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Chronique de concert Martin Dupont - Corpus Delicti
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Chronique de Concert
Martin Dupont - Corpus Delicti
L'Espace Julien accueille ce soir deux groupes français, reformés récemment, qui ont fait l'objet d'un vrai culte dans leurs genres respectifs : Martin Dupont et les niçois de Corpus Delicti. Les premiers, originaires de Marseille, s'étaient fait connaître au milieu des années 80 dans un registre cold wave au croisement entre Kas Product et New Order tandis que les seconds s'étaient illustrés dès le début des années 90 avec un rock gothique sous la haute influence de la sombre et sainte trinité Cure / Bauhaus / Siouxsie & the Banshees, et avaient acquis une notoriété qui s'était étendue bien au-delà de l'hexagone.
La musique de Martin Dupont était à la fois très ancrée dans son époque, pour la prédominance des synthétiseurs, et profondément originale, grâce à l'alternance du chant masculin/féminin et la présence d'un saxophone ou d'une clarinette. Le groupe a connu en son temps un véritable engouement, certes confidentiel, mais qui s'est accentué au fil des années, d'une part grâce à la réédition de ses disques sur le label américain Minimal Wave, spécialisé dans la synth pop et la cold wave, mais aussi du fait de sa présence sur la fameuse compilation Des Jeunes gens modernes, qui réunit la fine fleur de la new wave française. Cela a donc permis à beaucoup de (re)découvrir sa musique, considérée à juste titre comme un des secrets les mieux gardés de son époque.
En plus de sortir un nouvel album (avec des versions actualisées de leur répertoire), le groupe est lancé sur une tournée qui va au printemps les conduire aux Etats-Unis. Il s'agit donc ce soir du premier concert de cette reformation. Les membres originels sont bien sûr présents : le chanteur Alain Seghir, qui joue parfois d'une basse fretless, Brigitte Balian au chant et Bewerly Jane Crew au saxophone et à la clarinette.
Ils sont accompagnés ici des musiciens du groupe cold wave (actif à la fin des années 80) Rise and Fall of Decade, Sandy Casado au chant et Thierry Santoni aux guitares et aux synthétiseurs. Le musicien Ollivier Leroy, légèrement en retrait, officie aux synthétiseurs et aux machines. La reformation de Martin Dupont est donc pour les fans un véritable événement qu'ils n'auraient raté pour rien au monde. Dès l'entrée en scène du groupe, le public manifeste bruyamment son enthousiasme. La joie transparaît d'ailleurs sur le visage des musiciens, galvanisés par un tel accueil.
Dès le premier titre, Love on my Side, on se rend compte à quel point ces musiciens avaient un vrai talent pour composer des chansons aux mélodies accrocheuses. Les synthétiseurs ont toujours une place prépondérante mais on constate d'emblée que le groupe a subtilement actualisé sa musique, en gommant certains poncifs propre au genre et aux " années new wave ", et en réarrangeant les titres, comme on pourra l'entendre sur l'introduction très electronica de Inside Out.
La voix grave d'Alain Seghir n'a rien perdu de son expressivité. Celle de Brigitte Balian, plus chaleureuse, contrebalance très bien celle de son acolyte. Le saxophone et la clarinette de Bewerly Jane Crew s'intègrent toujours aussi bien aux chansons et sont vraiment une des marques de l'identité du groupe. Et dès que l'on entend les premières notes de Just Because, immédiatement reconnaissable avec son entêtant motif de synthétiseur, une bonne partie du public exulte et va se mettre à chanter les paroles. Ce titre, que l'on peut considérer comme un classique, et aussi le plus emblématique du groupe, a été samplé notamment par Tricky.
Alain Seghir s'adresse entre deux chansons chaleureusement au public, le plus souvent en anglais. Si la musique de Martin Dupont est à la fois mélancolique et dansante à l'instar de celle de New Order, elle sonne aussi parfois comme une version " synth pop " du Roxy Music des années 80, toute aussi suave et élégante.
Les gens sur scène comme ceux dans la fosse dansent joyeusement, le public chante en choeur sur Inside out, bref, tout le monde semble ravi. Le groupe nous gratifie d'un rappel avec My Analyst Assez et He saw the light. C'est donc un vrai retour en grâce pour Martin Dupont, et d'autant plus réjouissant qu'il a été inattendu. Les nombreux fans présents, n'auraient sans doute jamais imaginé il y a encore quelques mois (re)voir ce groupe sur scène.
Beaucoup ce soir sont venus des quatre coins du pays, ai-je cru comprendre, pour voir Corpus Delicti. Il s'agit pour les amateurs de rock gothique d'un véritable événement et l'on peut constater que ce groupe à l'instar de Martin Dupont, a sa cohorte de fans transis qui se précipitent devant la scène. Le set débute par Firelight, un titre phare du premier album qui fait tout de suite exulter les fans.
On retrouve bien sûr tous les ingrédients propres au genre musical pratiqué par Corpus Delicti : un chant incantatoire, une batterie tribale, une basse mélodique très en avant et une guitare convulsive. On pourrait à priori penser que cette musique est un peu trop calquée sur les glorieux modèles Bauhaus, Banshees et consorts, mais force est de reconnaître que le groupe joue avec conviction et passion, mais aussi avec une grande maîtrise sonore et instrumentale.
Il interprète impeccablement le répertoire de ses trois albums, dont beaucoup dans le public semblent connaître par coeur les chansons. Le quatuor a un jeu de scène plutôt sobre et a la finesse de ne pas sombrer dans une théâtralité excessive souvent inhérente au rock gothique (et souvent ridicule, il faut bien le dire). Le chanteur, crâne rasé et vêtu de noir, tel un Nosferatu chic, a une belle voix et un charisme certain, sans en faire des tonnes.
Le light show est très étudié , avec des jeux de lumières blanches accompagnées de fumigènes ou des nuances de bleu qui se marient très bien à l'atmosphère des chansons. On se laisse donc facilement embarquer par ces rythmes lancinants dans une messe gothique qui tire plus vers le bleu sombre que le noir. Le set s'achève après une bonne heure et quart, et comme pour le précédent, le public est conquis.
La soirée se termine au Café Julien avec un DJ Set " post-punk-cold-wave-electro-dark " bien dans le ton de ce que l'on pouvait entendre au milieu des années 80 dans un club comme le Duck Café à Marseille, si ce n'est que l'on peut voir un public d'un peu tous les âges, du trentenaire vêtu de noir au vieux briscard goth grisonnant ou dégarni, ce qui est bien la preuve que ces musiques " sombres et mélancoliques" de la fin du siècle dernier, dont nous avons pu voir deux illustres représentants ce soir, exercent encore tout leur pouvoir de fascination.
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Critique écrite le 28 janvier 2023 par Phil2guy
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