Accueil Chronique de concert John Butler Trio + Kaki King
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Chronique de Concert

John Butler Trio + Kaki King

Dock des Suds Marseille 2 octobre 2007

Critique écrite le par

Une heure avant le concert, c'est un long serpentin de personnes qui occupe les trottoirs des Docks des Suds pendant que les dernières places se vendent au guichet. Passés les portes battantes du hall où échoppes et stand de tee-shirts se côtoient, la salle de concert déjà bien enfumée et peu aérée attend artistes et public.

20h30 la timide brunette entre sur scène et s'assoit derrière un micro dont elle réservera l'usage exclusif à délivrer des marques d'affection au public."Hello","bonjour","ça va ?" lance Kaki King avant de disparaître derrière sa frange, la tête baissée sur sa guitare qu'elle tient à plat sur ses jambes. Harmoniques, violonnings, la guitariste construit progressivement l'univers planant de Gay Sons of Lesbian Mothers à l'aide d'un effet qui lui permet de répéter en boucle des fragments de sa composition. Même si aujourd'hui on est un peu blasé devant cette technique qui a explosé ces dernières années, il n'en demeure pas moins qu'elle reste périlleuse et demande une attention et une dextérité que la jeune artiste maîtrise jusqu'au bout des pieds. Sous les filets de lumière blancs et face aux croisements étoilés des faisceaux des projecteurs, Kaki King fait glisser ses mains sur sa guitare lap steel : superbe et en parfaite adéquation avec les morceaux joués, on ne peut rester insensible à l'éclairage offert par les Docks du Sud qui sera sans nul doute l'une des clés de la réussite de cette soirée.



Le public salue vivement ce premier titre et reçoit en retour un premier "I love you". La guitariste poursuit par une composition plus rythmée et plus rythmique avec Playing With Pink Noise dont la vidéo est abondamment référencée sur le net. Grattant d'un tempo régulier les cordes avec sa main droite, elle tape sur la caisse de la guitare et frappe les cordes du manche de sa main gauche développant ainsi un mouvement rythmique et mélodique. Même si dans le style, cela reste moins impressionnant que Andy Mckee sur Drifting ou sur sa reprise d'Africa, Kaki King insuffle un groove remarquable. Le public accompagne de claquements de mains le morceau suivant, morceau dont l'originalité réside dans ses accords dissonants. Les silences de l'artiste entre les morceaux, sont vite envahis des brouhahas de la salle, et les premières tapes sur la table d'harmonie de son instrument ont bien du mal à se faire entendre, et laisse à penser qu'elle ne bénéficie pas d'une très bonne sonorisation. Comme par magie, il semble que d'autres instruments, tels que violon et thérémin, viennent se greffer sur ses arpèges rapides. Bien qu'elle s'est affairée bras et jambes, on a du mal à comprendre ce prodige. Le mystère est levé dès la fin du morceau, Kaki King désignant son complice d'un doigt en direction de la sonorisation, complice qui l'a accompagnée au synthé. Elle se présente alors à son tour : "Mon nom est Kaki King, je suis américaine".



La scène plonge dans un rouge écarlate pour Until we felt red. Atmosphère hypnotique et lancinante produite par un effet de boucle, des slides aux airs de chant de baleine avant que s'immisce une ligne de basse jouée sur une corde d'un grave inhabituel pour une guitare. La musicienne interpelée sur son nom à la fin du morceau répond d'un ingénu "I can't remember, ask them they know", en désignant la foule devant elle. Nouvelles acrobaties avec un morceau alternant des deux mains en tapping, l'une pour la mélodie, l'autre pour l'accompagnement et frappe du rythme de la paume de la main. Vivement applaudie, Kaki King qualifie alors la ville qui l'accueille ce soir d'"Amazing city" et forme un coeur avec ses pouces et index face à face pour ces "beautiful people".
Pour le dernier morceau, la guitariste étale toutes les techniques de la soirée, dont cette façon originale de jouer la main gauche par dessus le manche. Au terme d'une prestation de 45 minutes, la guitariste se retire après un dernier "Thank you very very very much" et "à bientôt". La musicienne ayant choisi de ne pas être accompagnée et de n'interpréter que des morceaux instrumentaux basés en partie sur la répétition, on trouve la durée du set bien dosée : pas trop court pour être frustré ni trop long pour être lassé.



À la lumière de la salle, l'opacité de la fumée transforme les instruments en ombres. Derrière le brouillard, une silhouette prend place à la batterie pour une dernière balance, puis une autre traverse la scène pour les réglages de guitares.



Après un quart d'heure d'attente, la voix de Nina Simone sur Feeling good vient stopper les clameurs du public.John Butler court jusqu'au milieu de la scène, et se fige d'une expression faussement étonnée. Rejoint par ses acolytes , et après avoir "salué tout le monde au nom de la paix", il s'assure que la salle est bien motivée en interrogeant d'un "are you with us?", dont le réponse prompte et massive est sans équivoque.



John Butler, assis, lance du manche de sa 11 cordes Used to get high aux accents très Red Hot et au groove qui démange les jambes. Les tonalités rouge et violette des projecteurs semble détacher les musiciens de la scène comme en surimpression. Michael Barker, derrière sa batterie, presque ramené en premier par le jeu des couleurs, assure avec Shannon Birchall les choeurs du refrain et enchaîne, aussitôt le morceau fini, sur l'intro en solo de Company sin. De nouveau un chant syncopé, mais plus Brandon Boyd-like, pour ce titre entraînant où le guitariste lâche un premier chorus à la wha-wha. Michael Barker qui semble avoir quelques déboires avec son micro, se dresse pour inviter le public à taper des mains au tempo de ses baguettes, et reprend de sa frappe sèche pour une rallonge instrumentale. Le temps de faire glisser le capot sur le manche et c'est avec le shuffle de Somethings gotta give et ses pré-refrains de percussions que le groupe poursuit.



John Butler marque une pause le temps de présenter ses deux compagnons et de signifier "we're happy to be here". Porte-harmonica en collier , et bottleneck au petit doigt, il souffle et chante, parfois avec un effet de mégaphone, Daniella sur les percussions vocales de Michael Barker et un gimmick de basse de Shannon Birchall. Après son intro au bottleneck façon Ben Harper, Pickapart déchaîne le public qui frappe des mains à un rythme et une intensité soutenus. Le batteur suit la tendance avec des ouverts-fermés très appuyés sur le passage en slide, et des roulements énergiques qui succèdent au chorus de basse.



Le guitariste prend le temps d'une explication de texte pour Gov did nothin', son ressenti face à la détresse de ceux qui ont tout perdu après le passage de Katrina et l'attitude de l'administration du pays. Cette fois, c'est une guitare à résonateur que le guitariste pose à plat sur ses jambes, pas seulement pour jouer en slide mais aussi pour y coller sa bouche contre et parler dedans! En fin de morceau Shannon Birchall lâche son instrument pour passer aux percussions. L'atmosphère s'apaise avec Caroline, moins symphonique que sur l'album, mais semblant sortir de la B.O d'une Histoire vraie par la juxtaposition du son de la guitare acoustique et de celui de la contrebasse jouée à l'archer, devenue gros violoncelle en quelque sorte. Sur la guitare utilisée pour ce titre, on peut lire le message citoyen, inscrit de par et d'autre du manche : "ENROL VOTE" (ou "ENROL TO VOTE" si l'on imagine que le T est formé par le chevalet perpendiculaire au manche et le O par la rosace). Michael Barker change de style de baguette en fin de titre pour quelques notes de marimba. Alors que le porte-guitare (pas l'ustensile mais le roadie) n'en finit pas d'amener de nouvelles déclinaisons de l'instrument, John Butler annonce Treat yo mama. Après un coup de gong, le morceau explose littéralement au cours de son interprétation dans un vrombissement de fûts, une ébullition de contrebasse encore jouée à l'archer et le tout sous des lumières vertes et orangées. Le batteur y partage ses mains entre batterie et percussion, munies de deux, une ou zéro baguette! Le guitariste nous délecte pour conclure d'un long chorus en slide.



Batteur et bassiste se retirent, et John Butler dédie ce premier morceau en solo à sa "beautiful Daniella" : Losing you. Vient alors le moment de communion de l'artiste avec son public. Le guitariste a changé son discours sur l'universalité, de part son absence de parole, du morceau Ocean, pour un répété "if you think enough, if you speak enough, it becomes reality". Puis il rappelle les trois valeurs qui lui sont chères, sous-titrées par des signes de mains : "peace","love","unity". Il en revient alors à sa question initiale "are you with us ?". La salle s'abandonne au gré des calmes arpégés et des tempêtes d'accords dans ce morceau qui s'étale à perte d'horizon. Jusqu'ici John Butler assurait chant et guitare de façon fidèle aux enregistrements et sans fléchir, sur ce titre instrumental il affiche toute la maîtrise de son instrument alliant technique rythmique et technicité des doigtés au service d'un énorme feeling. Après un périple mouvementé et magnifiquement éclairé, Ocean se retire, et c'est un véritable raz-de-marée de satisfaction émue qui part de la salle pour submerger l'artiste solitaire.



Retour de la section rythmique et de Kaki King pour le reggae Groovin' slowly. John Butler, ukelélé en main, poursuit la prestation debout, alors que la guitariste toujours assise chorusse avec plus d'intention et de feeling que de justesse. Le trio poursuit avec Zebra où le public accompagne, sur le scat du refrain, le chanteur qui mime un pas de marche sur place. Hello et son chant aux intonations d'Eddie Vedder nous entraîne dans ses roulements de tombass, ses breaks syncopés et ses riffs à la wha-wha. Good excuse est amené par le premier "au revoir, peace" du John Butler Trio. C'est le moment où la section rythmique va passer au premier plan, le concert ayant jusque là laisser la part belle à la guitare. Shannon Birchall parti d'un chorus devenu solo, tire des sonorités originales de sa contrebasse noire en utilisant un effet d'harmonisation qui double ses notes un octave plus haut. Michael Barker étale son jeu sur l'ensemble de son kit de batterie, passant de la caisse aux percussions, des fûts aux timbales, avec une frappe sans consession, aimant à faire participer le public de ses mains ou de sa voix. La reprise du morceau marque le départ du trio.
23h15 un roadie remonte sur scène pour refixer les éléments maltraités de la batterie sous les hurlements de la salle.
John Butler revient pour laisser éclater un long "yeah" dans le micro et se lance dans un questions-réponses d'honomatopées avec le public : "hohoho", "yeahéhé", "mmmmmm...". Mais lorsque il fait monter la voix, il a pour réponse des applaudissements d'abandon. L'homme est opiniâtre et retente un essai plus concluant puis termine par un haché "here we are".



Les lumières virent aux roses, et les flammes des briquets jaillissent pour Peaches & cream. Batteur et bassiste ont repris leurs places alors que le guitariste étouffe ses cordes pour rendre encore plus intime cette chanson que les fans chantent avec discrétion. Le chanteur demande alors "are you ready to sing ?", et là la salle entière chante le refrain s'accompagnant en tapant des mains, devant les trois musiciens qui cessent de jouer et se joignent aux claquements de mains. John Butler maintient la flamme par des mouvements de bras, tel un chef d'orchestre et salue la salle d'un nouveau "yeah!".
Deuxième rappel et le trio revient pour un très attendu Better than. Ce titre est se soir dédicacé aux wallabies : il semble qu'il soit question des animaux, mais avec le recul il paraît plus probable qu'il s'agisse des rugbymen de l'équipe d'Australie, patrie du groupe. De part le mariage du banjo et du groove et de part son entrain, le morceau rappelle les compositions de Béla Fleck & the Flecktones, et se trouve ce soir enjolivé d'un chorus d'harmonica. À la fin du morceau, le chanteur ne manque pas de faire saluer toute l'équipe de la tournée. Après une intro blues, Funky tonight et ses "hou-houhou" quasi-disco donne lieu à un pur moment de live réunissant les trois musiciens autour de la batterie et des percussions battant des rythmes crescendo.



Un dernier "Thank you, see you soon, peace" et un dernier salut côte à côte met un point final à 2h20 de concert et d'énergies positives.

En nous dirigeant vers la sortie nous tombons sur quatre des fameux wallabies. Quatre masses imposantes, sorte d'hommes auquel on aurait appliqué une homothétie de 3, devant lesquels le sentiment de se sentir petit à un concert n'a jamais été aussi vrai. Dans son for intérieur on se dit qu'ils ont eu la bonne idée de rester dans le fond de la salle, et qu'il vaut mieux les croiser durant une manifestation où les leitmotivs ont été la paix, l'amour et l'unité...

 Critique écrite le 12 octobre 2007 par Frédéric Bloise


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