Chronique de Concert
Marcus Miller
La salle est ouverte en totalité ce soir et elle commence à se remplir de façon éparse pour le moment. Nous, nous sommes placés super haut. Ce sera l'occasion de tester la capacité sonore du lieu dans toute sa technicité. Par contre, il ne faut pas être trop pressés, puisque le maître de la basse se fait bien attendre ... Il est près de 21h et on ne voit toujours rien venir !! (Mais ceci étant, cela permet au reste du public de s'installer tranquillement).
Patience et longueur de temps étant mères de vertus, la batterie commence seule ... Puis Mr Miller fait son entrée en pull marin et chapeau mou. Un spot braqué sur lui, ce qui le fait apparaitre dans un cercle de lumière. Il attrape la première basse, la plus à gauche. Le jeu du jazz et de ses solo peut donc commencer. Ce sera d'abord le tour de la trompette, suivie du saxo, avec bien sûr une ligne de basse qui ne lâche rien et un clavier qui s'est transformé en orgue.
Le second morceau s'enchaîne tout naturellement. La basse assure seule l'intro, puis tous les autres instruments viennent la rejoindre. On alterne les passages en commun et les petits ponts mélodiques à la basse ... Par contre, scénographiquement c'est le calme plat et il en va de même pour les lumières. Quelques passionnés sur les gradins de côté sont pourtant déjà debout, agitant la tête et sifflant de plaisir face au déchaînement du grand Marcus.
Par moment, l'orgue tourne aux clochettes et, au gré de leurs interventions, les musiciens entrent et sortent de scène, avec un Miller qui opère un léger rapprochement avec le saxo. Il nous fait une joli présentation en français et nous parle de son nouvel album, sorti cette année. Puis la musique reprend et il montre du doigt ses musiciens dans des attitudes très jazz, pour rester seul au final de Redemption, impressionnant, juste accompagné de la batterie.
"Le prochain morceau a deux côtés : un gentil et un pas gentil. Mais j'adore ce morceau ... Il commence par de la basse !" (Rires). Pour Jekyll & Hyde, le saxo va et vient comme un insecte vrombissant. C'est peut-être là le côté Jekyll ... Puis la guitare électrique vient jouer les Hyde. Ils se rapprochent tous pour venir jouer côte à côte. Lui dans un mouvement de balancier perpétuel et le guitariste qui se tord sur son instrument. On est beaucoup moins dans du jazz et beaucoup plus dans du son rock, avec un public qui pousse de petits cris de joie. Puis c'est au tour du claviériste de venir jouer avec eux et de finir la danse.
Power le fait passer à la basse de droite, qui a presque un son de guitare sèche. Une très belle balade, avec entrée de la guitare. Mais celle-ci s'enflamme rapidement, avec une fort belle image du saxo face au trombone qui, lui, se retrouve dos à dos avec Marcus Miller ... Qui finira seul dans la lumière. Vraiment une très belle émotion.
Mais le dernier morceau arrive et il revêt une signification toute particulière ... Il lui a été inspiré par un voyage au Sénégal, où il a visité la maison des esclaves : Trois pièces, une pour les hommes, une pour les femmes et une pour les enfants. Mais surtout une porte, derrière laquelle il y avait la mer et les bateaux destinés à transporter les esclaves. C'est pour lui la fin de l'histoire africaine, mais aussi le début de l'histoire des noirs américains et, comme il le dit, la capacité qu'a l'homme de faire quelque chose de bien avec un départ horrible.
Gorée commence donc seul au piano, puis Miller revient avec une clarinette basse. Il danse avec, puis sans, de dos devant la batterie et parcourt la scène en tournant sur lui même ... Pour finir en attrapant une nouvelle basse (que nous n'avions pas encore entendue), avec un très gros son celle là. On croirait presque entendre les grondements de l'océan, avant un solo accompagné par la clappe du public. Pour terminer ce morceau fabuleux, le son va devenir beaucoup plus mat et encore plus rock. Jamais je n'avais perçu toutes ces nuances d'une basse. C'est assez incroyable. Ses doigts vont dix fois plus vite que le rythme de la musique. Il gratte tantôt le corps et tantôt le manche de l'instrument. Puis ils se regroupent une dernière fois tous les trois devant et Marcus Miller nous lance : "Marseille à bientôt! A très bientôt !! A la prochaine. Bye Bye !"
Mais bien évidemment, la salle se met à crier et à taper des pieds. Alors il revient bien sûr et reprend sa basse "rock", mais il est seul et reprend tout simplement I Will Be There. Magnifique morceau de bravoure, avec toute la subtilité que l'on peut imaginer à ce morceau joué seulement à la basse. Je ne pensais même pas qu'on pouvait faire un truc pareil avec un tel instrument ... C'est magnifique. Puis tous le monde revient et on enchaîne. Miller se rapproche du public qui s'est mis debout sur la gauche, devant les sièges. C'est un finish musicien par musicien, puis tous ensemble en quasi cacophonie, devant un public ravi. Il nous quitte, définitivement cette fois, avec un mot gentil ... "Merci. Je t'adore. A la prochaine. A très bientôt. We love you !!"
Marcus Miller : Basse & Clarinette Basse
Kris Bowers : Piano
Adam Agati : Guitare
Lee Hogans : Trompette
Alex Han : Saxophone
Louis Cato : Batterie
Setlist
1 - Mr Clean
2 - Detroit
3 - Redemption
4 - Febuary
5 - Jekyll & Hyde
6 - Power
7 - Gorée
----------------------
8 - I Will Be There
9 - Tutu
Chronique réalisée par l'équipe de Concerts en Boîte
Critique écrite le 03 novembre 2012 par Ysabel
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