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Chronique de Concert

Lapin Machin, Le club des chats, Oly Arckle

Pop'In, Paris 8 février 2006

Critique écrite le par

C'est une de mes angoisses de fan de musique. Un jour viendra où je n'écouterais que des vieilleries. Plus rien ne me plaira, je n'aurai plus qu'un regard condescendant pour la scène contemporaine. Je resterai chez moi, au milieu de tous ces disques accumulés à travers les années. Réécouter, ressasser. Mentalement, je m'y prépare.
J'ai l'impression que plus je connais de groupes, plus je vois de concerts et plus je deviens difficile. C'est un processus normal. Plus on s'expose à des artistes différents et moins on a de chance d'être surpris. Le sens critique s'affine, s'aiguise, les oreilles se fatiguent et les moments de pur bonheur s'espacent de plus en plus.



Mais alors, quand vient un nouveau groupe fantastique. Quel soulagement, quelle joie ! C'est comme une renaissance. Je me sens réconcilié avec le présent, avec la vie, avec le rock'n'roll.
Lapin Machin est un nouveau groupe fantastique. Le 8 février dernier, ils fêtaient leur un an d'existence chez eux à Paris au Pop'In, un bar de la rue Amelot (11è).
Je les avais vu une première fois au mois d'octobre à Tourcoing dans le cadre d'une nuit du folk. Ils avaient joué parmi les derniers. Tard dans la nuit. D'abord, j'avais trouvé cela assez affreux. Chant en anglais avec accent français. Instrumentation de brocante. Performance piteuse. J'aurais presque eu envie de leur jeter des chamallows. Et puis, j'ai bien été obligé de reconnaître qu'il y avait au moins deux titres terribles. Deux titres chantés par Violette. Hard to be a band et Popcorn. Popcorn, un morceau qui suscite l'impatience puisque deux braillards passèrent tout le concert à le réclamer à grands coups d'insultes et de menaces. Popcorn qui fut donc joué dans un final ultime et exaltant, avec l'aide de David et Néman Herman-Düne.

Secoué, excité, je visitai plus tard leur page Myspace où je me mis à écouter d'autres chansons. Et là, nouveau choc, Island song. C'est une chanson somme toute assez simple. Une guitare, un bête rythme et une voix. La voix de Jo Lapin. Cette chanson exprime des choses. Elle exprime un sentiment, un moment, une nostalgie.

I feel tired today
I remember that tricky summer
Like every year so far
When the sun shines in the water

I feel tired today
I remember that tricky summer
When my sister kissed a girl
And her lips full of water

I feel tired today
I remember that tricky summer
When i cuttled for the first time
With a girl full of water


Les notes de guitare sont inoubliables. Enfin, moi je ne peux pas les oublier. Je crois que ce morceau, je le garderai jusqu'à ma tombe, dans longtemps j'espère. Tout ça pour dire que ce bête morceau découvert sur internet, depuis mon portable Packard Bell m'a donné envie d'aller plus loin dans le machin du lapin.
A Paris, j'ai tapé à la porte du seul magasin qui distribuait leur Cd. Il n'y en avait plus. Alors je l'ai commandé par courrier. J'ai reçu l'objet. Un truc pas commun en carton avec un grand dessin à l'intérieur. Ca a de la gueule. Et accessoirement, c'est un très bon disque.
Pour un groupe qui débute, c'est un très bon disque.
Dans l'absolu, c'est un très bon disque.
Avec plusieurs très bons morceaux. Avec une majorité de très bons morceaux.
Putain, on dirait que je suis en train de vous faire un argumentaire de vente.
Mais, la vérité, c'est bien. Cela a été enregistré avec peu de moyens. Dans un appartement. Il ne ressemble probablement pas à ce dont le groupe rêvait, mais l'essentiel y est, des chansons, des mélodies, une personnalité. Pour moi, c'est du même niveau que Gomm, Glen or Glenda, ou De Kift, mes idoles du moment.
Musicalement, cela n'a rien à voir avec ces groupes, qui eux-mêmes n'ont rien à voir les uns avec les autres. Le truc Lapin Machin se rapprocherait plutôt de Jonathan Richman, du Beat Happening et de toute cette famille de musiciens que l'on rassemble derrière l'appellation lo-fi. Un mélange d'innocence et d'urgence punk avec des orchestrations minimalistes.
C'est à voir.
Un moment, j'ai cru ne pas les revoir. Le 8 février au Pop'In. J'entre dans le bar. Bourré à craquer et enfumé. Personne ne connaît Lapin Machin. Personne ne sait qu'ils doivent jouer là. Il n'y a pas d'affiche d'ailleurs. Je me fraie un chemin jusqu'au comptoir et là, enfin, je trouve quelqu'un, une serveuse, qui réagit positivement au nom de Lapin Machin. C'est en haut que ça se passe. Il faut monter l'escalier, traverser une pièce où des gens sont rassemblés autour de pichets de bière, il faut longer les toilettes d'où sortent trois garçons en se frottant le nez, continuer dans une autre pièces où d'autres jeunes gens sont rassemblés autour de pichets de bière et descendre l'escalier. Si la porte est fermée, c'est que ce n'est pas encore commencé. La porte est fermée. Je fais marche arrière jusqu'au comptoir. Je commande deux pintes de Guinness. Je les bois au milieu de cette faune de fumeurs et d'étrangers. J'attends. On me demande du feu. Je n'en ai pas. J'attends. Comme ça pendant trois quart d'heure. Avec l'expérience, j'arrive à rendre ces moments agréables.
La porte en haut puis en bas, après la première pièce, les toilettes, la deuxième pièce, la porte finit par s'ouvrir. Sur une pièce assez basse qui ne tarda pas à s'emplir de fumée et de quelques musiciens.



D'abord, un garçon seul avec une guitare et des espadrilles. Oly Arckle. Je lui ai trouvé un accent québécois, alors que non, il est français, m'a-t-on dit plus tard. Il chante en anglais. C'est plutôt folk, calme, sans excès.




Ensuite, Le club des chats. Un couple, on dirait. Le garçon porte moustache et baguette. La fille porte lunettes et guitare. Ils jouent des chansonnettes qui pourraient servir de bandes-son à des dessins animées japonais. Des dessins animées bébêtes. Des dessins animés hystériques. C'est assez loufoque. Ils devraient tenter des expériences en écoles maternelles.
A noter que j'ai reconnu le garçon comme étant Le chevalier de Rinchy, personnage auteur d'un 45 tours intitulé Mes plus belles chansons d'amour, un disque maboul où s'aligne plus de 70 titres pour pratiquement autant de secondes.




Et... Lapin Machin apparut. Je crois ne pas l'avoir encore préciser, Lapin Machin est un trio, deux garçons, une fille, Jo, Mikka et Violette. Il y a aussi une deuxième fille qui vient sur quelques titres derrière un clavier ou bien derrière un mégaphone. Je ne sais pas vraiment comment elle s'appelle. Evelyne, peut-être.
Un des trucs intéressant chez Lapin Machin, c'est que tout le monde chante. Il y a bien des titres plus particulièrement écrits par Jo ou par Violette, mais sur les refrains, tout le monde gueule en chœur. Ca donne un impact démultiplié à leur musique. Ca rend la chose définitivement festive et rock'n'roll.
Dans le public de cette soirée anniversaire, une chenille s'est formée. Ah, ce n'est pas sur du Herman Düne que l'on verrait une chenille, ni sur du Calvin Johnson (même s'il en rêverait) que l'on verrait ça. Je crois d'ailleurs que c'est la première fois que je vois une chenille se former dans un concert de punk-pop-rock. C'est dire, non ? Incredibeul le Lapin Machin.



L'incroyable se produit parfois. Et Lapin Machin joua ses chansons. On entendit surtout Violette. J'entendis donc une nouvelle fois Hard to be a band et Popcorn. Il n'y avait pas les Herman Düne pour les épauler cette fois, mais ce fut encore un très grand moment que ce Popcorn. L'ensemble du concert fut un grand moment. Ils s'échangèrent leurs instruments. Il y eut de la basse parfois, parfois on entendit des synthés. Ils jouèrent deux ou trois nouveaux morceaux. Ils allumèrent aussi quelques clopes.
Et à la toute fin, il y eut un gâteau au chocolat avec une bougie dessus.

Bon anniversaire Lapin Machin !










 Critique écrite le 18 février 2007 par Bertrand Lasseguette


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