Chronique de Concert
Kraftwerk (3D) ... et d'abord quelques réflexions sur la musique qui nous anime...
[C'est idiot mais depuis ce concert jeudi dernier, un certain événement de l'actualité du vendredi du lendemain est venu remettre beaucoup de choses en perspective. Pourquoi faisons-nous assidument des chroniques de concert, et pour certains depuis le siècle dernier, sur ce site ? Pour donner envie aux gens d'aller dans des salles de concert voir les mêmes artistes, jouir de la même ambiance, partager des voix, des mélodies, des rythmes, des images et donc des émotions qui nous y ont touchées, bien sûr... Mais qu'en est-il si une salle de concert, lieu de communion par excellence, devient un lieu de mort ? La question restera évidemment sans réponse puisque les monstres à qui il faudrait pouvoir la poser... n'écoutent pas de musique et ne ressentent pas d'émotion, n'ont vraisemblablement pas de coeur, évidemment pas de cerveau et par conséquent, possiblement pas d'âme du tout.
Alors en l'absence de réponse à apporter face à ces êtres... inanimés, faisons le minimum acceptable : continuons nos activités culturelles et sociales comme avant, au besoin avec une boule au ventre, mais comme si de rien n'était, ce sera encore le meilleur moyen de cracher sur leurs sinistres mémoires... Il y aura d'autres concerts dans d'autres salles. Il y aura peut-être même, on peut le rêver - ce serait quand même un putain de beau symbole - le même concert dans la même salle, un jour ? Parce qu'on a vibré et re-vibré au Bataclan, parce qu'on a vibré et re-vibré avec Eagles of Death Metal - tout ça est dûment chroniqué quelque part sur Concertandco, et putain, on y retournera un jour prochain, dans cette magnifique salle parisienne et on le reverra un jour prochain, ce pétaradant groupe rock'n'stoner queer !]
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En attendant, Kraftwerk au Silo, donc. Groupe légendaire à qui tous les DJ et machinistes qui ont un peu de culture reconnaissent une influence proche ou lointaine. Un groupe qui, contrairement à ce qu'affirmait la Provence dans sa proverbiale incompétence musicale ("pas venus en France depuis 24 ans"), joue assez régulièrement dans l'Hexagone depuis sa reformation : pour ma part je les avais vus aux Eurockéennes en 2005 mais ils sont évidemment revenus depuis, ne serait-ce que pour inaugurer dans une série de concerts/album retraçant leur carrière, la Fondation Louis-Vuitton de Paris il y a quelques mois...
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Commençons par dire qu'il est heureux que le spectacle ait été en 3D ! D'abord parce que c'était rigolo et souvent ludique (un satellite a fait mine de nous foncer dessus au milieu de Spacelab, notamment), que la vue en se retournant de toute la salle avec les lunettes rappelait la fameuse éclipse de soleil survenue au siècle dernier. Et surtout, que ça donnait à tous les sens du terme, du relief au spectacle ! Lui qui pour le reste, a assez peu évolué et reste fondamentalement statique : 4 personnages assez mutiques, derrière 4 consoles où on se demande bien ce qu'ils font (même sur les parties mélodiques au synthétiseur, on ne distingue pas si quelqu'un est vraiment en train de jouer la mélodie...). Autrement dit, il ne se passe pas grand-chose sur scène, où ce brave Ralf Hütter, dernier représentant du groupe originel, a repris bravement les parties chantées sans forcément le faire aussi bien que son prédécesseur...
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Concernant les visuels, le groupe fait preuve d'une remarquable constance dans le vintage : les vidéos, qui semblaient déjà très old school il y a 10 ans, ont encore pris de la patine, et semblent pour certaines renvoyer aux premiers temps de l'animation informatique (celle d'Autobahn, par exemple, doit bien avoir 25 ans, sans parler des personnages fil-de-fer aperçus au deuxième rappel sur Music Non-stop !). Il est vrai que ce minimalisme renvoie aux époques des diverses fascinations technologiques du groupe, à savoir à peu près chronologiquement : les autoroutes, les ordinateurs, les calculatrices, la conquête de l'espace, l'énergie nucléaire, les trains à grande vitesse, les robots et dernièrement (enfin il y a 13 ans, tout de même), le Tour de France...
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Chacune de ces fascinations a évidemment un ou deux morceau(x) phare(s) et aucun ne sera oublié ce soir : Autobahn, Computer World / Mini calculator, SpaceLab, Radioactivity, Trans Europe Express, The Robots / Man-Machine, comme autant de tubes, ainsi que la plus hors-sol The Model, leur hit radio probablement inattendu à l'époque. Le son n'est pas tout à fait assez fort (sauf à la fin) mais le plaisir est réel sur (pour ma part) Radioactivity (toujours ma préférée, surtout depuis qu'elle est devenue anti-nucléaire sur le tard), The Robots (où ils apparaissent, comme depuis des lustres, sous forme de mannequins amusants au rappel) ou encore, Spacelab, Tour de France (très esthétiques !) ou même Aero dynamik. Le plaisir apparait aussi à la longue, comme une sorte de transe par l'ennui, au bout de quelques minutes de méditation sur les nappes d'Autobahn, ou sur les "king-klang" de Trans Europe Express...
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Au final un beau spectacle donc, extrêmement formaté mais efficace et plutôt généreux sur la durée (deux bonnes heures). Avec quand même par moments, un côté "installation sonore" qui prend nettement le pas sur la notion de groupe jouant en live, avec ou sans costume lumineux... Mais encore une fois, on savait en principe ce qu'on venait voir et du coup, personne n'a pu en repartir déçu : Kraftwerk est toujours Kraftwerk et c'est tout ce qu'on leur demande. On ne peut d'ailleurs que se féliciter qu'ils soient passés par Marseille à une époque ou de plus en plus de bons groupes de notoriété comparable, semblent nous avoir définitivement rayés de la carte de leurs tournées européennes. Auf Wiedersehen Marseille, und Gute Nacht ! a conclu Herr Hütter...
[Et en effet, ce sera la dernière bonne nuit avant longtemps, la dernière où nous serons entrés et ressortis d'une salle de concert sans une petite arrière-pensée morbide. Mais comme le dit un adage anglais (qu'on attribue initialement aux Persans Soufis - des gens cultivés et sensibles, eux) :
"This Too Shall Pass..."]
Critique écrite le 15 novembre 2015 par Philippe
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