Chronique de Concert
Low + Ray Lamontagne (Printemps de Bourges 2005)
Juste avant la sobre et réussie prestation scénique de Ray Lamontagne, le trio américain Low a offert un concert incroyablement beau au nombreux et attentif public de la soute, une salle intimiste de 300 places ; peut-être même LE concert de ce Printemps de Bourges 2005 (avec ceux de The National et Herman Düne).
Low : une chaotique grand messe.
Assister à une prestation de Low s'apparente presque à une expérience religieuse ; dès le début de la chaotique "grand messe", on se retrouve enfermé (de son plein gré) dans une cathédrale sonore tantôt country folk (voire gospel soul) tantôt post rock distordu. Certains parlent même de slow core à propos de cette musique... La finesse avec laquelle chaque musicien et vocaliste joue les parties qui lui sont dévolues est tout simplement hallucinante. Le chanteur/guitariste Alan Sparhawk interprète les morceaux sur le fil du rasoir avec une voix semblant sortie d'un vieux disque de country, son jeu de guitare passe de rythmiques effleurées du bout des doigts, d'arpèges discrets à de violents accès de fièvre sonique où le son de la distorsion est tout simplement magique. Sa femme, la batteuse/chanteuse Mimi Parker joue debout (ce qui n'est sans doute pas un détail pour vous, son jeu minimaliste et original rappelant celui de Moe Tucker du Velvet Underground), sa voix est tout simplement bouleversante ; quand les deux amoureux chantent en duo, on hésite à fondre en larmes devant tant de classe. Dans son coin, complément possédé par sa musique, le bassiste/guitariste Zak Sally extirpe des sons précis et rêches de ses instruments.
Les morceaux - tous admirablement bien écrits - sont un véritable catalogue de ce qui se fait de mieux en musique américaine : titres de rock contemplatifs aux textes inquiétants, morceaux folk convoquant les fantômes des meilleurs songwriters US, ballades ombrageuses se terminant en embardées guitaristiques d'une violence inouïe... Tout est d'une qualité quasi irréelle. Et pourtant, le chanteur mormon dont le regard est traversé par de terrifiants éclairs (on pense à Robert Mitchum dans La Nuit du chasseur) semble perpétuellement insatisfait et inquiet à propos de la qualité de la prestation de Low ; on le rassure tout de suite, c'est un des meilleurs concerts auquel il nous a été donné d'assister cette année... Chez Low, les ambiances sont crépusculaires, voire carrément apocalyptiques... et cela procure un sentiment de bien être total, c'est grave docteur ?
Ray Lamontagne : un concert aussi épuré que poignant.
A peine le temps de se remettre de ses émotions (extraordinairement fortes !), que Ray Lamontagne arrive sur scène... pour accorder longuement sa guitare et provoquer un ignoble larsen. Aïe ! Le charme du concert de Low est bel et bien rompu, jusqu'à ce que le songwriter américain se lance en solo dans un morceau à la guitare folk avec sa voix voilée de soul/blues man. Les compositions sont très belles, assez arides, totalement épurées ; l'interprétation est, quant à elle, impeccable et habitée... Il manque seulement un petit quelque chose pour faire décoller le concert, très apprécié pas les fans qui accueillent chaque morceau avec un enthousiasme juvénile. Les très poignantes premières notes d'harmonica à la Neil Young/Bob Dylan font office de déclic : avec son folk/blues sobre, Ray Lamontagne s'y entend vraiment pour plonger son auditoire dans un délicieux état de recueillement. Quelques instants plus tard, l'arrivée d'une contrebassiste au toucher langoureux et d'un batteur superbement discret permet une agréable variation dans les ambiances, néanmoins toujours calmes et mélancoliques. Une fois de plus, preuve est faite qu'avec relativement peu de moyens (un chanteur guitariste harmoniciste, un contrebassiste, un batteur), on peut tenir en haleine un public, pour peu qu'on sache écrire. Ce qui est le cas de Ray Lamontagne... Son début de succès sur le continent américain, devrait lui permettre de poursuivre sa carrière brillamment. C'est tout le mal qu'on lui souhaite.
A lire également sur le Printemps de Bourges 2005 : les chroniques des concerts de The National + Herman Düne, Interpol + Bloc Party + Gomm, The Craftmen Club, Nancy Sinatra + Alexandra Roos et Marianne Faithfull + Françoiz Breut...
Sites Internet : www.chairkickers.com, www.raylamontagne.com, www.printemps-bourges.com.
Photos : Flore-Anne Roth
Critique écrite le 27 avril 2005 par Pierre Andrieu
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