Chronique de Concert
Luc Arbogast
Pour son plus grand bonheur, ouverture du rideau sur le noir le plus complet... Suspens, suspens. L'épaisse fumée qui se dissipe un peu nous laisse découvrir une bassiste, un batteur et un guitariste ... Entrée très théâtrale de notre ménestrel peu ordinaire, en grand manteau noir, bottes de cuir et armé de son bouzouki. Mais au final, un décor plus que sobre (le rideau n'avait sans doute pour raison que de maintenir les fumigènes en vase clos). Une jeune femme en robe d'inspiration moyenâgeuse et avec une flûte traversière vient alors les rejoindre. La musique commence dans une ambiance quasi religieuse. Lui seul joue ce premier morceau, dont il fait bien sûr les deux voix, l'une très haute et l'autre diamétralement opposée. Cette savante alchimie étant largement à la hauteur de mes espérances : Une vrai et incroyable performance vocale.
Le baladin doux-dingue nous salue et lance l'ouverture du bal. Joli jeu de lumières et de fumée. Ça pète d'un coup, avec le festif apporté par la flûte traversière en plus. La musique nous entraîne bien sûr, mais la scénographie est tout de même assez statique. On nous fait frapper dans nos mains et on participe de bonne grâce ... Mais pour moi, ce n'est pas une salle comme ça qu'il aurait fallu, parce que la seule chose dont on a envie, c'est de délirer et de danser. Pas de rester assis et coincés dans nos fauteuils (aussi confortables soient-ils !)
Il nous remercie avec la plus grosse voix dont il soit capable, adresse même des compliments à l'intention de Marseille et annonce la suivante " Avé l'accent " ;) Puis on repart pour ce que j'appellerai du Celte-Moyenâgeux. C'est indéniablement entraînant et définitivement dommage que nous soyons condamnés à rester assis.
Petite séance de strip-tease dûment orchestrée, suivie d'une vrai-fausse interview en anglais, puis en allemand. Et c'est parti pour une ambiance bon enfant et surtout pas mal d'éclats de rire, qui vont nous tenir dans la bonne humeur jusqu'à la fin du Set ! " Bon, on va chanter un morceau long, très difficile et très ennuyeux ... Ça vous va ?!? " Nous partons donc pour une petite séance de sorcellerie en Alsace (qui en est son berceau sic notre Maître de Cérémonie), à danser la bourré à deux temps. Ok. Pourquoi pas. Ça vaut la peine d'essayer ! Mais la bourrée, on a pas la place de la danser (dommage). Par contre, nos pieds frappent vaillamment le sol ! Sincèrement, et je n'aurais pas forcément parié là-dessus au départ, il met le feu au Silo, jouant avec délectation de sa tessiture peu banale. On s'amuse. On se détend. Et on a même droit à une série de poses pour les photos (type José Garcia qui nous ferait Cindy Crawford), avec virage à 360° sur la chanson de Balou (oui, oui, celui du Livre de la Jungle !) ... Juste pour nous aussi nous rendre tous heureux :) Enfin, vous l'aurez compris : C'est un véritable numéro de comique entre chaque morceaux, devant un public totalement mort de rire.
Mais revenons aux choses sérieuses, avec un hommage aux grands compositeurs de talent qui ont traversé toutes les époques. C'est très beau et sincèrement, sur de la grande musique ainsi arrangée, je lui trouve une très belle dimension à notre Fou du Roi. Mais encore une fois, ce qui pèche un peu, c'est un cruel manque de mise en scène, ou de beaux jeux de lumières sur le rideau de fond ... Bref quelque chose de plus pour captiver nos regards.
Il choisit de rester seul en milieu de Set, ce qui lui donne l'occasion de nous jouer la Diva anglo-saxonne (Ce mec n'arrête jamais ... Ils n'ont pas dû s'ennuyer pendant les tournages de The Voice !) " Je ne suis pas seulement venu chanter avec une voix de fille ... Mais aussi pour vous raconter des choses " (et c'est ce qu'il fait vaillamment depuis 18 ans, bien avant de participer à ce fameux télé-crochet). Cant Del Matin est l'une de ces histoires. Un chant espagnol, contant les amours malheureuses d'une demoiselle à qui un rossignol (messager entre le ciel et la terre ... Oui, oui, j'ai bien écouté ma leçon) vient annoncer la mort de son amant. C'est une belle ritournelle, qui ne sonne pas si triste au final. " Voilà, je chantait ça dans la rue. Ça m'arrive encore parfois ;) ... "
Au programme il y a aussi le vieux français de François Villon, qui nous apprend que lorsqu'on aime, on arrive plus à chanter. " Un texte sensible, pour vous mesdames " (avec petit coucou à Rodolphe, son manager, qui est dans la salle et à qui il demande de valider le choix du fa dièse). Un très beau texte même, dédié à la belle Iris et qui nous offre une belle incursion dans le monde des troubadours.
Son répertoire est à la fois plus que varié et bizarrement très cohérent. Comme ce grand écart que l'on fait en passant à une chanson des années 70, composée par un Néo-Zélandais qui vivait en France. " Dave ! " crie quelqu'un dans la salle. " Non, j'ai dit UN chanteur ! " précise-t-il. Et ça repart pour un tour de rire. Lui prétendant être incapable de faire Vanina. Nous lui lui lançant un " Chiche ! " Donc, bien sûr, on le fait quand même, et tous ensemble en plus. " Merci, c'était très créatif ! " Allons, allons, revenons aux choses sérieuses... " Noir salle. Lumière rouge arrière " et bien sûr un " Luc je suis ton père " qui lui répond ! Mais rien ne le perturbera plus. Il joue de la voix et de la contre-voix, sans plus rien de comique. Et il enchaîne avec sa première chantée en spectacle de rue, sur le printemps : Canscion Sefaradi, à la fin de laquelle tous ces musiciens reviennent un par un, pour y ajouter son instrument. Avec la basse devenue contrebasse et un final très intense, aux deux voix schizophrènes qui se répondent.
S'en suit un discours digne d'un ministre de la culture sur la musique traditionnelle (qu'il répète même lentement, pour nous le donner en dictée). Un étonnant Non Sofres Santa Maria (du XIIIème siècle) qui démarre sur une détonnante intro façon BeatBox (mais il sait tout faire cet homme ma parole !). En un tour de passe-passe, on se retrouve complètement dans l'ambiance festive des premiers morceaux de la soirée. Avec un batteur qui s'éclate littéralement et une musique qui devient comme un dialogue entre Arbogast et la flûte traversière.
L'histoire de la Dame et du Marquis s'enchaîne (qu'elle est trop triste et que moi j'aime pas les histoires tristes). Et puis aussi la chanson de la route de Saint Jacques de Compostelle, sur laquelle notre aide est demandée pour réaliser un fond de cigales qui va accompagner le rossignol, qu'il interprète à merveille dans notre ambiance provençale (tout de même troublée par quelques mouettes, forcément !) Du coup, il ne peut s'empêcher de partir sur le générique de 30 Millions d'Amis, sur lequel on doit crier " Ultreilla ! " ... Alors, perso, j'ai rien compris, mais ce qui est sûr, c'est qu'on se marre bien. Tant et si bien que même lui n'y arrive plus ! Quant à la flûtiste, elle n'en peut plus non plus. Lui meuble avec tout et n'importe quoi : Patrick Bruel, Julien Clerc, Johnny ... Tout y passe ! Elle en finit même par lui tourner le dos pour parvenir à reprendre, alors qu'il lui tourne autour en faisant le con. Mais n'ayez crainte. On va finir par y arriver !
Il est exceptionnel. Une bête de scène à sa façon. Et c'est dans le désert du Gourara que nous allons faire un tour à présent. Ce sera la dernier du Set. Quelques you-you montent de la salle et nos hanches ne demandent qu'à sortir de leur siège. Il nous organise même un chur à trois voix, pour les femmes, les hommes et les " vrais hommes ". Suivi d'un très discret et souriant salut.
On le rappelle et il nous revient en débardeur, tous tatouages dehors et armé d'une vielle. Mais très vite, il en a marre de cette salle assise, se penche vers nous et nous demande quand c'était la dernière fois qu'on a été debout ?!? Il boude, s'assoit lui-même et ne veut plus chanter. Alors on se lève tous (et nous les premiers. Ouais !!) Et c'est parti pour une bonne petite séance de défoulement. On saute. On frappe dans nos mains. On chante n'importe quoi et franchement, on s'éclate ! On s'éclate même tellement, qu'on en veut une autre. Alors il revient seul avec son bouzouki pour La Tendresse. Rappelant toutefois à lui ses quatre autres saltimbanques par un " Et copains, venez ! " pour un très joli salut final de la joyeuse troupe au grand complet !
Alors on pourra dire ou penser ce que l'on veut : Luc Arbogast ne fait pas de la musique ni ne chante comme tout le monde et il s'est principalement fait connaitre par le biais de la télé-réalité. Mais c'est un artiste d'une générosité, d'une drôlerie et d'un talent sans conteste. Perso, j'y suis allée en me disant que c'était peut-être une drôle d'idée et j'ai au final passé une géniale soirée, dont je suis sortie avec la joie au cur, dans la tête et surtout la patate. Merci beaucoup pour cette bien belle soirée Monsieur le joyeux ménestrel !!
Luc Arbogast : Chant, Bouzouki & Vielle
Mélinda Bressan : Flûte
Gérard Allo : Guitare
Valérie Picard : Basse & Contrebasse
Jean-Louis Renou : Batterie
Setlist
1 - Yelahiah
2 - Cant De Gevaudan
3 - Akhenahema
4 - Haxaplatz Am Samain
5 - Nausicaa
6 - Cant Del Matin
7 - Wenderluxia
8 - Viendras-tu Avec Moi ? (Graeme Allwright)
9 - Canscion Sefaradi
10 - Non Sofres Santa Maria
11 - Le Roy A Fait Battre Tambour
12 - Stella Splendens
13 - Darjeeling Caravan
14 - Le Grand Coureur
15 - La Tendresse
Chronique réalisée par l'équipe de Concerts en Boîte
Critique écrite le 30 avril 2014 par Ysabel
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