Chronique de Concert
King Dude - Shiloh
Shiloh est le tout nouveau projet de Cedric et Manu, respectivement chanteur-guitariste et batteur d'Elektrolux. Le duo se décrit comme un " Unelectrified Pre-War Combo ". L'imaginaire de Shiloh fait en effet référence aux Etats-Unis d'avant la grande dépression tandis que sa musique est fortement influencée par le rockabilly, la country ou le blues, passés à la moulinette punk. Shiloh semble effectivement explorer de manière plus approfondie ces influences déjà bien marquées dans le dernier album d'Elektrolux. Cedric joue de sa guitare folk comme d'une guitare électrique. Son jeu est à la fois riche et convulsif et il y injecte parfois quelques dissonances free ; son chant rageur et écorché m'évoque celui de Captain Beefheart.
Les rythmes de Manu ne se contentent pas seulement d'une binarité purement rock'n'rollienne mais effectuent de subtiles intrusions ternaires. Malgré la formule réduite du duo, la musique de Shiloh a beaucoup d'ampleur et de puissance. Les chansons ne montrent aucune faiblesse de composition et sont le plus souvent rapides et imprégnées d'une énergie sauvage. Et même si leur style est très référencé aux genres nommés plus haut, le duo réussit à faire quelque chose de vraiment personnel. Les deux comparses ont joué une vingtaine minutes, répertoire oblige, mais l'impression générale fut bonne tant ce premier set du groupe a été intense et de qualité.
Thomas Cogwill a.k.a King Dude avait déjà était invité par Désordre Nouveau lors d'un précédent concert mais il joue cette fois-ci en solo, s'accompagnant de sa seule guitare folk. La musique de King Dude s'inscrit à la fois dans une tradition " americana " à la Johnny Cash et " l'apocalyptic folk " de Death in June. Cette dénomination est d'ailleurs souvent utilisée pour qualifier le style de King Dude.
Son chant est habité, sa voix grave et profonde peut évoquer celle d'un Nick Cave ou d'un Leonard Cohen. La musique est de fait assez dépouillée ; son jeu de guitare n'est pas particulièrement exubérant ou complexe mais dégage de la solennité et une certaine puissance. Pas de pause ni frime, malgré une musique plutôt sombre, l'attitude de King Dude est assez détendue et l'homme est plutôt disert.
Il plaisante volontiers entre les morceaux en brandissant sa bouteille de whisky qu'il boit à la santé d'un public dont il semble apprécier l'accueil chaleureux. Celui-ci suit et accroche bien, quelques fans hard-core chanteront même avec lui le désormais classique Lucifer's light of the world. Il revisite pendant plus d'une heure le répertoire d'une discographie déjà bien étoffée. La formule peut paraître limitée ou pourrait en lasser certains mais l'interprétation est profonde et pleine d'assurance.
Le folk sombre de King Dude s'avère en fait beaucoup plus singulier et captivant qu'il en a l'air au premier abord. Encore une fois, cette soirée organisée par Désordre Nouveau a été une réussite tant par l'originalité que par la qualité de sa programmation.
Critique écrite le 22 mai 2015 par Phil2guy
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