Chronique de Concert
Jon Spencer and the Hitmakers + The Devils
Chapitre 1 : "Il y a plus de rockers, faut être honnête, il reste qui ? Johnny. Billy Idol. Scorpions. Voila, il y a quatre groupes. C'est pas Calogéro, Whitney Houston, c'est pas du rock ça"
C'est quoi le Rock ? Je vais même aller plus loin, c'est quoi le rock en 2019 ? A l'heure ou les grands festoches estivaux programment en tête d'affiche des choses comme Macklemore, Christine and the Queens ou Angele, ou est aujourd'hui la place des guitares ? Est-elle avec les métalleux du Hellfest ? Est-elle avec les dinosaures des 60's et 70's encore en activité ? Est-elle avec les grosses machines de stade à la U2 ou Muse? Vu que les jeunes ont l'air d'être passé à autre chose, au final, le rock n'est il pas un astre mort, dont nous percevons encore la lumière, mais avec un coeur éteint depuis longtemps.
Jon Spencer fait partie de mes légendes du rock. Un nom qui revient avec insistance depuis plus de vingt ans au sein de formations toutes plus énervées les unes que les autres : Pussy Galore, Boss Hog, Blues Explosion, Heavy Trash. S'il existe pour moi un émissaire de ce que peut représenter le rock aujourd'hui, c'est lui. Pas une musique tournée vers le passé comme le font (très bien) des groupes comme Rival Sons ou Stray Cats. Spencer, c'est un rock garage, pur, dans l'esprit des pionniers, mais impossible à dater. Ses chansons sont des 60's, des 70's, du punk, d'hier, d'aujourd'hui, de demain, un peu à l'instar de Jack White. Mais en moins arty, moins perchouille, plus proche de l'os.
En fait Jon Spencer c'est un peu le Didier Wampas américain. Et vu que Didier Wampas, c'est un peu le Iggy Pop français, c'est vous dire le niveau auquel je situe Spencer.
Chapitre 2 : "Ce soir tu vas jouer, peut être que ton batteur il va pas venir. Mais toi il faut que tu assures. Tu as 10000 personnes ce soir, elles t'attendent, elles te feront pas de cadeau"
La Maroquinerie recevait le vendredi 17 mai 2019 le dernier avatar musical de la carrière de l'américain : Jon Spencer and the Hitmakers. Sorte de projet solo dont l'excellent album sorti l'an dernier porte un nom qui me fait bien rigoler : "Spencer sings the Hits". C'est une très bonne idée pour un nouveau groupe : commencer par son best-of. Tout d'abord il faut signaler que, de mon point de vue, la Maroquinerie reste une de mes salles préférée, surtout au printemps. Une chouette terrasse ouverte à tous pour l'apéro, un resto, bref, de quoi se mettre bien avant de rentrer dans la cave, dont la jauge (à la louche 300 personnes) et la disposition permettent à tous d'avoir une vision parfaite et une ambiance très chaude.
C'est le groupe The Devils qui ouvrait. Le duo italien, justement défini comme "Blasphemic trash rock'n'roll", a littéralement mis le feu à la Maro. Madame à la batterie et voix, monsieur guitare et voix. Bénéficiants tous les deux un look impeccable et d'un goût prononcé pour la provoque ils se sont insérés parfaitement à la programmation de la soirée, en proposant plus qu'une mise en bouche pour la tête d'affiche. Ils passent à la rentrée au Molotov, il va falloir surveiller ces gens là.
Mais bien évidemment le gros morceau c'était Jon Spencer himself et son groupe. Lui à la guitare, accompagné d'un batteur, d'un synthé épileptique, et d'un genre de percussionniste qui tapait avec des outils sur des cuves en métal (tout un programme).
Ce que je trouve dingue quand je vais voir ce mec là, c'est le fait de ressentir des sensations que j'imagine proche de l'esprit techno, limite rave. En gros, tu ne reconnais pas la moitié des morceaux joués. Ceux ci s'enchaînent du début à la fin sans temps mort, et tu es emporté par cette énergie, quasi hypnotique, qui te plonge peu à peu dans un état second. Ca monte: tu montes, ça descend: tu descends, ça s'énerve: tu pogottes.
Sur scène le groupe est une machine de guerre, et l'animal Spencer hurle, feule, bave, mange son micro, tout en gardant sa veste et une classe de tous les instants : un prodige je vous dit ! La majorité des chansons de l'album seront jouées, ainsi que quelques morceaux du Blues Explosion, notamment un extrait de Bellbottoms remise en lumière l'an dernier dans le fantastique Baby Driver du non moins fantastique Edgar Wright. Un vrai bon moment qui a duré plus longtemps que je pensais (mais je n'ai aucune idée de la durée précise) et au terme duquel Spencer est venu gentiment rencontrer son public et se prêter au jeu des dédicaces et des photos. Il ne nous restait alors plus qu'à sortir heureux de la salle, et profiter à nouveau de ce super bar et de sa terrasse.
Chapitre 3 : "Il y a en ils sont pas capables. Regarde les Doors, ils ont pas pu supporter, ils sont tous morts. Regarde Elvis il est devenu tout bouffi, parce que c'est des personnes à la base elles étaient pas faites pour ça"
Steve Van Zandt, guitariste et caution rock du E Street Band (je vous conseille d'ailleurs très fortement sa web radio Little Steven Underground Garage) définissait le Garage Rock de la façon suivante : des blancs essayant de jouer de la musique de noirs et échouant lamentablement. J'adore cette définition si imagée, elle correspond parfaitement à la musique de Jon Spencer. Cet homme gagne à être connu, tous ses projets sont intéressants (je râle encore d'avoir raté la tournée de Boss Hog l'an dernier) et sur scène c'est une expérience toujours très intense. Mais ce qui me touche, c'est ce qu'il représente : il est peut être le secret le mieux gardé du rock, le maître des clés, le cerbère de la porte, le gardien du temple.
Bref, quand on me demande aujourd'hui "c'est quoi le rock ?", ma réponse est simple : "BLUUUUUUUUUUUUUUUUUUUES EXPLOSION!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!"
Photos : Laurent Bruguerolle
Critique écrite le 22 mai 2019 par Fred Boyer
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