de The End Has No End des Strokes sur Rough Trade), Zak Laughed propose une fois de plus un concert remuant et bien envoyé entre pop/rock et folk, un concert aussi enlevé - grâce au groupe The Hobos Company - que touchant, grâce à la voix joliment fluette de Zak et à la qualité de ses chansons. Justement, à propos des chansons jouées, on en découvre un paquet de flambant neuves, alors que le premier album de 14 titres de Zak Laughed - The Last Memories Of My Old House - n'est même pas encore sorti (c'est prévu pour le 24 août 2009) ! En plus d'être doué, le gamin à la casquette vissée sur le crâne est sacrément prolifique ! On n'a donc sans doute pas fini de parler de ce songwriter de 15 ans, surtout s'il continue à composer des perles rares à la chaîne et à progresser à chaque concert... Le set de 45 minutes de Zak Laughed & The Hobos Company prend fin avec une version solo d'un titre mythique de Bob Dylan, I Dreamed I Saw Saint Augustine, après avoir oscillé entre pop ‘ n punk, folk rock et pop, le tout dans la grande lignée du Velvet Underground, de Jonathan Richman & The Modern Lovers et des Moldy Peaches. Signalons aux sceptiques pensant que "heu, tu vois, quoi, pour moi les concerts de folk music et de pop, c'est trop chiant, je préfère Tryo, BB Brunes ou Babylon Circus, au moins ça bouge, quoi..." que nombre de morceaux (comme le futur tube Each Day) donnent envie d'imiter le filiforme guitariste de The Hobos Company, c'est à dire de se trémousser avant de faire "clap clap" avec ses mains.
Pikelet, émotion sur le fil du rasoir et délires arty ...
Très bonne surprise, juste après, avec la prestation fraîche, inspirée et extra terrestre de Pikelet, le projet musical d'une jeune femme australienne complètement partie dans son monde et franchement hallucinée... Chez Pikelet, un voix féminine juvénile faisant penser à un elfe façon Björk ou Cat Power, des samples de percussions, des arpéges de guitares, des notes de piano ou de mélodica s'unissent ensemble pour former des folk électro pop songs aussi étranges que novatrices...
Tout concourt à créer des morceaux entre émotion sur le fil du rasoir et délires arty : le charmant côté Lo Fi et Do It Yourself - c'est ce qui a dû séduire Jeffrey Lewis, au point de proposer à Pickelet de l'accompagner en tournée -, l'attitude effarouchée de petit oiseau tombé du nid et l'ambiance à la bonne franquette (ou australienne, le groupe est originaire de Melbourne) avec le deuxième musicien en Marcel (avec une énorme touffe de poils dans le cou, avis aux amateurs... ) et Jack Lewis intervenant quand ils le sentent... A par un ou deux passages un peu casse bonbons, le concert de Pikelet est donc un très bon moment.
Jeffrey Lewis and The Junkyard : Y'a-t-il des fans d'Herman Dune dans la salle ?
Héros déplumé, inspiré et drôle de l'antifolk punk new yorkais Jeffrey Lewis et son groupe The Junkyard (son frère, Jack Lewis, à la basse, aux churs et aux facéties, plus un batteur vraiment remarquable) sont fidèles à leur réputation de branleurs capables du meilleur comme du très bon. Malgré la fatigue due aux fêtes prolongées dans le Sud de la France et les rapports un peu conflictuels entre les deux frères, Jeffrey Lewis joue parfaitement son rôle d'entertainer hirsute et décalé sachant écrire des chansons qui tiennent la route, qu'elles soient d'inspiration folk ou punk.
Là aussi, les clichés des folkeux avachis et mollasses volent en éclats : les morceaux calmes retiennent l'attention grâce aux mélodies, aux orchestrations Lo Fi et au storytelling débridé de Mr Lewis, les titres punk rock font, quant à eux, gentiment headbanguer comme un malade. Tout cela est réjouissant, frais et provoque des sentiments très variés... Car ces gens-là savent jouer en maîtrisant l'art de l'improvisation casse gueule : les deux hurluberlus de Pikelet mettent joliment leur grain de sel quand Jeff leur donne la tonalité sur laquelle il faut évoluer, Jack Lewis lâche sa basse et égrène quelques notes bouleversantes sur un piano et un mélodica. Cela leur évite visiblement de s'emmerder ferme sur scène comme leurs amis d'Herman Dune (dont Jack porte le t-shirt, Jeff arborant celui des excellents The Wave Pictures) rabachant chaque soir les mêmes chansons, tirant la gueule et présentant dix fois les musiciens pour meubler. Pas de ça chez Jeffrey Lewis and The Junkyard : on semble prendre son pied à interpréter ses compositions (même si on se prend la tête entre frères pour le choix des titres...), il y a même un interlude drolatique où Jeff présente en live un de ses comic books, bref on a l'impression d'être tiré vers le haut et on ne voit pas le temps passer...
Vers la fin du concert, quand Jeff demande si quelqu'un est fan d'Herman Dune dans la salle, on pourrait entendre une mouche voler, personne ne veut avouer au New Yorkais que ses amis ont un peu (voire franchement) déçu lors de leurs deux dernières prestations à Clermont-Fd, après un premier concert d'anthologie avec André. En revanche, la quasi intégralité du nombreux public (récompensant ainsi les efforts bienvenus des organisateurs - Baptiste et Suzy - et du Rat Pack) semble être devenue fan de Jeffrey Lewis and The Junkyard, un groupe sachant transcender ses influences (Velvet Underground, Moldy Peaches, Daniel Johnston, Pavement, Ween, Crass, le punk... ) en les faisant s'entrechoquer les unes contre les autres, et ce pour en créer au final quelque chose de personnel et de marquant. Messieurs, c'est quand vous voulez pour un nouveau passage à Clermont !
Photos live : Rémi Boissau
Critique écrite le 28 juillet 2009 par Pierre Andrieu
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