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Chronique de concert Little Steven & The Disciples Of Soul
Samedi 21 décembre 2024 : 6880 concerts, 27252 chroniques de concert, 5420 critiques d'album.
Chronique de Concert
Little Steven & The Disciples Of Soul
Tradition
Dans la grande tradition des ensemble "Soul", ils ne sont pas moins de quatorze, présents ce soir afin que d'épauler leur "Little Boss" : avec cuivres à tire-larigot, trio de choristes en folie capables d'affoler puis tournebouler le "dedans" des mâles présents, percussions au taquet et duo de claviers.
L'entrée sur scène, elle, sera menée en mode Nouvelle-Orléans, avec groupe qui joue la partie d'intro instrumentale de Communion tandis que les "girls" en font le tour, porteuses de parasols colorés, bientôt suivies par la section de cuivre au grand complet, avant que le mythique porteur de bandana ne se décide à les rejoindre, rigolard, pour y afficher ses fameuses DEUX moues qui l'auront rendu célèbre au cinéma (entre Soprano et Lilyhammer) afin que de tout emporter avec ses musiciens et faire en sorte que les sièges de l'Opéra Garnier ne deviennent de fait de réels objets (inutiles) à frustration, face à cette belle et chaude célébration...
Après avoir pris un premier solo trituré de notes mélodieuses, le guitariste - peu impliqué à ce niveau au sein du E Street Band en raison de la présence de la six-cordes enflammée du gars Bruce et de l'incroyable Nils Lofgren - qui semble apprécier de pouvoir mieux s'exprimer ici, en cette matière, guide le groupe en mode chef d'orchestre, l'accompagne du geste au niveau des nombreux et impressionnants "Breaks", des incessants changements de rythmes. On sent que ce groupe, perpétuellement sur la brèche, depuis 2016, entre studio et Live, est plus qu'au point et sur-domine son musical sujet ; impression confirmée dès l'arrivée de Camouflage Of Righteousness : extrait du très rêche et furieux Born Again Savage, enregistré au cours du siècle dernier (1999) aux côtés de Adam Clayton (U2/Basse) et Jason Bonham (Page & Plant, Led Zeppelin/Batterie) ; album difficile à trouver (ou hors de prix) qui devrait en novembre prochain enfin bénéficier d'une réédition, ainsi que la totalité du Vand Zandt catalogue enregistré en solo.
Devoir de Mémoire
Comment ne pas y souscrire, lorsque l'on joue dans un tel cadre ? L'Opéra Garnier fait partie de ces lieux enchanteurs, qui en imposent, nous font nous souvenir de périodes lointaines, oubliées, d'accomplissements passés, de modes de vie différents, de règles (en partie) obsolètes ou strictes, de soumission à des ordres, également : le tout renvoyant à des événements qui auront fait l'histoire, notre histoire, l'auront définitivement marqué ; il est donc, somme toute logique, que la totalité des membres du groupe, au fur et à mesure et dans la foulée de son leader, se lance dans une "explication de texte" précise, concernant le pourquoi du comment de leur venue en ces beaux murs (aux plafonds bluffant), et de leur existence même en tant que Disciples Of Soul : "... faire de ce moment hors du temps, une enclave, face aux horreurs et à la violence du monde, face à la déshumanisation constante de l'autre... vanter une communion d'avec les éléments, la nature, vanter l'amour de l'autre, amener une rédemption, par la magie même, de la musique... proposer un voyage, durant lequel, passé, présent et futur seront réunis en un même espace temps ! Un véritable manifeste, que cette tournée Summer Of Sorcery (album très abouti, par ailleurs : varié, solide et mélodieux, sorti en mai dernier) ... nous espérons que vous saurez goûter à ce voyage, mené en notre compagnie...". Le tout, avant que de se lancer à l'assaut de Loved Again : extrait du susmentionné album, qui fonctionne immédiatement en mode "catalyseur de joie responsable de nombreux sourires niais soudain affichés". Un moment en apesanteur, effectivement hors du temps et du réel, loin des nombreux soucis et drames nés de ce bas-monde, gris du devenir, "grillé" ou "fondant", en sursis...
Origines
Ramené à la vie, alors qu'il était au creux de la vague (et aura carrément galéré durant la toute fin des années 80 et début 90) par son émission de radio "Underground Garage" et la série Les Soprano - logique pour un Italien d'origine, non pas de faire partie de la Mafia, mais d'entrer facilement dans la peau d'un personnage lié à cette emblématique pieuvre - il nous aura semblé se sentir particulièrement à l'aise, ce samedi soir, à quelques coudées à peine de la fameuse péninsule "berceau" et l'aura prouvé en interprétant magnifiquement des morceaux, tels Bitter Fruit, Superfly Terraplane, ou Vortex : un tourbillon de vie, de notes, de frappes sèches, de fureur et envie d'en découdre face à un public pourtant prisonnier de ses sièges, qui aura laissé pantois...
Racines
Un rien plus tôt, bien décidé à "rendre" à ceux qui lui auront donné, il nous aura parlé de sa passion pour les groupes dits "Garage" obscurs (ou pas) des années '60, puis présenté au public son clavier Lowell "Banana" Levinger, qui se partage les "ivoires" du soir avec l'emplumé Andy Burton. Autrefois membre fondateur des mythique Youngbloods - qu'il nous aura poussé à aller découvrir, à acheter leurs disques - celui-ci aura semblé à la fois ravi et un brin gêné par l'hommage, avant que de se lancer dans l'intro de l'un des standards du groupe d'antan : On Sir Francis Drake ! Morceau logiquement suivi de I Visit The Blues, afin que de se plonger sans retenue vers les racines du genre, LE point de départ de toute cette musicale histoire, cette fois soutenu au mieux par la guitare de Marc Ribler, qui codirige le groupe à son côté...
Frères de Sang
Lorsque Little Steven Van Zandt s'avance d'un pas décidé vers le micro, afin que d'annoncer un prochain hommage dédié aux frères "soul" de toujours, il se fend sans retenue d'un beau sourire empreint de réelle émotion ; aussi, les trois chansons à venir seront entièrement dédiées à Southside Johnny, le frère du New Jersey qu'il remercie "d'avoir alors fait vivre ma musique, pendant près de quarante cinq années !" avant que de rendre un hommage vibrant aux grands auteurs-compositeurs des débuts, tels : Jerry Leiber et Mike Stoller, Carole King et Gerry Goffin, Doc Pomus et Mort Schuman, ou les productions du génial timbré en chef Phil Spector ; non sans omettre de citer l'autre frère de sang Bruce Springsteen : "que je remercie pour avoir pris du temps libre, et surtout de ne pas "tourner" actuellement...". Se remémorant la joie qu'il aura eu d'avoir pu enregistrer avec The Drifters (The Coasters et The Satins) sur l'album de Southside Johnny nommé This Time Is For Real - produit par ses soins et pour lequel il aura écrit ou co-écrit, huit des dix titres, en la lointaine 1977 - il cite Ben E King et les frères de la Soul, un "retour en pensées et émotions, vers les belles années 1963/1964 !", avant que d'entamer une magnifique trilogie qui démarre sous l'égide de Disciples De La Soul concentrés, collant au mieux à la version originelle de Little Girl So Fine. Une version qui fait illico hérisser nos poils de dévots à nous : portée par une voix sous engeance Southside/Bruce, qui nous rappelle que son co-auteur, Bruce Springsteen - l'homme qui vient de se fendre d'un disque, un rien mou du sabot et déstabilisant, orné d'un cheval qui se cabre, en guise de pochette - ferait bien de se rappeler qu'il possède également une voix et une énergie SOUL, hors-normes, et qu'il serait temps qu'il rende lui aussi hommage sur bandes à cette musique qui fait intégralement partie de son patrimoine génétique...
Tandis que "Little" vocalise de concentration et âme, je revois soudain passer devant mes yeux, les fantômes des regrettés Sam Cooke, James Carr, Clyde McPhatter, Ben E King, ou bien encore, plus récemment, du grand Willy Deville plongeant au plus profond du profond de Key To My Heart, posté, à genoux, à quelques décimètres de nos yeux embués, sur le devant de la scène de l'Olympia, avant que d'emballer le tout à l'aide de l'imparable Stand By Me... Magique, beau et accompli, à la fois !
Durant Trapped Again, difficile de ne pas s'attarder sur le jeu précis et dense de Jack Delay : bassiste élevé dans la grande tradition du genre à "quatre cordes", qui bouge ou se déplace rarement, à peine un pas de côté (à peine) pour ne pas être piétiné par les "cuivres" ou les "girls" (soit) mais qui envoie sévère et jamais ne s'économise. Durant, Love On The Wrong Side Of Town, la voix "lead" a beau piocher un rien ou peiner (n'est pas Southside, qui veut...), elle bénéficie fort heureusement de celles du trio féminin posté au soutien juste derrière. Une version enjouée, dynamique et fort aboutie, qui bénéficie également d'un beau solo de sax aux "normes", vu que le gars qui s'époumone à deux pas vient en droite ligne de la section de cuivres originelle de Southside Johnny ! Même près de quarante années plus loin, dès qu'on le peut, on reste uni et on travaille ici forcément en "famille" : côté ténor, cette fois, pas Soprano !
Communauté
Lorsqu'il se pose un moment, demande s'il y a des "profs" dans la salle, puis les remercie de : "vous tenir constamment en première ligne pour y mener un combat pour l'avenir, contre l'ignorance...", lui qui est engagé depuis longtemps dans cette lutte et qui soutien l'organisation Teachrock (https://www.littlesteven.com/teachrock) on se prend légitimement à rêver que notre société remette sciemment et pour de bon la (soif de) culture, l'apprentissage de la musique, l'envie de connaissance, le goût des arts, au centre de la communauté de vie, au cur de la société, en tant que valeur fondatrice et vertu de ralliement. Alors, adieu, vide téléréalité, jeux consternants destructeurs de neurones, retransmissions perpétuelles de match de foot (et autres sports), suivis quasi quotidiens de grands-prix et rallyes annihilateurs de couche d'ozone, débats pseudo-politiques bâtis sur rhétorique du pire et non écoute de l'autre (de tous les autres), déroulements de tapis épais étendus sous les pieds "augustes" de stars du petit écran, d'acteurs du moment, d'idoles affligeantes du Néant, euh, pardon, du... Net !
Pour mieux nous en convaincre, la "petite ville" présente sur scène, se lance pied au plancher en une version soutenue, tendue de désir et envie, du récent Education ; morceau nanti, une nouvelle fois, d'un enthousiasmant numéro mené sur peaux par Anthony Almonte aux percus (soutenu par les baguettes agiles, de Rich Mercurio) déjà repéré sur scène aux côtés de Kid Creole et qui aura joué avec quelques "menues" pointures, genre Mc Cartney ou... Bruce Springsteen ! Comme quoi, une fois n'est pas coutume, il est prouvé qu'il est possible de s'amuser tout en s'éduquant et en faisant partie de cette planétaire lutte (perdue d'avance ?) contre la déscolarisation, l'absence de (capacité de) réflexion, le refus de l'analphabétisme ou celui de l'information (la désinformation ?) "subie", manipulée de longue par les sphères dirigeantes, lobbies et puissants de ce monde : on "paie pouvoir", puisque l'on est à deux pas du Casino...
Morceau emballé d'un magnifique solo de sax, logique, puisque l'emblématique duo, formé de Ed Manion et Stan Harrison, aura été depuis toujours au soutien du trio "Southside/Little/Bruce".
Engagement
Depuis toujours engagé, politiquement parlant - il se sera par ailleurs déchaîné aux côtés de (ou contre l'avis de certains de) ses fans sur le Net à propos du futur Brexit (réel ou passé, proche ou... pas !) au cours de sa récente Britannique tournée - il semble porter la paternité (ou éveil) de l'engagement (en la "protest" matière) de son meilleur pote Bruce, se sera toujours exprimé sur les sujets politiques, en lien avec les Etats-Unis (et le vaste monde), aura milité contre le nucléaire, l'apartheid (Les Artistes Unis Contre l'Apartheid), les diverses guerres pétrolières, l'annexion puis l'appropriation de terres riches par les grandes puissances, les massacres ou tueries de "masse" en son "beau et libre" pays, et... etc. etc. Depuis toujours, on vous dit, depuis toujours, tou-jours.
Aussi, il est plutôt logique de le voir revenir sur LA notion de "Patriotisme" ; la "façon dont on se doit de l'aborder !" ; les "choix qui en découlent" ; qu'il "n'appartient en aucun cas à un parti déterminé, quel qu'il soit, à une unique frange de sa population, d'en revendiquer l'unique paternité !". Point du tout, nope. No way, baby : "Lorsque j'ai écrit cette chanson, il y longtemps (à l'époque du "pas regretté" Ronald Reagan), je ne pensais pas, à l'époque, que cela pourrait être pire, que nous pourrions élire pire... mais, si, hélas, si, nous avons eu pire !".
"Je suis un patriote / parce que j'aime mon pays / parce que mon pays, c'est tout ce que je connais... / Je veux y vivre aux côtés de ma famille / De gens capables de me comprendre / Je n'ai nul besoin d'aller voir ailleurs... Je ne suis pas communiste / Ne suis pas capitaliste / Ne suis pas socialiste / / Ne suis pas impérialiste / Ne suis pas Démocrate / Ne suis pas Républicain / Ne connais qu'un seul parti, celui de la liberté / Je suis un patriote !". Ou quand, obscurantisme et protectionnisme, riment avec... DonaldTrumpisme ? Une version de, I Am A Patriot, envoyée avec une rare conviction, musicalement "béton" et qui tombe sous le sens, aujourd'hui, en cette laide période de "repli sur soi", de haine de l'autre (ce différent), de nationalisme exacerbé et de fermeture des frontières option MUR(s) de démarcation...
Arbre Généalogique
Au sein du grand arbre généalogique de la Soul (du Rhythm'n'Blues, du Jazz, du Rock...) il est une branche importante que l'on se doit de ne surtout pas négliger, minimiser ou dédaigner, celle des choristes : formées la plupart du temps de trio féminin, mais pas que ; qui, lorsqu'elles ne sont pas carrément aux commandes du "truc", sont a minima au soutien de la voix "lead", la complètent et l'assurent, façon "filet". Lorsque notre homme revient d'envie vers les grands pionniers de la musique de la toute fin des années '50 et du début des années '60, revenant sur le rôle de la femme dans la société d'alors, de la façon dont celui-ci aura petit à petit évolué puis gagné sa place grâce à l'omniprésence de nombreux trio vocaux - nommés "The" Chiffons, Shangri-Las, Ronettes, Vandellas, Cookies, Shirelles, Marvelettes, Velvelettes, Crystals, Sweet Inspirations, Dixie Cup ou Honeys, entre autres bijoux du genre... - il a beau se lancer dans un A World Of Our Own, bourré de clichés musicaux et autres gimmicks "Spectoriens" reconnaissables à des miles à la ronde, "ça" fonctionne à donf, agite les "présents", leur colle des fourmis aux "papattes".
Dignes héritières de cette longue lignée, le trio formé de Jessica Wagner, Sara Devine et Tania Jones, fascine, entraîne et focalise à la fois (du regard). Trois chevelures d'"Afro" sur tenues de lumière, qui, hormis deux courtes pauses, n'auront jamais cessé de chanter, bouger, onduler, sauter, accompagner de maracas, jouer avec le public et animer LEUR côté de scène, jusqu'à parfois faire disparaître l'"autre", en partie ou totalité. Trois bâtons de dynamite en mode Ikettes d'antan, qui auront beaucoup uvré à faire finalement se lever l'ensemble du public, qui finira le show collé à la scène, en sueur et au "contact" des musiciens : pour un Sun City habité, un Forever revisité, un Soul Power Twist festif et contagieux qui n'en finira pas de repartir de l'avant, break après break, après break, après... break ! Avant cet "assaut final", magique et beau à la fois, morceau phare du dernier album, déclaration d'amour ultime, Summer Of Sorcery aura touché au plus profond des êtres présents et rappelé à toutes et tous, que l'homme "bandana" aux tenues chamarrées, a beau être souvent taxé de "lieutenant du Boss", il reste avant toute chose un songwriter de haute volée, un musicien hors-pair, une légende du genre New Jersey, à part entière...
Retour Vers Le Futur...
"Tous mes sens sont en éveil / J'entends de nouveau l'écho de ce jukebox, sur ce sol humide / À l'occasion de ce camp d'été, il y a si longtemps / Redeviens un enfant à nouveau... / Je veux être ta fin heureuse / Tout recommencer depuis le début / Ressentir les mêmes douleurs que toi / Danser sous la pluie avec-toi / Planer avec-toi... / Je veux atteindre le ciel avec-toi / Voler en ta compagnie / Mourir à tes côtés / Je veux me perdre en ton festival d'infinies possibilités / Je veux me sentir transformé par ton été de sorcellerie / Je veux me perdre dans ta forêt d'éternité / En ta galaxie d'humilité / En la noblesse de ton ballet / En ton printemps de fertilité / En ton automne de prospérité / En ton hiver de philanthropie / En ton été de sorcellerie / Nous marcherons tous deux sur la promenade / À jamais et à jamais / En ton été de sorcellerie..." (Summer Of Sorcery).
Dans la grande tradition des ensemble "Soul", ils ne sont pas moins de quatorze, présents ce soir afin que d'épauler leur "Little Boss" : avec cuivres à tire-larigot, trio de choristes en folie capables d'affoler puis tournebouler le "dedans" des mâles présents, percussions au taquet et duo de claviers.
L'entrée sur scène, elle, sera menée en mode Nouvelle-Orléans, avec groupe qui joue la partie d'intro instrumentale de Communion tandis que les "girls" en font le tour, porteuses de parasols colorés, bientôt suivies par la section de cuivre au grand complet, avant que le mythique porteur de bandana ne se décide à les rejoindre, rigolard, pour y afficher ses fameuses DEUX moues qui l'auront rendu célèbre au cinéma (entre Soprano et Lilyhammer) afin que de tout emporter avec ses musiciens et faire en sorte que les sièges de l'Opéra Garnier ne deviennent de fait de réels objets (inutiles) à frustration, face à cette belle et chaude célébration...
Après avoir pris un premier solo trituré de notes mélodieuses, le guitariste - peu impliqué à ce niveau au sein du E Street Band en raison de la présence de la six-cordes enflammée du gars Bruce et de l'incroyable Nils Lofgren - qui semble apprécier de pouvoir mieux s'exprimer ici, en cette matière, guide le groupe en mode chef d'orchestre, l'accompagne du geste au niveau des nombreux et impressionnants "Breaks", des incessants changements de rythmes. On sent que ce groupe, perpétuellement sur la brèche, depuis 2016, entre studio et Live, est plus qu'au point et sur-domine son musical sujet ; impression confirmée dès l'arrivée de Camouflage Of Righteousness : extrait du très rêche et furieux Born Again Savage, enregistré au cours du siècle dernier (1999) aux côtés de Adam Clayton (U2/Basse) et Jason Bonham (Page & Plant, Led Zeppelin/Batterie) ; album difficile à trouver (ou hors de prix) qui devrait en novembre prochain enfin bénéficier d'une réédition, ainsi que la totalité du Vand Zandt catalogue enregistré en solo.
Devoir de Mémoire
Comment ne pas y souscrire, lorsque l'on joue dans un tel cadre ? L'Opéra Garnier fait partie de ces lieux enchanteurs, qui en imposent, nous font nous souvenir de périodes lointaines, oubliées, d'accomplissements passés, de modes de vie différents, de règles (en partie) obsolètes ou strictes, de soumission à des ordres, également : le tout renvoyant à des événements qui auront fait l'histoire, notre histoire, l'auront définitivement marqué ; il est donc, somme toute logique, que la totalité des membres du groupe, au fur et à mesure et dans la foulée de son leader, se lance dans une "explication de texte" précise, concernant le pourquoi du comment de leur venue en ces beaux murs (aux plafonds bluffant), et de leur existence même en tant que Disciples Of Soul : "... faire de ce moment hors du temps, une enclave, face aux horreurs et à la violence du monde, face à la déshumanisation constante de l'autre... vanter une communion d'avec les éléments, la nature, vanter l'amour de l'autre, amener une rédemption, par la magie même, de la musique... proposer un voyage, durant lequel, passé, présent et futur seront réunis en un même espace temps ! Un véritable manifeste, que cette tournée Summer Of Sorcery (album très abouti, par ailleurs : varié, solide et mélodieux, sorti en mai dernier) ... nous espérons que vous saurez goûter à ce voyage, mené en notre compagnie...". Le tout, avant que de se lancer à l'assaut de Loved Again : extrait du susmentionné album, qui fonctionne immédiatement en mode "catalyseur de joie responsable de nombreux sourires niais soudain affichés". Un moment en apesanteur, effectivement hors du temps et du réel, loin des nombreux soucis et drames nés de ce bas-monde, gris du devenir, "grillé" ou "fondant", en sursis...
Origines
Ramené à la vie, alors qu'il était au creux de la vague (et aura carrément galéré durant la toute fin des années 80 et début 90) par son émission de radio "Underground Garage" et la série Les Soprano - logique pour un Italien d'origine, non pas de faire partie de la Mafia, mais d'entrer facilement dans la peau d'un personnage lié à cette emblématique pieuvre - il nous aura semblé se sentir particulièrement à l'aise, ce samedi soir, à quelques coudées à peine de la fameuse péninsule "berceau" et l'aura prouvé en interprétant magnifiquement des morceaux, tels Bitter Fruit, Superfly Terraplane, ou Vortex : un tourbillon de vie, de notes, de frappes sèches, de fureur et envie d'en découdre face à un public pourtant prisonnier de ses sièges, qui aura laissé pantois...
Racines
Un rien plus tôt, bien décidé à "rendre" à ceux qui lui auront donné, il nous aura parlé de sa passion pour les groupes dits "Garage" obscurs (ou pas) des années '60, puis présenté au public son clavier Lowell "Banana" Levinger, qui se partage les "ivoires" du soir avec l'emplumé Andy Burton. Autrefois membre fondateur des mythique Youngbloods - qu'il nous aura poussé à aller découvrir, à acheter leurs disques - celui-ci aura semblé à la fois ravi et un brin gêné par l'hommage, avant que de se lancer dans l'intro de l'un des standards du groupe d'antan : On Sir Francis Drake ! Morceau logiquement suivi de I Visit The Blues, afin que de se plonger sans retenue vers les racines du genre, LE point de départ de toute cette musicale histoire, cette fois soutenu au mieux par la guitare de Marc Ribler, qui codirige le groupe à son côté...
Frères de Sang
Lorsque Little Steven Van Zandt s'avance d'un pas décidé vers le micro, afin que d'annoncer un prochain hommage dédié aux frères "soul" de toujours, il se fend sans retenue d'un beau sourire empreint de réelle émotion ; aussi, les trois chansons à venir seront entièrement dédiées à Southside Johnny, le frère du New Jersey qu'il remercie "d'avoir alors fait vivre ma musique, pendant près de quarante cinq années !" avant que de rendre un hommage vibrant aux grands auteurs-compositeurs des débuts, tels : Jerry Leiber et Mike Stoller, Carole King et Gerry Goffin, Doc Pomus et Mort Schuman, ou les productions du génial timbré en chef Phil Spector ; non sans omettre de citer l'autre frère de sang Bruce Springsteen : "que je remercie pour avoir pris du temps libre, et surtout de ne pas "tourner" actuellement...". Se remémorant la joie qu'il aura eu d'avoir pu enregistrer avec The Drifters (The Coasters et The Satins) sur l'album de Southside Johnny nommé This Time Is For Real - produit par ses soins et pour lequel il aura écrit ou co-écrit, huit des dix titres, en la lointaine 1977 - il cite Ben E King et les frères de la Soul, un "retour en pensées et émotions, vers les belles années 1963/1964 !", avant que d'entamer une magnifique trilogie qui démarre sous l'égide de Disciples De La Soul concentrés, collant au mieux à la version originelle de Little Girl So Fine. Une version qui fait illico hérisser nos poils de dévots à nous : portée par une voix sous engeance Southside/Bruce, qui nous rappelle que son co-auteur, Bruce Springsteen - l'homme qui vient de se fendre d'un disque, un rien mou du sabot et déstabilisant, orné d'un cheval qui se cabre, en guise de pochette - ferait bien de se rappeler qu'il possède également une voix et une énergie SOUL, hors-normes, et qu'il serait temps qu'il rende lui aussi hommage sur bandes à cette musique qui fait intégralement partie de son patrimoine génétique...
Tandis que "Little" vocalise de concentration et âme, je revois soudain passer devant mes yeux, les fantômes des regrettés Sam Cooke, James Carr, Clyde McPhatter, Ben E King, ou bien encore, plus récemment, du grand Willy Deville plongeant au plus profond du profond de Key To My Heart, posté, à genoux, à quelques décimètres de nos yeux embués, sur le devant de la scène de l'Olympia, avant que d'emballer le tout à l'aide de l'imparable Stand By Me... Magique, beau et accompli, à la fois !
Durant Trapped Again, difficile de ne pas s'attarder sur le jeu précis et dense de Jack Delay : bassiste élevé dans la grande tradition du genre à "quatre cordes", qui bouge ou se déplace rarement, à peine un pas de côté (à peine) pour ne pas être piétiné par les "cuivres" ou les "girls" (soit) mais qui envoie sévère et jamais ne s'économise. Durant, Love On The Wrong Side Of Town, la voix "lead" a beau piocher un rien ou peiner (n'est pas Southside, qui veut...), elle bénéficie fort heureusement de celles du trio féminin posté au soutien juste derrière. Une version enjouée, dynamique et fort aboutie, qui bénéficie également d'un beau solo de sax aux "normes", vu que le gars qui s'époumone à deux pas vient en droite ligne de la section de cuivres originelle de Southside Johnny ! Même près de quarante années plus loin, dès qu'on le peut, on reste uni et on travaille ici forcément en "famille" : côté ténor, cette fois, pas Soprano !
Communauté
Lorsqu'il se pose un moment, demande s'il y a des "profs" dans la salle, puis les remercie de : "vous tenir constamment en première ligne pour y mener un combat pour l'avenir, contre l'ignorance...", lui qui est engagé depuis longtemps dans cette lutte et qui soutien l'organisation Teachrock (https://www.littlesteven.com/teachrock) on se prend légitimement à rêver que notre société remette sciemment et pour de bon la (soif de) culture, l'apprentissage de la musique, l'envie de connaissance, le goût des arts, au centre de la communauté de vie, au cur de la société, en tant que valeur fondatrice et vertu de ralliement. Alors, adieu, vide téléréalité, jeux consternants destructeurs de neurones, retransmissions perpétuelles de match de foot (et autres sports), suivis quasi quotidiens de grands-prix et rallyes annihilateurs de couche d'ozone, débats pseudo-politiques bâtis sur rhétorique du pire et non écoute de l'autre (de tous les autres), déroulements de tapis épais étendus sous les pieds "augustes" de stars du petit écran, d'acteurs du moment, d'idoles affligeantes du Néant, euh, pardon, du... Net !
Pour mieux nous en convaincre, la "petite ville" présente sur scène, se lance pied au plancher en une version soutenue, tendue de désir et envie, du récent Education ; morceau nanti, une nouvelle fois, d'un enthousiasmant numéro mené sur peaux par Anthony Almonte aux percus (soutenu par les baguettes agiles, de Rich Mercurio) déjà repéré sur scène aux côtés de Kid Creole et qui aura joué avec quelques "menues" pointures, genre Mc Cartney ou... Bruce Springsteen ! Comme quoi, une fois n'est pas coutume, il est prouvé qu'il est possible de s'amuser tout en s'éduquant et en faisant partie de cette planétaire lutte (perdue d'avance ?) contre la déscolarisation, l'absence de (capacité de) réflexion, le refus de l'analphabétisme ou celui de l'information (la désinformation ?) "subie", manipulée de longue par les sphères dirigeantes, lobbies et puissants de ce monde : on "paie pouvoir", puisque l'on est à deux pas du Casino...
Morceau emballé d'un magnifique solo de sax, logique, puisque l'emblématique duo, formé de Ed Manion et Stan Harrison, aura été depuis toujours au soutien du trio "Southside/Little/Bruce".
Engagement
Depuis toujours engagé, politiquement parlant - il se sera par ailleurs déchaîné aux côtés de (ou contre l'avis de certains de) ses fans sur le Net à propos du futur Brexit (réel ou passé, proche ou... pas !) au cours de sa récente Britannique tournée - il semble porter la paternité (ou éveil) de l'engagement (en la "protest" matière) de son meilleur pote Bruce, se sera toujours exprimé sur les sujets politiques, en lien avec les Etats-Unis (et le vaste monde), aura milité contre le nucléaire, l'apartheid (Les Artistes Unis Contre l'Apartheid), les diverses guerres pétrolières, l'annexion puis l'appropriation de terres riches par les grandes puissances, les massacres ou tueries de "masse" en son "beau et libre" pays, et... etc. etc. Depuis toujours, on vous dit, depuis toujours, tou-jours.
Aussi, il est plutôt logique de le voir revenir sur LA notion de "Patriotisme" ; la "façon dont on se doit de l'aborder !" ; les "choix qui en découlent" ; qu'il "n'appartient en aucun cas à un parti déterminé, quel qu'il soit, à une unique frange de sa population, d'en revendiquer l'unique paternité !". Point du tout, nope. No way, baby : "Lorsque j'ai écrit cette chanson, il y longtemps (à l'époque du "pas regretté" Ronald Reagan), je ne pensais pas, à l'époque, que cela pourrait être pire, que nous pourrions élire pire... mais, si, hélas, si, nous avons eu pire !".
"Je suis un patriote / parce que j'aime mon pays / parce que mon pays, c'est tout ce que je connais... / Je veux y vivre aux côtés de ma famille / De gens capables de me comprendre / Je n'ai nul besoin d'aller voir ailleurs... Je ne suis pas communiste / Ne suis pas capitaliste / Ne suis pas socialiste / / Ne suis pas impérialiste / Ne suis pas Démocrate / Ne suis pas Républicain / Ne connais qu'un seul parti, celui de la liberté / Je suis un patriote !". Ou quand, obscurantisme et protectionnisme, riment avec... DonaldTrumpisme ? Une version de, I Am A Patriot, envoyée avec une rare conviction, musicalement "béton" et qui tombe sous le sens, aujourd'hui, en cette laide période de "repli sur soi", de haine de l'autre (ce différent), de nationalisme exacerbé et de fermeture des frontières option MUR(s) de démarcation...
Arbre Généalogique
Au sein du grand arbre généalogique de la Soul (du Rhythm'n'Blues, du Jazz, du Rock...) il est une branche importante que l'on se doit de ne surtout pas négliger, minimiser ou dédaigner, celle des choristes : formées la plupart du temps de trio féminin, mais pas que ; qui, lorsqu'elles ne sont pas carrément aux commandes du "truc", sont a minima au soutien de la voix "lead", la complètent et l'assurent, façon "filet". Lorsque notre homme revient d'envie vers les grands pionniers de la musique de la toute fin des années '50 et du début des années '60, revenant sur le rôle de la femme dans la société d'alors, de la façon dont celui-ci aura petit à petit évolué puis gagné sa place grâce à l'omniprésence de nombreux trio vocaux - nommés "The" Chiffons, Shangri-Las, Ronettes, Vandellas, Cookies, Shirelles, Marvelettes, Velvelettes, Crystals, Sweet Inspirations, Dixie Cup ou Honeys, entre autres bijoux du genre... - il a beau se lancer dans un A World Of Our Own, bourré de clichés musicaux et autres gimmicks "Spectoriens" reconnaissables à des miles à la ronde, "ça" fonctionne à donf, agite les "présents", leur colle des fourmis aux "papattes".
Dignes héritières de cette longue lignée, le trio formé de Jessica Wagner, Sara Devine et Tania Jones, fascine, entraîne et focalise à la fois (du regard). Trois chevelures d'"Afro" sur tenues de lumière, qui, hormis deux courtes pauses, n'auront jamais cessé de chanter, bouger, onduler, sauter, accompagner de maracas, jouer avec le public et animer LEUR côté de scène, jusqu'à parfois faire disparaître l'"autre", en partie ou totalité. Trois bâtons de dynamite en mode Ikettes d'antan, qui auront beaucoup uvré à faire finalement se lever l'ensemble du public, qui finira le show collé à la scène, en sueur et au "contact" des musiciens : pour un Sun City habité, un Forever revisité, un Soul Power Twist festif et contagieux qui n'en finira pas de repartir de l'avant, break après break, après break, après... break ! Avant cet "assaut final", magique et beau à la fois, morceau phare du dernier album, déclaration d'amour ultime, Summer Of Sorcery aura touché au plus profond des êtres présents et rappelé à toutes et tous, que l'homme "bandana" aux tenues chamarrées, a beau être souvent taxé de "lieutenant du Boss", il reste avant toute chose un songwriter de haute volée, un musicien hors-pair, une légende du genre New Jersey, à part entière...
Retour Vers Le Futur...
"Tous mes sens sont en éveil / J'entends de nouveau l'écho de ce jukebox, sur ce sol humide / À l'occasion de ce camp d'été, il y a si longtemps / Redeviens un enfant à nouveau... / Je veux être ta fin heureuse / Tout recommencer depuis le début / Ressentir les mêmes douleurs que toi / Danser sous la pluie avec-toi / Planer avec-toi... / Je veux atteindre le ciel avec-toi / Voler en ta compagnie / Mourir à tes côtés / Je veux me perdre en ton festival d'infinies possibilités / Je veux me sentir transformé par ton été de sorcellerie / Je veux me perdre dans ta forêt d'éternité / En ta galaxie d'humilité / En la noblesse de ton ballet / En ton printemps de fertilité / En ton automne de prospérité / En ton hiver de philanthropie / En ton été de sorcellerie / Nous marcherons tous deux sur la promenade / À jamais et à jamais / En ton été de sorcellerie..." (Summer Of Sorcery).
Critique écrite le 14 septembre 2019 par Jacques 2 Chabannes
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