Chronique de Concert
Left Lane Cruiser, Jerron Paxton (Les Nuits de l'Alligator 2022)
Ce soir, c'est le grand soir. On revient enfin à la maison après plus deux ans d'absence. On parle bien entendu de La Maroq, qu'on aime nommer ainsi d'une manière familière et affectueuse. C'est que ce lieu culturel parisien nous est très cher. Tant de souvenirs, de concerts inoubliables, de tranche de vie, on l'aime tant La Maroquinerie et elle nous avait manqué terriblement. Deux ans de pandémie, de monde qui tourne à l'arrêt ou presque, enfin surtout pour notre endroit fétiche qui s'est vu fermé la quasi-totalité de ces 24 derniers mois car ici, impossible de faire des concerts assis. Il y 15 jours, le miracle a eu lieu, les concerts debout ont été à nouveau autorisés. Aujourd'hui, on est dans le cadre du festival des Nuits de l'Alligator, 16ème édition. Après l'annulation de l'année dernière, cette fois-ci, l'évènement aura pu se tenir mais en format restreint. Tous les artistes prévus n'ont pu faire le déplacement en France mais le groupe qu'on tenait absolument à voir, Left Lane Cruiser, est bel et bien là. On a eu chaud. Au lieu des onze Nuits de l'Alligator initialement prévues sur février et mars à travers la France, c'est donc 7 nuits qui se dérouleront et celle de ce soir est l'avant-dernière. Au programme, on retrouve le prometteur et talentueux Chanteur guitariste Théo Charaf, découverte Alligator de l'année qu'on ratera malheureusement, Jerron Paxton, bluesman américain qui se produit pour la première fois en France lors de cette tournée, et les très attendus Left Lane Cruiser, duo de blues rock sauvage, explosif qu'on aime tant.
Jerron Paxton
Un peu avant 21 heures, c'est donc le deuxième artiste de la soirée qui s'installe devant nous. Jerron Paxton s'assied et nous illumine de son charisme et de son merveilleux sourire. La salle est plutôt bien remplie et le public est heureux de reprendre enfin sa dose de musique live. Les amoureux de bon son vont assurément revenir petit à petit au fil des mois dans le chaudron des concerts une fois les dernières appréhensions levées. Au départ, on est bien loin de ce blues et de cette Amérique des premières années du XXème siècle et au fil des minutes, on est de plus en plus séduit par sa prestation. On découvre un musicien multi-instrumentiste (banjo, guitare, violon, harmonica...) mal-voyant qui nous fait remarquablement voyager grâce à une musique colorée et à large éventail. On finit donc archi-connecté car Jerron Paxton nous aura embarqués dans son univers qui sent bon la poussière et l'histoire de l'Amérique. L'homme, jeune trentenaire, a beaucoup d'humour et un coeur énorme. 50 minutes plus tard, on est définitivement plus charmé qu'au début du set. C'est ce qu'on appelle une agréable surprise et une très jolie découverte.
Left Lane Cruiser
Comme une vieille moto cruiser dans le style des machines américaines des années 30 au début des années 60,Left Lane Cruiser chauffe le bitume, fait du bruit, mord la poussière, roule avec ses tripes sous un soleil qui traverse des zones arides. On a donc besoin de se désaltérer pour tenir sur la longueur et la bière fraiche coule parfois à flot. Ce soir, ça sera un peu, beaucoup... trop le cas.
22h30, ça démarre pied au plancher. A notre gauche, Freddy J IV le chanteur hurleur à la voix caverneuse est assis et à notre droite, c'est Brenn Beck qu'on retrouve à la batterie. Pour les amateurs de blues rock bien gras et sévèrement burné, on a face à nous le line up originel et un des meilleurs groupes du genre. On pense un peu également à Seasick Steve, à Mark Lanegan (paix à son âme), à Jon Spencer Blues Explosion et aux Black Keys. En 2019, ils ont sorti leur 11ème albums, l'excellent "Shake and Bake". Le show dépote sévère et on tripe vraiment en entendant tous ces riffs accrocheurs et bien huilés. La voix du leader nous scotche comme un vieil ours aperçu dans sa grotte. Le moteur tourne à la perfection. Le batteur cogne avec talent et entoure son compagnon de route avec brio.
Au fur et à mesure des bières injectées dans le cornet, surtout dans la gueule du barbu rouquin, bonnet vient viser sur la tête, le bucheron batteur devient de plus en plus indispensable pour éviter la sortie de route. Après une heure de haute tenue, la gomme de cette belle machine s'effrite peu à peu et les dernières vingt minutes deviennent chaotiques. Ayant bu plus que de raison, Freddy J IV sort de l'autoroute hyper bandante pour finir sur un vieux chemin abimé et rempli de trous. Tout deviendra alors plus laborieux. Il mettra 5 minutes à s'accorder (pour rien) entre chaque morceau, le batteur le portera à bout de bras, le poussera et comblera le vide. On le félicitera d'ailleurs à la fin tant le bucheron a assuré pour deux. Le public le chahutera un peu et certains ce sont déjà barrés depuis quelques temps. Au final, on a tout aimé sauf la sortie de route de la vieille cylindrée. D'autant plus que Left Lane Cruiser est une machine formidable et tellement authentique.
Remerciements à La Maroquinerie et à Paul pour l'accueil
Photos: Jérôme Agier
Critique écrite le 27 février 2022 par Lebonair
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