Chronique de Concert
Kamasi Washington + Robert Glasper Experiment (Festival Jazz Des Cinq Continents)
Attendu à plus d'un titre, déjà car il s'agit d'un plateau inédit à Marseille, il y a eu un concert de Robert Glasper à Nimes en 2014, et deux de Kamasi Washington, également à Nimes l'an passé (au festival Tinals mais dans la petite scène, hérésie !) et au génial festival Worldwide à Sete, chacun d'entre eux ratés à regret.
Alors un plateau aussi classe (la fine fleur de la musique noire actuelle, pour résumer en gros) avec les deux artistes à quelques arrêts de tram, ce'st vraiment une très bonne surprise et même si ce soir les allées du parc Longchamp ne sont pas aussi garnies que la veille, le public connaisseur ou curieux est de qualité, réactif et attentif pour les deux formations.
Et contrairement à d'autres événements annulés à cause des bourrasques de mistral, cette soirée aura été un enchantement du début à la fin.
Robert Glasper Experiment c'est du groove brut de décoffrage, une fusion de jazz, de soul et de funk, une musique irrésistible pour les sens qui d'emblée évite la question qui fâche ici, ce sera debout pour tout le monde.
Le maître au clavier est accompagné d'un groupe de fines lames, le batteur aérien Justin Tyson, la basse rebondissante de Traviss II Burniss Earl, le discret mais efficace Mike Severson à la guitare.
Mais c'est le fantasque Casey Benjamin qui attire les regards avec son chapeau et sa barbe à la George Clinton, avec sa guitare synthé toute droite sortie d'une VHS d'un concert de feu Prince.
Son chant vocoderisé façon Troutman peut agacer certains, mais niveau charisme c'est assez impressionnant à voir et à regarder aux premiers rangs.
Robert Glasper est plus en retrait, mais c'est bien lui qui dirige les opérations, un mélodiste hors pair et chanteur au timbre qui aurait pu être encore davantage mis en valeur.
Sur certains gimmicks du récent "Thinkin Bout You" c'est le public qui est invité à chantonner et murmurer, le moment de complicité le plus chouette du concert.
La suite du concert est une succession de reprises de haute volée et souvent méconnaissables.
Le spectre va du "Sweetest Taboo" de Sade à "Everybody Love the Sunshine" de Roy Avers (qui repasse ici samedi d'ailleurs), des clins d'il au hip hop avec du Common ("The Light") et Mos Def ("Umi Says").
Et surtout une relecture aussi improbable que totalement hypnotique du "Smells Like Teen Spirit" de Nirvana.
Pour beaucoup, on y était presque au Nirvana auditif.
Dommage toutefois que la fin du show soit aussi abrupte par la sono et les techniciens déjà prêts à s'affairer pour un très long changement de plateau.
A cause du mistral tellement violent que le saxophone de Casey Benjamin a pris cher et que beaucoup de réglages n'aient pas pu être faits avant ce soir.
Mais l'attente interminable aura été récompensée, le concert de Kamasi Washington et son groupe est encore plus époustouflant que dans mes attentes les plus folles.
Depuis la sortie de son (triple) album "The Epic" (2015) dont on attend de se lasser, c'est un vrai plaisir d'écouter en live cette musique si ambitieuse sur disque, avec ces arrangements aussi luxuriants, ses dizaines de détails.
Le début du concert est comme son prédécesseur un concentré de groove total grâce notamment au surdoué Brandon Coleman, que Kamasi surnomme "Professor Boogie", aux claviers affolés qui ne dépareilleraient pas d'un bon Funkadelic.
Le trombone de Ryan Porter est des plus chaleureux, et l'inspirateur principal de Kamasi, c'est tout simplement son père Rickey au sax soprano et à la flute plus tard.
Kamasi annonce, c'est le dernier concert de cette tournée donc tout est possible ce soir, et coté public entre les superlatifs et soupirs de joie sont au rendez-vous pendant plus d'une heure 40 de bonheur pour tout mélomane qui se respecte.
En plus du talent et de la générosité de l'américain, c'est sa faculté à mettre en valeur tous ses musiciens, que ce soit Joshua Crumbly à la basse et contrebasse ("a genius", on le contredira pas) ou Patrice Quinn, chanteuse totalement habitée.
Sur l'inédit "Black Man" elle illumine cette nouvelle composition avec un spoken word à la Ursula Rucker avant de partir dans des vocalistes assez divines.
Kamasi a également pas mal d'humour et rappellera que petit il avait avant le saxo avait reçu une batterie enfant et qu'il était probablement le batteur "incroyable" avec un sourire en coin.
Du coup pour faire mieux avec son groupe, eh bien il y a donc deux batteurs, ici Robert Miller et Jonathan Pinson, avec lesquels on a droit à un battle bien syncopé assez ludique.
Interlude anecdotique mais sympa avant le grandiose "The Rhythm Changes" pour bien nous achever.
Le seul bémol ce sera après le concert, alors que Kamasi Washington avait annoncé la possibilité de rencontrer son public et de faire signer son vinyle, rien de tout ça, la sécurité nous pousse gentiment vers la sortie.
Dommage pour le remercier de vive voix pour ce show, mais tout le reste, vous l'aurez compris avec ces quelques lignes admiratives, était absolument parfait.
Critique écrite le 27 juillet 2017 par Sami
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