Chronique de Concert
Joseph Arthur
Le Poste à Galène - Marseille 24 octobre 2009
Critique écrite le 27 octobre 2009 par Jacques 2 Chabannes
(Barbe ET Cheveux !).
Sounds...
Première surprise (et) de taille : le PAG semble, limite trop petit, pour le natif d'Akron (Ohio) enfin de retour aux " solo " affaires, dans la foulée d'une unique réédition augmentée d'inédits du troublant Nuclear Daydream. Absent de ces mêmes lieux depuis la lointaine année 1997 (une vie et quelque, ainsi qu'un XXe siècle laissé sans regret sur le bord de la route...) et un premier choc visuel ET sonore, toujours présent en mes neurones usés de vie, nous le " jouons " enfin à domicile, le gars Arthur. Après un début de tournée morne, puis morose, suivi d'une sévère remontée en puissance entamée depuis le doublon Parisien jusqu'à Zurich la proprette, sans se dégonfler, se relâcher ou retomber, l'ultime concert de la tournée se révèle électrique (côté public) bourré jusqu'à la gueule... D'attentes, de questionnements, de peurs, d'interrogations diverses et variées indexées sur passé.
Dès les premiers accords de l'acoustique élastique au balancier chaloupée qu'est Vacancy, c'est le retour annoncé aux décennies glorieuses, aux trémolos en contrepoint qui pausent joliment à l'ombre des cordes sensibles (du fan) d'autrefois, sur fond de terres dévastées encres ocres, bronzes silhouettes et noirs qui " densent " de matière. Une entrée en musicalité majeure d'autrefois, confirmée par l'arrivée inattendue d'un poignant et inédit Devil's Broom, qui nous ramène illico vers les fantasmes éthérés de l'hexagonale et hors du temps tournée 2002 ! Un retour attendu aux frissons d'antan, plombés d'un rien par des arrangements hésitants, par une paire de pieds patauds qui chercheront longtemps la lumière, mais ne trouveront au final qu'à enluminer sans génie ces belles boucles d'arpèges dorées qui bourgeonnent de plaisir et ondulent sous la douce brise d'une poussée de souvenirs émus, d'une (bien) trop longue absence... Une interprétation sauvée par un subit crescendo bruîtiste, renforcé d'une pose très christique, bénéficiant, en la matière, du double ajout d'un poisseux collier de barbe et d'un halo de cheveux entourant de cascade un visage tendu, en (apparente) souffrance, en visible demande d'ailleurs... D'avant ? Puis, toujours sans mot, dire, place à l'installation patiente du rythme suivant : avec pieds qui semblent peiner de nouveau à chercher ET trouver, ou tomber parfois au hasard de la kyrielle de pédales et curseurs à pousser, presser, ou enfoncer... Nanti d'un regard digne d'un dindon effarouché découvrant du grain épars répandu partout autour de ses papattes et une fourchette posée sur le sol, À L'ENVERS, en lieu et place de la vieille mangeoire de fer déglinguée prévue habituellement à cet effet. Extraite de cette fameuse " nouvelle version " de Nuclear Daydream, Can't Let You Stay se pare d'une nouveauté de poids : l'entrée en scène de la fameuse " Lucille ", de maître Gibson, qui vient rouler de la caisse en minaudant, prête à se faire déflorer d'envie par une bande de doigts surexcités en mode soli brouillon (première apparition d'une guitare électrique sur une tournée solo !). Seul reproche adressé en retour à cette sonique attaque : un arrêt un rien trop brusque (coitus interrompus ?) juste au moment où " ça " semblait quitter la terrestre attraction pour voisiner avec les trous noirs de légendes, les gourmandes supernovas et extra-terrestres enveloppes !
Jouée au plus proche de l'os électrique, A Smile That Explodes le voit se gorger de son propre arpège : yeux mi-clos, nuque souple, tête qui dodeline d'envie à chaque fine remontée. Une version qui " chair de poule ", qui blackboule d'émotion(s) et dresse du poil frisé un peu partout alentour (depuis la racine du cheveu, jusqu'au moite pubis de légende).
Brinqueballée du rythme sur manche, ralentie par l'intrusion inopinée de quelque doigt indiscipliné apparemment rétif aux ordres venus d'en " haut " - nantie, en sus, de gutturales résonances qui cognent fort le plexus et les tempes ! - Here Comes The Sun (une toute nouvelle !) peine à s'accrocher aux pavillons et retenir entièrement l'attention : c'est nouveau (c'est sûr) " ça " peut être beau (nous en sommes persuadés) mais " ça " n'est QUE nouveau, en l'instant. Sur icelle, c'est son passé de bassiste blues qui s'invite pour bâtir patiemment de l'infrabasse en ligne, histoire d'introduire au mieux l'inclassable solo " mi-Neil, mi-Jimi " qui lui succède logiquement ; il finira même à genoux, triturant sans relâche ses pédales et curseurs en pose " DJ post-industriel affairé qui distille l'acier, l'oppressant, le lourd ", devant un parterre surpris, qui respire en mode " bouche ouverte sèche sous paire d'yeux écarquillés de semi-effroi, de voir et entendre cela... ".
Tandis que sa " pièce montée " auditive continue à résonner en les arcanes du PAG, le " Jo " enchaîne sur l'illustrissime Mercedes : tant de fois entendue ou goûtée de " live ", certes, mais qui jamais ne lasse ou ne s'érode de l'envie ; du plaisir, encore et toujours en prise directe avec le premier frisson donné et reçu en son temps, à l'aune du séminal Big City Secrets ! Du revenez-y encore, et encore, et encore, et encore, et encore, et encore, et encore, et encore, et encore, et encore, et encore, et encore, et encore, et encore, et encore, et encore, et encore, et... ENCORE ! (On vous dit !).Une version magnifiée par des vocaux hors du commun et une guitare 12 cordes qui pulse au mieux sous mère Gibson. Histoire d'enfoncer sans trembler sur le clou acoustique du moment : Exhausted se descend de " tension ", de " sec ", elle se décline d'" urgence ", à grande vitesse, en semi-apnée, avant l'inévitable re-descente climatisée et l'atmosphérique Ashes Everywhere (qui se fait bien trop rare de nos jours, à mon goût). Comme sous hypnose, la salle se tait et inspire de profond, tandis qu'il emballe le tout de sa traditionnelle " Carte d'Anniversaire " aigre-douce, avec pignon (sur passé) qui rue dans les brancards médicalisés du souvenir de l'" après ", du regret (pour éclopés de la vie à deux, uniquement...).
Alourdie de cordes basses omniprésentes, qui la gâchent quelque peu, la toujours trop rare Famous Friends Along The Coast, s'accommode aussi mal de cette petite douzaine de cordes, que ma psyché des aphorismes et blêmes paraboles de feu maître Ioda (petit, vert, et avec des oreilles ! Pour celles et ceux qui ne le remettraient pas...).
J'ai beau le savoir, NOUS avons beau, tous (et toutes) en être persuadés, une fois de plus, ce soir encore : je ne comprendrais jamais pourquoi In The Sun n'émarge pas au registre du couru " patrimoine de l'humanité " : au titre d'espèce rare à fêter et protéger de toute urgence, juste au cas où toute trace de celle-ci viendrait subitement à s'effacer des bandes et divers disques durs, pour disparaître de nos vies, et à JAMAIS ! Reste tout de même à savoir, pourquoi et comment une telle chanson a pu glisser d'entre les mailles acérées du succès pour vivoter en circuit underground ? Cela restera vraisemblablement, juste un mystère de plus qui ne fut jamais " élucidé ", et un de taille. Accélérée, comme prise à revers - de la mélodie, ET de la voix - Redemption's Son semble profiter d'une nouvelle jeunesse et oublier le lourd poids de l'héritage familial pour sourire enfin à la vie : bouclée (de plus) d'une paire de cris primaux de belle facture, qui la placent au plus haut, en pleine lumière, sous un jour nouveau. Dès sa mise en place, dès l'arrivée des célestes envolées qui la caractérisent, Lonely Astronauts me ramène vers la Parisienne Maroquinerie en l'année 2005 : une époque baignée de lumière, où l'homme maîtrisait son sujet " en solo " comme personne, avant le passage à la vie de groupe, aux shows plus traditionnels ; une parenthèse à décliner sous forme de plaie béante qui ne se sera jamais vraiment refermée, pour certains fans des tous débuts (encore et toujours " à vif ", sur cet épineux sujet). Une belle version qui s'interrompt néanmoins d'abrupte façon, avant que notre chevelu besogneux ne quitte brusquement les lieux en marmonnant quelque chose à propos de présumés " problèmes techniques ! ", promettant de revenir de facto sur scène, et au plus vite.
... And Visions !
Après avoir été " effrayé ! " par un violent éclair de lumière issu des hauteurs métalliques de la régie, comparé illico à un " gyrophare d'ambulance ! " - ce qui a manifestement dû le ramener vers un traumatisme récent ou passé douloureux, vu la relative " violence " de la réaction ! - All The Old Heroes reprend du collier, mais nanti de " boucles " et rythmes, cette fois : ce qui ne lui sied que mieux, le côté monolithique de sa construction initiale, l'handicapant par trop en solo acoustique ! Une construction de nouveau bâtie et indexée sur " hésitations " et " doutes ", qui ne convainc que moyennement, au bout du compte, malgré une belle débauche d'énergie finale.
Quoique, émargeant au patrimoine génétique scénique des " Lonely ", Black Lexus semble glisser subitement d'entre ses mains pour cheminer de concert avec le brouhaha, l'inattendu : tel un couperet qui tranche net de la nuque, qui sue et vibre, qui vrombit de grave, qui se craquèle, puis lâche, sous un trop lourd déluge de sons et effets (nanti d'un sourd et obsédant gimmick, né sous une courte poignée de notes, qui réjouit et attire les sens, qui les retient captifs).
Baissez du chef, et faites silence, manants de tous pays ! Voici que s'avancent désormais les premières notes, les délicats arpèges d'Electrical Storm. Celle-là, on souhaiterait presque qu'elle ait été écrite par un Bono, un Coldplay, ou un Sting : afin qu'elle voyage plus souvent et librement au sein de l'humaine condition médiatique, par trop en proie au factice, au produit estampillé " masse + audimat = plus-value assurée ! ", ou bien indexé sur tranches (pas) fines, fines, fines, de Golden Parachutes ! Un " Orage Magnétique ? ", " statique ? ", " électrique ? " - j'suis un trouduc de la traduc' ! - qui se bâtit lentement, avec vue sur Mystère Picasso, couche après couche, façon millefeuilles ou lasagnes musicales ; au plus proche de l'attitude du peintre cherchant à sursaturer sa toile de traits, formes, épaisseurs et couleurs ; jamais satisfait, ni lassé, par les multiples apparitions ou successives disparitions de formes, aspérités et contours, apparus au fur et à mesure... Au risque de se perdre, de voir basculer le tout dans l'abscons, le fouillis, l'absurde : d'un coup de reverb' malvenu, d'une distorsion trop grasse de l'épaisseur, au point de faire tanguer l'ensemble et gâcher ainsi le côté gracile, sur un fil, de la zolie chanson d'origine. Ecueil maintes fois rencontré, mais brillamment contourné, et ce, même si la romance d'origine s'achève céans dans un brouhaha industriel qui l'enveloppe salement de raide, de froideur, d'inattendu ; ce pourquoi nous nous sommes attachés à ses basques il y a 13 années de cela ; ce pourquoi nous continuons à le suivre et le mirer ainsi de près au coin des diverses salles obscures, festivals encombrés et estivales tournées ; ce pourquoi je prends une nouvelle fois la peine de frapper de passion sur les touches bleutées de mon clavier... Sur fond de dévouement sans bornes, de prosélytisme désir indexé sur plaisir à partager à deux, en groupe, en communautés affiliées de frais (dans le plus pur style Woodstock : yeux en suspens, fleurs affichées sur rires qui résonnent de liberté proclamée, puis glissent voluptueusement dans le visqueux attractif de la boue estivale...).
Tandis qu'icelui, se cambre, puis se fige : le temps de nous annoncer que la soirée " Disco années 80 ! " qui doit suivre, lui permet juste d'en jouer une petite " paire supplémentaire ! ", pas plus - une intervention saluée d'une pluie de ressentiments portés par un sonore " fuck the disco ! " - je me rends compte qu'il nous faut parfois se montrer magnanime avec ceux qui nous ont tant donné et qui peinent désormais à tutoyer les hauteurs passées, à franchir aisément les sommets de légende. Notre homme est encore en rodage, point. C'est un fait. Après trois années et quelques, passées à écumer les (hémi)sphères musicales en compagnie de son gang de potes en grande quête Rock'n'roll, il se remet tout juste aux affaires en solo et ne parvient visiblement/audiblement plus à nous transporter comme jadis la " lointaine ". La faute à cette petite douzaine de concerts donnés en tout et pour tout dans cette formule " homme + guitare(s) + machines ! ". Expert d'hier (mais) repassé en mode " phase d'apprentissage ", il lui faut désormais (ré)apprendre à dominer son sujet (techniquement parlant) afin de n'avoir plus qu'à se soucier de l'envie, du délire, un décollage immédiat mené en direction des contrées scintillantes de lumières et fulgurances, là où improvisation et inspiration ne cessent de lutter, se dépasser et se renvoyer la balle : dans un mano à mano ambitieux, exponentiel (sans limites, ni cadre bien défini). De mémoire de spectateur assidu : c'est bien la première fois que je le vois consulter une courte liste de morceaux, griffonnée sur un coin de papier : chose inimaginable par le passé et qui prouve ô combien celui-ci est actuellement en manque de repères, en quête d'après. Aussi, voyant que le public Massilien ne l'aide pas des masses en la matière, je me risque à hurler un bref (mais sonore) " Mexican Army ! ", puis me retrouve surpris de le voir aussitôt enchaîner sur icelle ! Une version tendue de sèches remontées acoustiques et vocales oscillations inspirées, qui vient semer le trouble au sein de mes poussières de doutes et légitimes questions précédemment déclinées...
Tout au bout du bout d'un splendide et éclairé Honey And The Moon - qu'il nous laissera finalement chanter d'une même voix d'émotion, à l'unisson - il s'éclipsera quelques minutes durant, avant que d'opérer un retour en force au coin du stand merchandising : équipé, comme il se doit, d'une guitare et d'une envie (trop) rare d'en remettre une petite couche supplémentaire ; afin de boucler dignement le toujours délicat moment, dit de, " l'après concert " au plus proche de ses fans, entouré de leur affection, d'une cascade de chaleureux remerciements et multiples demandes dûment motivées ET acceptées...
Trois quarts d'heure déclinées sous moult signatures, dessins, paroles aimables, photos, rires et réponses amènes. Un espace de détente précédé d'une paire de chansons interprétées avec envie : guitare en pogne, sourire aux lèvres, devant une foule parcourue d'ultimes frissons ! Et dire qu'on se permet de parfois faire la fine bouche, nous, EN PLUS, petits humains insatisfaits que nous sommes... Encore trop souvent, et pour longtemps !
Setlist :
Vacancy
Devil's Broom
Can't Let You Stay
Asmile That Explodes
Here Comes The Sun
Mercedes
Exhausted
Ashes Everywhere
Birthday Card
Famous Friends Along The Coast
In The Sun
Redemption's Son
Lonely Astronauts
All The Old Heroes
Black Lexus
Electrical Storm
Slide Away
... Mexican Army
Temporary People
Honey And The Moon
At The Merch Table :
You Are Free
September Baby.
Critique écrite le 27 octobre 2009 par Jacques 2 Chabannes
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