Accueil Chronique de concert Julien Lourau + Sixun - Jazz des 5 continents
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Chronique de Concert

Julien Lourau + Sixun - Jazz des 5 continents

Julien Lourau + Sixun - Jazz des 5 continents  en concert

Palais Longchamp - Marseille 29 Juillet 2006

Critique écrite le par

Il y a pas mal de monde ce soir sur le jardin du Palais Longchamps. Moins que la veille, comme en témoignent les lais de moquette maculés de traces de pas, laissés négligemment sur les pelouses au lieu de recouvrir le goudron. Cependant, le jardin a encore le temps de se remplir avant le premier concert, l'exactitude habituelle du festival n'étant pas au rendez-vous ce soir.

20h50 Le Monsieur Loyal du festival apparaît enfin pour nous annoncer une soirée placée sous le signe de la fusion, et pour nous lire sa rituelle présentation biographique du musicien à venir.
Julien Lourau monte sur scène pour interpréter le titre Fire and forget de l'album éponyme, accompagné d'Éric Lohrer à la guitare,Bojan Z aux claviers, Vincent Artaud à la basse et Daniel Garcia-Bruno à la batterie. La tension de l'introduction, marquée par un accord de guitare au son lourd, métal, répété et marqué d'un coup de cymbale à chaque mesure, laisse éclater le thème du morceau. Joué au saxophone et doublé par un effet d'harmonizer, ce dernier résonne comme un hymne. Et pour le celler définitivement dans les esprits Julien Lourau s'approche du micro pour prononcer les deux seuls mots des compositions jouées ce soir : "Fire...Forget".


Julien Lourau nous livre des morceaux mélange de jazz, de fusion seventies et de rock progressif, en plusieurs mouvements, aux variations de tempo, de sonorités et de tempéraments. Chaque instrument contribue à ce mélange : le Fender Rhodes apporte la touche seventies, la guitare Gibson SG souvent en son saturé et la basse Hofner parfois au médiator jouent sur la corde rock. Julien Loureau souffle la tendance jazz avec des chorus intarissables, applaudits du public qu'il salue toujours en retour. Si le saxophone m'a paru plus prépondérant que lors du passage du quintet à l'Usine au mois de Novembre à Istres, le clavier et la guitare n'ont pas été en reste. Aux commandes de son Fender Rhodes le prodigieux Bojan Z nous a gratifié d'introductions et de chorus exceptionnels. Quant à Éric Lohrer, il nous a montré l'étendue de son jeu, pouvant allier un son et une technique rock à des improvisations outs, ou simplement soutenir un chorus de Julien Lourau avec des arpèges minimalistes. Des frontmen toujours aux doubles commandes : celle de leur instrument et celle de leurs pédales d'effets placées sur une baffle, un tabouret ou un pupitre de partitions.
Daniel Garcia-Bruno assoit les compositions de Julien Lourau avec des rythmes qu'il serait allé découper, comme il a découpé sa cymbale, dans des figures de style jazz, rock... Ou encore orientale, lorsque ce denier joue le charmeur de serpent devant son micro, au bec de son saxophone soprano.


Pour terminer sa prestation, Julien Lourau a choisi le morceau Messieurs les anglais, tirez les premiers, phrase empruntée au Comte d' Anterroche. Une phrase qui a traversé les siècles depuis 1745, une phrase dans la rhétorique de Fire and forget, à contre-pied d'un "assitôt écouté, aussitôt oublié" dénoncé par l'artiste.
21h55 Rappel et moment pour Vincent Artaud de se mettre en avant avec un chorus de basse joué sous le regard attentif de Julien Lourau et Bojan Z. On regrettera que le bassiste ne bénéficie pas d'un meilleur son, son qui sature à chaque fois qu'il plaque un d'accord. Au terme de ce morceau, le groupe rejouera le thème de Fire and forget, suivi d'un dernier chorus de Fender Rhodes, et laissera mourir les dernières notes de chaque instrument vers un larsen inévitable.


Alors que l'attente se fait de plus en plus longue, on découvre aux travers de conversations que beaucoup attendent de ce concert des moments de technicité de la part du batteur (qualifié de "meilleur batteur du monde" par Wayne Shorter) et du guitariste. Si de nouveaux arrivants se trouvent une place assise sur la pelouse, d'autres s'avancent vers la barrière qui les sépare de la scène pour s'y accouder. Le service d'ordre, dans ses aller et venues, les prie de bien vouloir s'asseoir pour ne pas gêner les personnes qui se trouvent assises derrière, mais le nombre grandissant, ils ont de plus en plus de mal à trouver de la bonne volonté en réponse. Sur scène c'est l'effervescence autour des claviers qui n'ont pas l'air de fonctionner correctement, et semblent être la cause du retard.

22h50 Retour attendu de notre Monsieur Loyal qui présente brièvement le groupe, aidé de ses fiches, puis devant un public dans les starting-blocks compte "1..2..3..4..5..Sixun".

Comme l'an passé le festival de Jazz des 5 continents accueille un groupe de jazz-rock des années 80 qui vient de se reformer. Mais à l'inverse des Steps Ahead qui ne comptait lors du concert qu'un seul des membres originaux du groupe, Sixun réunit à nouveau Paco Sery à la batterie, Michel Alibo à la basse, Jean-Pierre Como aux claviers, Louis Winsberg à la guitare, et Alain Debiossat au saxophone. Seul Stéphane Edouard est nouveau aux percussions, poste qui a toujours fait l'objet de changements dans ce groupe.

Aux acclamations provoquées par la montée sur scène du groupe, se mêle un brouhaha soufflé par un vent de discorde : le jardin s'est divisé en deux clans, celui des spectateurs assis et celui des spectateurs debout, chacun revendiquant sa position, au sens physique du terme. Même si Paco Sery a exhorté le public a "faire le bruit" dès qu'il a pris place derrière ses fûts, je ne pense pas qu'il s'attendait à ce genre de bruit.
On peut dire que ce soir au Jazz des 5 continents on a réinventé la formule "station debout pénible". Pénible pour tous. Il est franchement impossible de rester attentif à la musique, de rentrer dans le concert. Sur scène on sent également une certaine gêne, même si Alain Debiossat et Louis Winsberg, lancés dans leurs chorus, feignent de faire abstraction des échos qui arrivent jusqu'à eux. Mais la tension y est aussi présente : à la fin du premier morceau Jean-Pierre Como semble excédé par son problème de clavier, on a même l'impression qu'il fait comprendre à Alain Debiossat qu'il ne pourra pas continuer dans ses conditions, on le sent près à quitter la scène.


Louis Winsberg intervient au micro, se posant en conciliateur en annonçant que la prestation se suivra assise puis debout. L'intervention est saluée et respectée. Volonté est faite, tout le monde est assis.
Hélas, le set ne décolle pas pour autant. On sent un flottement dans l'interprétation des morceaux, un certain manque de conviction. Si le son des guitares, en distortion sur les chorus ou acoustique sur les arpèges aux airs de Tuck Andress, est excellent, celui de la basse est lui assez médiocre, étouffé par les toms médiums de la batterie.
Finalement deux titres plus loin, Paco Sery se lève derrière sa batterie et déclare "On est fatigués d'être assis". A ces mots le jardin se met debout d'un seul homme. Les slaps claquants de Michel Alibo libérent la basse de ses carcans sonores. Les rythmes syncopés de Paco Sery enjolivés des multiples percussions de Stéphane Edouard se mettent en branle. Les frontmen exécutent des chorus effrénés à l'unisson. La machine Sixun est enfin en route. Il aura suffit que chacun se dresse de quelques centimètres pour que le groupe se retrouve au sommet.


Après cette décharge de pure énergie, Paco Sery quitte son rôle de batteur pour prendre celui de griot. Sanza (ou piano à pouces) entre les mains, il déambule le long de la scène, en jouant "un morceau pour les enfants". Petit clin d'oeil au métissage du groupe, le batteur nous délivre des sonorités semblant surgir d'une boîte à musique venue d'Afrique. Il invite alors Alain Debiossat à l'accompagner sur ses mélodies, prélude à des improvisations de saxophone, de basse et de guitare où chacun des instrumentistes affiche sa virtuosité.
C'est maintenant au tour de Paco Sery et Stéphane Edouard de devenir les frontmen. Commençant par un question/réponse, le percussionniste enchaîne par un solo, soutenu par une rythmique épurée de la batterie qui peu à peu reprend le dessus, transformant le duo en un véritable duel sous les encouragements du public. Un duel avec deux vainqueurs, l'inventivité de Paco Sery, qui pose son coude sur la peau d'un tom pour en faire varier la tonalité, trouvant toujours écho chez la nouvelle recrue.
S'ensuivent une série de titres du sextet, plongeant la soirée dans l'esprit du jazz-rock des années 80 et de ses groupes emblématiques (Uzeb, Electric band, Steps ahead,...) avec la teinte multi-colorée qui a fait le succés de Sixun.
Jean-Pierre Como, non avare de chorus, apporte une nouvelle sonorité aux compositions grâce à son mini moog, instrument qu'il a utilisé aux côtés de Jean-Mari Ecay sur le titre Castle made of sound.
Un dernier morceau, introduit par une pure démonstration de basse de Michel Alibo qui inventorie les techniques de l'instrument sur les percussions de Stéphane Edouard. Ce dernier sera encensé par Paco Sery lors de la présentation du groupe.


0h15 Sixun nous offre 15 minutes de pot pourri, un cocktail survitaminé de titres enchaînés sans répit, en guise de rappel.
Le groupe se retire sous une pluie d'applaudissements, promettant de revenir l'an prochain avec de nouvelles compositions. D'ici là, on pourra retrouver Louis Wisberg aux côtés de Dee Dee Bridgewater au Jazz In Marciac.

Le maître de cérémonie du festival vient clôturer ce 7ème Jazz des 5 continents par une dernière allocution.

Photos de Val

 Critique écrite le 11 août 2006 par Fred


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