Chronique de Concert
Manu Théron & Ed Hosdikian (feat. Sam Karpienia)
Coup de file vers 20h de mon cousin parisien : "alors tu es prêt pour le match ?" ... et moi de lui répondre que je vais en effet manquer ce quart de final contre le Bayern de Munich puisque je vais à l'Eolienne pour le concert de Manu Théron et Edmond Hosdikian qui est annoncé à 20h30 et devrait en effet commencer dans ses eaux là.
J'avais entendu parler de cette salle il y a 2 ans mais n'y avait jamais mis les pieds. Situé à la place de l'ancien vol de nuit, en face du restaurant Valdimir, donc non loin de la pizzera Sauveur. Petit bar à l'entrée, salle au sous sol, vouté (avec des petites airs de Roll'Studio), bel aménagement, des tables, on ne s'y sent pas à l'étroit. Bon il faut dire qu'il y a pas mal de places vides, pas mal de gens ayant annulé leur réservation à cause du match (que ce soit pour le voir ou par peur d'être coincé dans les bouchons post match).
Petit point "négatif" pour ce soir (qui n'en est pas vraiment un) aucune connexion au sous sol. Une demi heure après l'heure annoncée, Claire nous souhaitera la bienvenu, s'excusera pour le retard et nous présentera rapidement le lieu et les musiciens de ce soir. Ce lieu ouvert depuis 2 ans accueille des contes et des concerts (environ 2 par mois) de couleur plutôt "musique du monde". Une de leurs envies et de favoriser des rencontres, des mélanges ce qui fait que le concert de ce soir est parfaitement dans l'esprit de ce qu'ils veulent promouvoir. Plus d'infos sur le lieu par ici.
Au programme ce soir, un monument occitan Manu Théron au chant et une légende discrète du jazz Edmond Hosdikian au saxophone et aux effets. On a déjà l'occasion de les voir se croiser sur scène lors de la carte blanche à Hakim Hamadouche à la Meson. Après être monté sur la petite scène où il paraissent presque intimidés, ils nous annoncent qu'ils vont tourner ensemble et sont donc là pour nous présenter modestement l'ébauche de leur travail. J'aime beaucoup ce qu'ils font séparément, mais je n'étais pas convaincu à l'avance que ça allait fonctionner aussi bien.
Le premier set ira crescendo. On dirait qu'ils avancent à tatons ... qu'ils se cherchent. Le répertoire est assez hétérogène dans ses sources mais passé à leur moulinette occitano-jazz le résultat est finalement homogène. Moins blagueur qu'à l'accoutumée (en plein décalage horaire car de retour d'une série de concert avec Lo Cor de la Plana dont un l'avant veille au Carnegie Hall - NY) Manu lâchera quand même quelques phrases dont lui seul à la secret ... Aussi lorsqu'il dira "on nous demande souvent ce qu'on fait (comme musique) ... en général on répond : rien ; mais là ce soir on va faire du Françoise Hardy ..; en breton" j'ai souris ... mais quand est arrivé le refrain de tous les garçons et les filles de mon age j'étais un peu sur le ... bref surpris !
Armé de son tambourin, qu'il chante à la Fabulous ou à la Cor de la Plana, qu'il chante en italien, en occitan, ou en français (très bien comme on avait déjà pu s'en rendre compte dans Chin na na poun) ... il y a le même entrain, la même espièglerie pleine de respect (ou l'inverse) ... et surtout une très bonne complémentarité entre les deux musiciens.
Edmond remarquable saxophoniste se permet quelques fantaisies dans le genre de celles qu'on l'avait vu faire avec un autre grand (free) jazzman Ahmad Compaoré. En plus de jouer avec les pédales à effets (écho et loop), il se permet même d'enlever le bec de son saxo pour enfiler le micro dans le cou du saxo et produire tout un tas de son étranges auquel Manu répond par ses caractéristiques "ouuuuhhhh" (tout en inspiration). Edmond décrochera aussi son micro (avec écho) pour enregistrer et sampler le chant de Manu sur un morceau.
Il finiront cette première partie (de 45 minutes) par un morceau écrit par Manu sur les 260 quartiers de Marseille qu'il avait identifié pour le moment. A la pause je fonce dans la rue, non pas pour fumer comme pas mal de monde, mais pour essayer de rechoper du réseau pour me tenir au courant du résultat du foot. Je ne peux pas dire que je sois un grand fan de football, mais de suspens oui, et les émotions (collectives) que me procurent un match de foot ou de rugby (chez des potes ou dans un bar) sont assez agréable ... Bref là c'est une logique déception qui m'attend, et me conforte dans mon choix d'être venu passé la soirée ici plutôt qu'à la terrasse d'un bar.
J'hésite à rentrer (la semaine n'est pas fini et je commence un peu à fatiguer), mais je reste. Et heureusement ! Car si le premier set était sympathique le second (de la même durée) lui est vraiment un cran au dessus. Plus inspiré, plus"dedans" encore ...Ils attaquent pas un long morceau qui semble durer une éternité, Manu assis, les yeux fermés ... avec cet entêtant sample de saxo et les "oooooooooooo" de Manu. Je ne sais plus si c'était celui là qu'ils ont présenté à posteriori comme une berceuse sicilienne, mais, tellement bien, j'ai senti que je commençais à m'assoupir.
Un morceau plus léger et nerveux T'es pas content viendra me réveiller et montrera d'une part le côté complice des deux musiciens, et d'autre part qu'ils peuvent vraiment interpréter ce qu'ils veulent ensemble. Suivront quelques morceaux tout aussi bons et aventureux que les précédents ... et alors que je commençais à vraiment piquer du nez (ce qui est plutôt dangereux lorsqu'on est perché sur une chaise haute) passe devant moi le célèbre Sam Karpienia (complice de toujours de Manu sinon en tout cas depuis Gacha Empega), que je n'avais plus croisé depuis son départ de Marseille pour Nantes. De passage pour Babel Med où il va présenter son nouveau projet Forabandit, le voici à l'éolienne.
Et bien sûr il monte directement sur la scène. Il prend le tambourin libre (et la chaise) et au milieu du morceau se joint à eux. Petit flottement/ ajustement et les réflexes son retrouvés. La complémentarité des deux voix saute aux oreilles ... ils naviguent maintenant à 3, à l'instinct, les yeux fermés ... le morceau semble sur le point de finir, mais Sam repart et nous avec. Comme quoi il vaut mieux être un peu en retard à un concert que partir avant la fin. Après ce morceau de bravoure, Sam repartira au fond de la salle et Manu et Ed feront un mini morceau clin d'œil (un haïku) à Julien venu avec Sam avant de saluer et de se joindre au public pour boire des coups et discuter.
Je resterai un peu plus à la fin prenant des nouvelles de Sam et de son expérience comme nouvel étranger, discutant avec Claire du lieu et des milles projets de celui ci, ... avant de m'éclipser ... c'est que nous ne sommes que mercredi et que demain ...
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Critique écrite le 29 mars 2012 par Pirlouiiiit
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