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Chronique de Concert

Maria Simoglou

Maria Simoglou  en concert

Bar Albert, Marseille 13 janvier 2017

Critique écrite le par

Faire une heure de bus pour aller voir un concert à Marseille est en soi un évènement à marquer d'une pierre blanche. D'ordinaire, on n'a qu'à se bousculer dans un rayon de 500mètres pour piocher dans un étalage de soirées ou de before d'after. Et pourtant, dans une ville de deux fois et demie la superficie de la capitale, se planquent des pépites, des lieux d'initiés, des repères d'habitués qui habillent l'espace temps d'une autre nuance. Le Bar Albert à l'Estaque en fait partie.


À l'ombre des rades en face la rade, Albert ouvre ce soir ses portes à la Grèce et au Rébétiko. Maria Simoglou sans ses musiciens mais le ventre habité, vient réchauffer le cœur et les tympans d'une trentaine de buveurs-spectateurs, de son timbre grave aux trémolos poignants et sa panoplie d'instruments traditionnels, bouzouki et santour pour la mélodie, tambour avec baguette plus stylobille (le Rébétiko peut aussi être DIY !) et cuillères en bois pour la percussion. Recréant les airs populaires d'une musique authentique et vagabonde.


Pendant quatre sets d'un quart d'heure, tour à tour derrière le bar ou à l'angle d'un coin, assise sur une chaise piochée au hasard et les pieds sur l'étui de son santour, elle bouscule les distraits de sa voix puissante où toutes les émotions et les tristesses coulent, fluides, au fond des verres ébréchés. Maria chante l'amour et l'exil ; elle raconte le narguilé qui s'éteint et dont le fumeur se demande quelle injure il a pu lui faire. La voix s'envole, les lèvres se figent dans un soupir nostalgique, un sourire tendre. Tout autour, les gens ne s'arrêtent pas de vivre, sauf les silencieux du premier rang ; les verres continuent de se remplir d'or et de s'entrechoquer ; les rires bruissent, jusqu'à parfois couvrir l'histoire qu'elle nous résume dans un français plein de charme avant chaque interprétation vibrante, brillante. Maria chante et joue dans les volutes de fumée, timide et majestueuse, sous le regard plein de malice de Serge, le patron aux lunettes posées sur le haut du crâne et au pastis généreux.


Le dernier ‘bus de jour' ayant pris le large depuis belle lurette, je quitte mes copaings estaquéens qui me proposaient pourtant le gîte après le couvert, et rejoins courageusement mes pénates avec les redoutables infrastructures nocturnes de la ville qui m'offrent un quartier nord by night à travers St Antoine, La Calade, le Canet et Bougainville. Et les mélopées de Maria continuent de se verser et de renverser dans ma tête, à chaque ornière éméchée, à chaque cahot de bus fatigué.

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