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Chronique de Concert

Low

Low en concert

Le Divan du Monde, Paris 2 novembre 2015

Critique écrite le par




Paris, 2/XI'15...

Montmartre, le Divan du Monde, extérieur jour, 17 heures environ. Passagère improbable, je m'approche près des portes, et m'autorise ce moment confidentiel, un rayon de soleil automnal qui s'échappe, la voix de Mimi Parker chargée d'un été indien avec ses onomatopées sur "What Part of me" qui se marie harmonieusement avec l'allure câline du jour.

Montmartre, le Divan du Monde, 19h30 et des minutes plus loin, intérieur nuit, une scène théâtrale, un quartier de lune éclairé d'une pléthore de présences impatientes à l'occasion de la tournée mondiale du 11ème album "Ones and Sixes" du groupe venu de Duluth (Minnesota), toujours vivement attendu et toujours des plus surprenants, Low.

Cela commence comme une chevauchée, une lente progression du rythme, quelques mesures de guitare électrique, puis de tambour, et un son qui monte, crescendo... Une résonance comme un battement de cœur, le nôtre. Alan Sparwak interpelle... Inspection : "Gentle, middle, quiet, narrow"... La chasse est ouverte... "Careful, measure, tortured, stable"... Introspection : "It doesn't have to end this way"... Le son électrique nous fige dans cet état, nous pousse dans nos retranchements, hypnose du questionnement... Un deuxième couplet, l'interpellation reprend... nous voilà happés... La voix cristalline de Mimi s'interpose, coupe, nous prend à part comme pour nous protéger et nous permettre de fuir, de nous éloigner avec elle, de suivre sa voix... qui s'évanouit elle-même, et nous abandonne avant les dernières notes de guitare...

S'ensuit alors, dans un ordre logique (2ème titre de l'album), de ton (1er titre écrit et qui donnera l'impulsion des suivants), et émotionnel (entendu cet été lors d'une journée de juillet étouffante - accablante -), "No Comprende" une histoire qui s'écrit et qui s'inscrit. Ce titre entreprend la suite du voyage intérieur, un interrogatoire sur nos errances et nos failles "You know we should have seen it comin, could'nt wait till it crossed that line", et qui se poursuit en nous privant de toute traversée possible, prisonnier "Your hands were tied"...

La mailloche cinglante accompagne la voix céleste de Mimi pour annoncer, comme une sentence, "On fire"... Me résonne alors ces mots intimes de Shakespeare "Où va le blanc quand la neige a fondu ?"...

"On fire"...

"Nulle part"... aurais-je envie de répondre : une pochette d'album cendrée, un arbre effilé, comme brûlé, dont il ne reste que peu de traces de blanc, presque imperceptibles... "Monkey", "The innocents", "On my Own", "Holly Ghost" et puis "Spanish Translation" qui nous parle de confusion, de rivière, de poussière, d'effondrement, de respiration, de souffle, de sang, aussi poétiquement que l'interprétation musicale est sobre et maîtrisée, juste et efficace... "Lies", qui suivra, manquera peut-être de cette attitude et sera sur scène la plus distante de l'album lors de son écoute.

Succède un morceau inattendu "Pissing". Inattendu parce qu'il est un titre de ce vinyle que je possède "The Great Destroyer", et aussi parce que je ne l'ai pas reconnu tout de suite, l'interprétation étant tellement puissante. Elle signera pour moi le moment le plus intense de ce concert, le plus violent aussi avec des paroles qui giflent et un jeu musical qui cingle. Cela commence comme un monologue intérieur, un regard sur soi, où l'on voit, où l'on entend, où l'on est à l'affût, au bord du grabuge, "I can't see" et puis "I know" comme une certitude... et une envolée de notes électriques qui font cri, et s'éternise tel un tourbillon hypnotique... "Lovers sleep alone"... un gouffre qui se creuse... "Alone"... qui se ferme... et se verrouille brutalement.



"DJ", suivi de "What Part Of Me" interroge encore sur notre personne et notre face cachée, ou plutôt celle enfouie qu'on tente d'oublier, ne pas dévoiler. Une ballade essaimée des chœurs de Mimi qui amènent un peu plus de douceur, une promenade automnale comme cette nuit de lundi 2 novembre 2015 avant de nous ramener à l'hiver avec cette nouvelle incursion hors-album "Will the night" ... "forever"... un chant de Noël, une liturgie.... Cette fois la voix d'Alan nous appelle, avec clémence. La douleur est aseptisée, se projette ailleurs... nous avec... de l'autre côté (the other side). On glisse progressivement, avec dans nos mains ce bouquet de fleurs pas encore fanées de l'album "Secret Name".

"Landslide" sera le dernier morceau tout en tension de "Ones and Sixes". Une dernière confrontation, un dernier sursaut. Purgatoire, enfer nous assène t-il ? Des mots solennels isolés, et d'autres qui suivent plus rythmés, une instrumentalisation caverneuse qui nous traîne, nous pousse dans le trou... et enfin Landslide.... La chevauchée s'achève. Apaisement, rédemption ? Un titre de plus de 10 minutes et près de 6 minutes de murmures soufflés par Mimi qui nous bercent, nous tranquillisent... un pardon... "Ones and Sixes".

Le retour réclamé par le public sera sobre et permettra de partager "Words" (affection particulière pour cette lullaby extraite de l'album "I could live in hope") et "When I go deaf" avec le songwritter Mike Noga, et son acolyte pour la guitare, qui auront le privilège de faire l'ouverture et le final de cette soirée concert.

Avec "Ones and Sixes", le duo Alan Sparwak (guitare-chant) - Mimi Parker (batterie-chant), rejoint par Steve Garrington (basse), signe certainement l'un de ses meilleurs albums, un genre toujours marqué par les interrogations humaines et personnelles, mais renouvelé par l'influence des nouvelles musiques et parsemé de fioritures électroniques, de guitare caverneuse et de basses massives. Ce 11ème album (le 5ème chez Subpop) est bouleversant, d'une veine plus agressive, où méditation et confusion se mêlent. Puissance et douceur, tristesse et beauté, douleurs et merveilles, un monde manichéen qui nous prouve que parfois chacun de nous peut trouver un compromis, où tout n'est plus ni noir ni blanc, mais gris, une nuance, une aspérité entre excès et dépression.

Après... "Que dire ?"...
Une rencontre inattendue, des mots échangés avec Alan, "Christmas" dédicacé par le couple pour la future fête de fin d'année, une anecdote évoquée au sujet d'un cadeau fait à un ami il y a près de 20 ans et l'envie terrible de leur offrir quelque chose de chez nous. Pas la Tour Eiffel comme ici à Paris (allusion d'Alan pendant le concert sur sa journée en France), non un vrai quelque chose de chez nous... Alors peut-être bientôt... comme une promesse.






Setlist :

"Gentle" / "No Comprende" / "Monkey" / "The Innocents" / "On my Own" / "Holly Ghost" / "Spanish Translation" / "Lies" / "Pissing" / "DJ" / "What Part Of Me" / "Will the Night" / "Landslide" / "Words" / "When I go deaf".

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