Chronique de Concert
KinG
Il y en avait, des badauds. La rue en dégorgeait tout du long depuis le derrière de l'église, on s'y encanaillait du haut jusqu'en bas, mètre après mètre, buvette après buvette. Devant l'estaminet en question, un énième attroupement se tenait là comme un bulbe mouvant : des hommes et des femmes la plupart la choppe à la main, des enfants même, dans un brouhaha placide d'éclats de voix, de rires étouffés et de volutes de tabacs de plus ou moins bonne facture. Les falots allumés au dessus de l'enseigne balayaient la foule d'ombres légères, de celles que les crépuscules de printemps tracent en oblique lorsque la nuit bleu roi s'approche.
On le repérait déjà assez facilement. Bien qu'en retrait de l'impressionnante silhouette du grand barde Oh de la Montagne, il était beau comme on le prétendait. La barbe soyeuse et exubérante autant que les atours (portés modestement, bien que l'élégance raffinée de tissus sombres coupés sur mesure tranchât assez ouvertement d'avec la plupart des accoutrements alentours pourtant d'assez bonne coupe eux-mêmes, parfois même élégants - quelques ducs affichant de fort belles parures), la chevelure souple, tout concourrait à son aura tandis qu'il prenait humblement part à quelques conversations, déjà tout à son affaire. Le sourire amène et le regard scrutateur, il jaugeait la teneur de son auditoire, à la fois soucieux de compter ceux de ses gens étant venus à lui, et intrigué de celles et ceux qu'il ne connaissait guère ou ne reconnaissait pas.
Une coupe à la main, il montait et descendait machinalement la contremarche qui barrait l'entrée de l'auberge, un geste amical prêt à être lancé à la cantonade d'une main baguée. A l'intérieur, l'air était tiède mais encore léger. De petites gens s'affairaient à diverses tâches au milieu de lords, de jouvencelles et de roitelets accompagnées de leur dame qui avaient pris place aux meilleures tables - du moins aux rares que comptait l'établissement, scindé pour l'occasion dans sa longueur : l'alcôve préparée à son attention, dont le sol avait été couvert de tapis, rétrécissait le passage jusqu'aux taverniers à un goulet étroit au creux duquel se croisaient avec la plus affable politesse ceux ayant payé leur chopine, revenant vers l'alcôve, et celles et ceux fouillant leur bourse, arrivant en sens inverse. L'ambiance était assez bonhomme, bien qu'une certaine fébrilité régnât dans l'air.
La nuit tomba finalement vite, et un héraut somma la foule de se presser à l'intérieur, car il avait pris place. A ses côtés, éternel compagnon, se tenait pareillement assis sur une basse chaise le prince de Le Roux qui, comme chacun sait, compte parmi les plus brillants pinceurs de luth, drapé dans un pourpoint blanc rehaussé d'une large cravate du plus bel effet. Tous deux tenaient l'instrument en bandoulière. En face, par-delà la foule qui s'était maintenant amassée au point de les toucher, leur artificier favori, l'ibérique maître Paquito, avait trouvé à installer ses mécanismes et s'apprêtait à faire résonner la chose à travers la pièce. Au gré de la foule, il arrivait qu'on croise le regard du duc de Lucien, dont l'adroite plume ne manquât jamais de louer les belles choses de bien belle façon, celui de la discrète et pâle princesse de Braole (dont il était désormais officiel qu'elle était sa favorite) ou encore du portraitiste local, François d'Avecquatri.
Pour les plus avertis, la présence de l'éminent timbalier milanais, le Viconte di Francescoli, comme celle de l'aventurier du Nouveau Monde John de Hawaii, et parait-il (de source moins sûre) du clavecino-machiniste Siméon de Henn, était constatable. Nombre d'autres figures de ce que la fine fleur du bourg comptait d'artistes, de penseurs, de polémistes ou de tentatrices se tenaient là, qu'il serait fastidieux d'énumérer tant l'événement était ostensiblement couru (je me tenais, pour ma part, aux côtés de l'inénarrable baron de Babousse).
Lors, les premières notes s'élevèrent. Le silence ne se fit jamais totalement, mais cela n'eut guère d'importance : tous ceux qui avaient douté de la pertinence de son titre furent balayés de ce souffle grave et sépulcral qui jaillit de sa gorge, car il n'avait nul besoin d'artifice pour que son Ost d'archanges déchus dresse sa silhouette en haut de la crête et étende son ombre, droit devant l'astre du jour. Et tous nous tombâmes à genoux, l'âme ployée, et cela fut si rapide et si étrange que l'instant d'après, il était à nouveau là, debout parmi la foule, l'il à peine plus brillant, comme si rien de tout cela n'avait réellement existé. Mais tous avaient assisté à un couronnement, et tous le savaient. Nous fîmes juste comme si tout cela était le plus normal du monde.
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Critique écrite le 25 avril 2016 par Le Vaccuopilot
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