Chronique de Concert
La Mal Coiffée
Une énergie folle et une joie évidente de se produire sur scène, ce soir, pour La Mal Coiffée, le désormais réputé quintette vocal féminin en provenance du Minervois et chantant en occitan, pour leur second passage à Marseille en peu de temps. Après un récent concert explosif au Nomad'Café en novembre dernier, les voilà à nouveau en visite à Marseille, ville " maritime ", pour un groupe qui " vient plutôt de la terre et du vignoble " (sic), mais, histoire de compenser, dans l'alcôve minérale de la belle salle de l'Eolienne.
Un ensemble tout sourire, qui met en musique la poésie de son terroir. Comme l'aiment à le préciser les cinq filles, elles bénéficient pour leur dernier album L'Embélinaire, d'un véritable cadeau fait par le poète Jean-Marie Petit (pardon : Joan-Maria Petit ! avec l'accent ... mais ne me demandez de re-prononcer correctement l'Embélinaire, avec l'accent adéquat, j'en serais bien incapable), qui leur a confié ses textes, en plus de quelques uns de Léon Cordes, autre figure locale de la littérature occitane. Le tout mis en musique par Laurent Cavalié. Des textes alliant poésie (" Elle dressait en haut de la colline / son gros ventre de femme claire / le vent avait raison de sa robe entr'ouverte / à la caresse du moment... ", De Femna e d'òme) et scénettes acidulées (" Sois gentille ma fille le vieux va mourir / toute sa richesse te restera / au diable la richesse je n'en veux pas / je voudrais un homme qui me caresse bien ", Lo Gat).
La Mal Coiffée, c'est une formidable maîtrise vocale, avec dès le premier morceau une superbe harmonie, comme une seule voix, qui submerge telle une vague, le public composé d'aficionados, dans une la salle pleine comme un oeuf. L'alliance des voix est parfaite, et il faut une écoute attentive pour que l'on s'aperçoive paradoxalement sur de toutes petites interruptions de certaines d'entre elles - une toux, une reprise de respiration, une pause, un rire avec le public - comme en creux, de la place de chacune des voix dans l'ensemble.
Des chansons entrecoupées de temps à autres, de présentation des textes, de quelques bribes de vers traduits, à grands renforts de sourires et d'humour délicat. Le tout devant un public de connaisseurs, chantant et dansant, un tonitruant Manu Théron (Lo Còr de la Plana) en tête (quasiment sixième membre du groupe pour l'occasion, donnant de la voix depuis le public sur quelques morceaux), ou encore ce qui m'a semblé être l'une des chanteuses du Enco de Botte. Un public composé visiblement d'une belle proportion de personnes maîtrisant l'occitan dans le texte. Preuve en est les quelques éclats de rire dans la salle sur quelques vers ici ou là (" Laisse venir le loup, il n'est pas méchant, toi aussi tu en caches un dedans ", Marion ton puiselatge).
Après quelques morceaux, scotchés, on pensait avoir déjà entendu le plus beau ou le plus surprenant. Mais c'était sans compter, après une courte explication de texte, une interprétation de A La Fiesta del Cirque, bluffante de délicatesse et de pureté de voix, accompagnée de surcroît, de percussions d'un raffiné impressionnant. L'occasion de voir et d'entendre la subtilité de quelques beaux instruments, une grosse caisse bien entendu, mais également ce qui devait être un bendir (large tambour à peau sur cadre), des sagattes (petites cymbales manipulées du bout des doigts) et un étrange brau (sorte de tambour dont le centre de la peau est relié à l'extrémité d'une tige qu'on frotte avec ce qui ressemble à un carré de feutre, et qui provoque un son de basse surprenant ; on avait eu la chance de voir quelque chose de similaire et qui semblait être un brama-topin (?) lors du concert au Nomad'Café).
Et bien entendu, quelques belles invitations à la danse, avec des morceaux rythmiques et entraînants, (Lo Gat, De femna e d'òme), avec en guise de supplément sur une des chansons, la participation d'un Manu Théron à la danse et à la transe, pour le plus grand bonheur de tous. Que ce soit en novembre au Nomad'Café ou ce soir à l'Eolienne, l'énergie est rapidement communicative, et il est pratiquement impossible de rester de marbre en écoutant les cinq jeunes femmes. A ne pas rater donc.
Critique écrite le 08 mars 2015 par Flag
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