Chronique de Concert
Bianca Costa + Theodora + Meryl + Le Rat Luciano + Aya Nakamura (Festival Marsatac 2023)
Bianca Costa
Bianca Costa est une jeune personne qui chante en français, dans un style post-baile funk, et donc assez proche du hip-hop afro mainstream contemporain. La référence au baile funk s'impose d'ailleurs particuliièrement puisque le folklore brésilien, dans les images et les paroles (incluant du portugais) est très présent. Dans les clips on est même dans une esthétique " Baile Funk Ostentaçaõ " (ostentatoire) pou les connoîsseurs...
Sur scène nous avons donc une personne d'une vingtaine d'années, donc on peut oser dire qu'elle est une femme, vu son positionnement dans le game du hip-hop cisgenre. Elle est accompagnée par deux garçons qui font l'un des machines (et aussi qui par moment vient la rejoindre sur le devant de la scène en soutien), l'autre des"vrais " instruments : piano, guitare.
La chanteuse a une tenue bien sûr très sexy, et vraiment très réussie. Blanc satiné avec des petits rubans bleus donnant une touche naïve. On est dans l'érotisme de la fausse ingénuité. Malgré sa référence autoproclamée à la culture Brésilienne, on chercherait plutôt finalement à éveiller le Japonais amateur de collégiennes qui sommeille potentiellement en nous. Pour revenir sur la jupe (qui m'a semblé à titre personnel l'élément le plus remarquable du concert) elle a deux fentes, sur le devant des cuisses, qui laissent remonter tout le devant, dans le mouvement de la danse, et entrevoir furtivement une culotte noire. Très réussi comme effet.
Les garçons ont des tenues identiques, et ouvertement quelconques : pantalon noir et chemisette bleue. Ils sont vraiment dans le rôle des playmobil, des hommes génériques et interchangeables de second plan. Il y a ainsi quelque chose d'appliqué et hyper-clean dans la façon d'être sexy, qui a pour cible un public très jeune, avec en sous-texte la figure de la belle et la bête : la jeune femme lascive qui n'a pas peur d'éveiller les instincts des mauvais garçons.
Tout ça étant dit, et pour en arriver à la musique elle-même, c'est très bien fait : bien chanté, bien dansé. Très bonne maitrise de la scène, qui ne doit pas être facile à tenir sur une heure, avec juste une voix et un corps. Avec juste la surprise de l'apparition des copines qui viennent la rejoindre sur scène pour un morceau, et danser et chanter avec la star. Star mais accessible, entourée.
Il y a aussi des punchlines qui ont l'air vraiment cool. J'ai attrapé au vol : " Tu étais rien, tu vas devenir maire de ta ville " (qui résonne avec une chanson sur le thème " mère de famille ").
Théodora
Chanteuse en français sur des intrus électros au tempo plutôt rapide. Des rythmiques assez droites, avec des boites à rythmes ultra-basiques. La voix qui bascule régulièrement entre avec/sans autotune (au réglage très agressif soit dit en passant, mais ç'est peut-être plus la technique du lieu que l'artiste). Sur scène, une team assez intrigante. Iels sont trois.
La chanteuse, assumant un style quartier dans la robe longue, un gars qui rappe ou fait des backs de temps en temps, mais qui la plupart du temps se balade de long en large et fait R. Personnellement je trouve ça très classe, comme dans Sleafor Mods. ET, derrière, il y a aux machines une musicienne DJ avec une moue de plaisir méchant, qui fait penser à la sadique qui accompagne le Grand Génie du Mal dans les James Bond, genre. Très réussi.
Le ressort principal m'a semblé être d'exposer et de jouer d'une posture de loose, de décalage, d'inadaptation, mais qui n'empêchait en rien de se préoccuper de soi-même. Cela se joue par le langage entre les morceaux, émaillés de " en vrai " à une fréquence inégalée, et d'une élocution qui fait penser à la fête de la musique au petit matin.
Dans les lyrics, aussi. Il y a quelque chose de tragique, qui pourrait faire penser à une Dalida moderne des Quartiers Nords, prise entre romantisme, dépression, sensualité, contexte social originel difficile. " J'le connais pas c'est trop la loose " " Si tu te sens seule avant de dormir, fais comme moi fais ton paradis " " J'manque d'amour " " Je suis une LADY BOSS " " Bipolaire, j'ai besoin d'aide ".
Quelque chose de très autocentré et bien deep, avec une vraie singularité. Je pense qu'on doit pouvoir trouver ça très très énervant, mais moi j'ai aimé, en vrai.
Meryl
Bon. Quand Meryl arrive on passe tout de suite à autre chose. Présence scénique. Densité. Conscience de classe et de genre. C'est le moment de la soirée ou j'ai commencé à me faire attraper. Je n'étais soudain plus un sociologue du dimanche mais un membre du public. Vrai groupe sur scène : batterie, basse/synth bass, guitare. Mélangé avec des playbacks d'instrumentaux aussi je pense.
Le son de la grande scène est vraiment de bonne qualité, en tout cas il y a un parti pris de laisser de la place aux voix, tendance de plus en plus répandue, heureusement. Meryl est vraiment très expressive, très séductrice aussi, mais comme une personne, pas comme une icône. Et ça fait plaisir, après les concerts décrits plus haut !
Sur scène, sa musique est donc moins électro que les prods sur disque. Evidemment on perd en efficacité, mais ça fait ressortir le côté profondément antillais, et il me semble qu'on a largement gagné au change. Pas parce que c'est mieux, mais parce que ç'est une autre facette.
Car les musiciens sont vraiment cool, et ça fait comme un retour aux racines inattendu. Vraiment, à mon sens, le grand coup de cœur de la soirée !!
Le Rat Luciano
ON ne présente plus le Rat. C'était chouette, et une bonne idée de programmation de le voir là, retrouver son public, qui était bien présent, et rencontrer un public plus jeune, venu pour d'autres artistes a priori. C'était chouette de rassembler la nouvelle et l'ancienne école.
Des gens d'ailleurs des gens d'ici, dont les revendications Marseillaisophiles sont toujours aussi présentes. Chez le Rat ce soir là, le mot d'ordre c'était d'ailleurs " tous ensemble ", c'était " sincérité " dans les cœurs..Bon, ok toutes les 32 mesures, les rappeurs crient " Marseiiiilllllee ", et les gens hurlent de joie.
Apparition très appréciée aussi de la Fonky Family au grand complet : Le Rat Luciano, Sat l'Artificier, Don Choa, Menzo, DJ Djel aux platines .
Aya Nakamura
Après tout une après-midi de chauffe, l'apparition de la tête d'affiche incontestée est très attendue. Ça se masse est ça se tasse devant la grande scène. Elle arrive et est dignement acclamée. Grande dame, yeux de biche. Autour d'elle un plateau super complet. Deux batteries, une à jardin l'autre à cour, encadrent la scène. Puis, en allant vers le centre, en arrière scène, le bassiste, le guitariste, clavier, etc.
Plus trois choristes (chœur mixte) et quatre danseur.se.s : au milieu de tout ça Aya est une reine qui se déhanche certes mais avec plus d'indolence, qui ébauche seulement. Une belle diva, mûre, qui a vécu, qui sait, dont le regard est parfois au loin... Autour d'elle ça foisonne, ça courtise. Les chorégraphies sont ultra-écrites, on dirait vraiment qu'aya nakamura c'est le livret d'un ballet, d'un lac des cygnes contemporain, qui raconte des histoires d'amour, de rivalités, de détresse, de victoires..
C'est très beau, très bien pensé, très bien exécuté. Peut-être un peu froid ? Je n'ai pas senti le public réussir à décharger l'émotion dont il était pourtant chargé. J'ai eu l'impression que chacun.e repartait avec son orage intérieur, à l'intérieur. J'y vois deux raisons.La première est, tout simplement, que le concert est assez court et totalement millimétré. Une heure, pile et point barre, après on ferme. Le rapport entre les artistes et le public reste soumis à une organisation qui ne lâche pas prise, qui est la plus forte.
La seconde est que, d'une certaine manière, le spectacle est victime de la grande qualité des images video en temps réel qu'il propose. Car je n'ai pas encore dit (mais c'est un dispositif classique) que deux écrans géants bordaient la scène de part et d'autre. On y voit un montage en temps réel de ce qui se passe sur scène. Or, ce montage est TEL.LEMENT BIEN FAIT, et les artistes sur scène ont tellement conscience du fait que cette projection est en train d'advenir, ils trouvent tellement habilement la caméra là oui il faut et quand il faut, qu'on a plus l'impression d'assister au tournage virtuose d'un film, qu'à un concert. Comme si ce qui se passait au milieu était le moyen, subordonné à la réalisation de ce qu'on voit sur les côtés. En plus la scène est relativement plus sombre, les couleurs y sont moins vives que sur les écrans, les personnages plus petits...C'est comme si le véritable objet final était les écrans, dont la scène n'est que la coulisse qu'on nous donnerait à voir EN PLUS, dans un esprit performatif-art contemporain.
Ce renversement des valeurs entre la réalité et l'image en temps réel, qui n'est évidemment un phénomène ni nouveau ni isolé, mais qui est dans le cas du concert d'AYA NAKAMURA rendu extrême par la conscience et la maîtrise qu'en ont les protagonistes, est à mon sens pour beaucoup dans l'étrange sentiment que l'on a ressenti, devant la pourtant divine Aya Nakamura.
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Critique écrite le 29 juin 2023 par Agent Massy
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Putain de soirée à deux balles.....
D'abord les graines d'Ipomae... C'est de la balle, je pense que sans elles je me serai retrouvé pendu à l'espace julien, de désespoir.
"Fait un jaune collègues, et fait le bien pateux !!!!"
"Fait une Pétou collègues, mais un pétou de Beu !!!!!"
Voilà à la base cette aventure commence dans un... La suite
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