Chronique de Concert
John Cale
Les concerts de John Cale dans la cité phocéenne ont été plutôt rares. Certains parlent encore avec des tremolos dans la voix de son dernier passage à Marseille à la fin du siècle dernier lors de la sortie de Fragments of a Rainy Season, album sur lequel il interprète seul ses compositions les plus marquantes. Ce concert à l'Espace Julien était donc un évènement à ne pas manquer. Le Gallois est, osons utiliser le cliché, une figure légendaire du rock, au curriculum vitae réellement impressionnant : musicien à la solide formation classique (alto et piano), collaborateur de compositeurs de premier plan comme John Cage ou Terry Riley, producteur de groupes fondamentaux (Stooges, Jonathan Richman et Patti Smith, entre autres) et surtout membre fondateur d'une des formations les plus influentes de l'histoire du rock, le Velvet Underground (pour ces derniers faits d'armes, John Cale a d'ailleurs été considéré à juste titre comme un des parrains du punk, ce qui n'est pas rien). Mais au-delà de tout cela, il a abordé durant sa très captivante carrière solo les genres les plus variés (rock, musique classique ou musiques de films) mais toujours de manière singulière et sans dédaigner les expérimentations les plus diverses.
Le Gallois vient donc promouvoir son dernier album Shifty Adventures in Nookie wood, sorti sur le label Domino, qui malgré d'évidentes concessions à l'air du temps (titre produit par Danger Mouse, utilisation d'un Vocoder et autres arrangements electro) contient quand même quelques bonnes chansons. John Cale est désormais un élégant septuagénaire à la charismatique présence qui arbore une chevelure blanche ornée de quelques mèches roses (sans doute pour rappeler au public son lien avec la punkitude ?).
Placé à l'avant de la scène derrière son clavier, il débute le set avec Hedda Gabler, titre envoûtant et emblématique des années 70 qui ravit tout de suite les quadras et quinquas qui composent la majorité du public. La " set list " de cette soirée, hormis les titres de Shifty Adventures, sera beaucoup axée sur des chansons de cette période. En plus d'être un brillant pianiste, John Cale est toujours un très bon chanteur, à la voix grave et chaleureuse.
Les musiciens qui l'accompagnent, un guitariste, un bassiste et un batteur, ne sont en aucun cas des faire-valoir : la section rythmique est solide et beaucoup de place est laissée à l'excellent guitariste qui utilise avec inventivité les multiples pédales d'effets de son instrument mais sans démonstration gratuite et toujours au service de la musique.
La plupart des titres de Shifty Adventures sont donc joués ce soir, des plus calmes, Living with you, sur lequel il joue de l'alto, aux plus accrocheurs comme I Wanna talk 2 You ou Scotland Yard. Cale se saisit temps à autres d'une guitare pour jouer d'anciens titres comme Helen of Troy, dans une version plus menaçante que jamais ou Guts ; il revisite aussi Captain Hook avec d'étonnantes improvisations au clavier.
Certains ont pu regretter qu'il n'ait pas joué certains titres du classique Paris 1919 ou même la scie Hallelujah (il est notoire que Jeff Buckley s'est davantage inspiré de sa version que de celle de Leonard Cohen) mais encore une fois John Cale a cherché à surprendre son public en allant là où on ne l'attendait pas forcément.
Petit bémol de la soirée : des problèmes de sons ont assourdi un peu trop souvent la basse et la batterie mais sans ternir pour autant les chansons. Quoi qu'il en soit, le public a pu se dire qu'en plus d'avoir vu sur scène un tel personnage, il a assisté incontestablement à un très bon concert qui donne envie de se replonger dans l'oeuvre de cet exceptionnel musicien.
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Critique écrite le 13 février 2013 par Phil2guy
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