Ce vendredi soir, après l'école ma sœur (Luciiiie qui est au collège), mon père (Pirlouiiiit), mon autre sœur et moi (Cyriiiil) sommes partis en vélo au Moulin (la salle de concert). Nous avions rendez-vous avec Massilia Sound System pour les interviewer. Quand nous sommes arrivés on nous a guidé derrière la grande scène à l'endroit où les artistes mangent avant le concert et se préparent. Là nous attendaient Gari Greu et Janvié. Nous nous sommes assis sur des canapés au fond de la salle et nous leur avons poser les questions que nous avions préparés pendant la semaine.

Luciiiie et Cyriiiil : Bonsoir

Gari: Et bien bonsoir ; je suis très content de faire une interview avec des journalistes comme vous ; c'est trop cool.
L : Nous sommes ravis d'être là parce que la dernière fois où l'on voulait venir vous voir c'était au Dock des Sud, et on a complètement raté la date donc on était vraiment dégouté.
Gari : Mince
L: Et aussi plus récemment pour le concert de Kharkiv, nous n'avions pas pu rester jusqu'à votre passage car c'était trop tard pour un mercredi soir ...
Gari: Ah oui je me rappelle que vous étiez là ; effectivement nous étions passés tard.
L : Du coup on est vraiment ravis d'être ici
Gari (son téléphone sonne) : attends 2 petites minutes je vérifie si c'est Jules qui m'appelle sinon je réponds pas ; je réponds pas ; voilà je vous écoute !
L : En fait vous êtes le groupe qui nous a vraiment accompagné tout au long de notre enfance avec d'abord 3 MC sur la version puis après pendant le confinement avec Qu'elle est bleue et la chanson du Moussu et surtout pendant notre voyage au États Unis avec votre nouvel album du coup Sale caractère, donc on va vous poser quelques questions
Gari : Trop bien


Cyriiiil : Quand et comment vous vous êtes rencontrés ?

Gari : Massilia c'est un groupe qui a été fondé par Papet J et Moussu T qui ont une dizaine d'année de plus que moi donc c'est un groupe qui a été évolutif. Ils ont créé le groupe en 1984 ; moi par exemple en 1984 j'étais en 4ème tu vois. Janvié (qui est ici et qui joue du clavier) et moi nous sommes arrivés vers 1992, et le guitariste Blu et le DJ Kayalik en 2000. Depuis l'an 2000 on a cette formation-là sauf qu'au début nous étions 4 chanteurs avec Lux, qui a été emporté par une maladie en 2008. Donc au début nous étions 7 et maintenant nous sommes 6.

L : Et depuis quand faites-vous de la musique ?

Gari : Çà dépend. Le plus musicien c'est Janvié parce qu'il a fait le Conservatoire, le piano tout ça. T'as commencé le piano à quel âge ? (Janvié : J'ai commencé à 5 ans). C'est lui qui a commencé le plus tôt je pense. Lui et le guitariste ce sont de vrais musiciens, au sens 1er du terme. Des mecs qui connaissent l'harmonie, qui connaissent leur instrument. Nous les chanteurs et le DJ on vient plutôt de la scène hip hop donc on est plutôt autodidactes. Kayalik, le DJ, a appris cela tout seul puisqu'il est contemporain de l'invention de l'utilisation de son instrument. Donc on est tous très différents à ce niveau là.

C : A partir de quand avez-vous pu en faire votre métier ?

Gari : A partir du début des années 90 ; il faut voir qu'en France il y a un système qui est quand même assez cool pour les musiciens. Il s'agit du système des intermittents du spectacle. Si tu fais un certain nombre de concerts par an, tu peux avoir une indemnisation tous les mois en plus de ce que tu gagnes avec les cachets ; donc cela te permet de vivre relativement bien de ta musique. Pour y arriver il faut sortir des disques, faire des tournées tout le temps ; on ne s'est jamais trop arrêter en fait.

L : Et si vous n'aviez pas fait ce métier, qu'est ce que vous auriez voulu ou pu faire ?

Gari : Pareil on est tous différents je pense. Par exemple Papet et Tatou avaient des métiers avant d'être les chanteurs de Massilia. Papet était électricien et Tatou était instituteur. Moi par exemple je suis passé directement de la fac à Massilia donc je n'ai pas eu d'autre métier que celui-là. Après j'ai fait des études d'architecture qui n'ont donc rien à voir avec ce que je fais maintenant et je me suis rendu compte en étant musicien que ce qui me fallait c'était vraiment un métier avec de la créativité et donc ça aurait été un métier a peu près comme ça. Lequel exactement, je ne sais pas, mais je pense que le plus important c'est de se lever le matin avec le sourire et de faire un métier qui te fait kiffer. Après ce n'est pas obligatoirement artiste, mais je pense que le but qu'il faut se donner c'est de faire un truc qui nous plait et pas un truc où on est contraint.
Janvié : moi je vais rajouter une petite chose : si je n'avais pas fait ce que j'ai fait avec Massilia je pense que je me serais dirigé vers quelque chose pour aider la nature : la recherche sur les nouvelles ressources, comment on peut impacter la terre autrement que ce qu'on fait aujourd'hui. C'est un vrai sujet aujourd'hui mais je pense que cela fait beaucoup d'années que les gens auraient dû se poser la question.


C : Avez vous des inspirations particulières ?

Gari : Des inspirations particulières ? Oui par ce que de toute façon on est des auteurs de chansons donc on essaie de cultiver l'inspiration. L'inspiration ce n'est pas un truc avec des idées singulières qui arrivent quand tu rêvasses c'est surtout quelque chose qui vient après que tu te sois empli de plein de trucs. Nous qui écrivons des chansons c'est important de beaucoup lire, de beaucoup s'intéresser à tout ce qui est culturel, donc de beaucoup s'emplir de chose pour pouvoir faire de bonnes chansons. De même, c'est très important pour nous aussi d'avoir une vie un peu trépidante pour avoir des choses à raconter. Parce que si dans ma vie je n'ai pas de pote et que je suis tout le temps tout seul, dans mes chansons je n'aurais pas grand-chose à raconter. Donc l'inspiration c'est quelque chose qui se cultive et qui se travaille aussi. Après, une bonne chanson c'est une chanson qui a une idée très originale donc, des fois les idées les plus fofolles dans notre métier arrivent à donner quelque chose de concret.

L : Est-ce que vous avez un album (de Massilia) préféré ?

Gari : On met tellement d'énergie sur les disques que j'ai du mal, personnellement à faire un classement et te dire celui-là je le préfère ou pas. On a tellement travaillé dessus. Il y a des disques pour lesquels on s'est enfermé presque un an avec Janvié. Il y a des disques qu'on a fait d'une certaine manière, qui ont été faits dans dans des contextes et à des époques différentes .... c'est un peu la bande son de notre vie tout ça. Donc on a un peu de mal à faire des classements.

C : Quelle est votre chanson préférée dans votre nouvel album, si vous en avez une ?

Gari : Du nouvel album... Moi c'est le morceau solo de Papet, qu'il a écrit parce que son épouse s'était envolée. C'est un morceau qui me touche beaucoup.
Janvié : Moi c'est Sale Caractère par ce que je trouve que ça nous représente bien.
Gari : ça nous ressemble il a raison !
L : Nous on a beaucoup aimé tout votre dernier album mais au début on a surtout aimé La mouche
Gari : La mouche celle qui emmerde les milliardaires !

L : Est-ce que vous avez déjà joué avec une chorale ? Je vous demande cela parce que je fais partie d'une chorale et dans la chanson du moussu j'ai reconnu un air que l'on chante (ndP : Bizet).

Gari : Je sais que beaucoup de maitresses ou de profs de musique utilisent Massilia en cours de musique mais nous on a jamais joué avec une chorale en plus de nous. Je sais que des fois ça se fait. Mes collègues de Tryo ont fait ça une fois. Une chorale avait répété plein de trucs ; après ils sont allés répéter 2-3 jours avec eux et ils ont fait un concert avec le chœur derrière. Nous ça ne nous est jamais arrivé.
Janvié : Moi j'ai déjà travaillé avec une chorale de compagnie mais c'était leur projet. Je les ai aidés à être cohérents dans leur voix. Mais on n'a jamais été sur un projet avec une chorale avec Massilia. Ce serait intéressant !
Gari : c'est chouette la chorale. Ça t'apprend à bien chanter, ça te confronte à l'harmonie. Tu vois on chante pas la même chose mais la résultant elle est "waw" .. donc c'est une bonne école. C'est génial.


C : y a-t-il un artiste avec qui vous aimeriez ou auriez aimé chanter ?

Gari : alors là j'en sais rien ... un artiste avec qui aurait aimé faire quelque chose ? on aurait aimé faire un clip avec Charlie Chaplin, on aurait aimé que Miles Davis nous fasse un petit solo de trompette, et on aurait aimé boire l'apéro avec Lemmy de Motorhead
Janvié : Et peut être faire un barbecue avec les Rolling Stones
Gari : Et Bob Marley

L : que vous est-il arrivé de plus original dans un concert (en bien ou en mal) ?

Gari : Un jour on jouais à Aubervilliers, c'était le début de Massilia, il n'y avait pas la sécu et tout ça, et il y a une bonne femme de 70 ans qui arrive devant Tatou et lui envoie un saut d'eau dans la figure ; Tatou il est resté comme un con, et là elle a sorti une espèce de grosse bombe comme en ont les policiers et elle l'a gazé : un truc de fou. On a du arrêter le concert ... c'est un des pires trucs. Et dans les meilleurs trucs c'est dur, car on a beaucoup de chance : on fait une musique qui fait du bien aux gens et on se fait du bien en faisant ça. Donc tous les concerts de Massilia c'est un truc un peu extatique où les gens et les générations se mélangent. Donc les bons moments ce sont tous les concerts. Je m'en rends compte parce que ce qui se passe dans nos concerts c'est quand même extraordinaire à chaque fois. Ça nous emplit beaucoup et ça nous dépasse presque. Nous on allume juste la mèche.

C : Quelle est la ville dans laquelle vous avez joué où il y a eu le plus d'ambiance ?

Gari : Je ne sais pas. Le jour où on a joué à Recife au Brésil, c'était un concert gratuit dans la rue c'était hallucinant. Donc je dirais ça ; en plus ça fait mec qui voyage 😉
Janvié : moi je me souviens d'un concert qui m'avait impressionné quand je suis arrivé derrière les claviers c'était la fête de l'Humanité
Gari : En effet, la fête de l'humanité c'est le concert où on a joué devant le plus de monde je crois ; il y avait presque 100,000 personnes. C'est vrai que c'était impressionnant.

L : quel a été le concert que vous avez fait le plus loin de Marseille ?

Gari : La Réunion ! on a presque fait le tour du monde avec Massilia ; on a de la chance, même si on est des artistes francophones on est allé presque sur tous les continents ; mais en effet le plus loin je crois que c'est la Réunion ; sinon moi avec Oai Star je suis allé en Nouvelle Calédonie, on peut pas aller plus loin que ça.


C : quel style de musique écoutez-vous en dehors du votre ?

Gari : on a la particularité chez Massilia d'avoir des gouts très très larges. Moi j'avoue que j'écoute autant de reggae que de rap, de rock que de musique électronique, de musique traditionnelle, de musique classique, jazz, blues. Tout est intéressant. C'est pour ça qu'en cours de musique on devrait vous apprendre la musique de manière chronologique pour voir ce qui s'est passé avant, parce que tout a nourri ce qui a suivi. La musique c'est extraordinaire pour ça. Le prof de musique, le prof d'histoire, le prof de sciences eco devraient faire leurs cours en parallèle. Il y a eu ça en musique parce qu'il y a eu tel mouvement social. C'est ça qui est intéressant. Donc quand tu deviens un peu plus âgé comme nous et que tu as une vue un peu plus d'ensemble tu arrives à faire des ponts entre l'art et la réalité de ce qui s'est passé c'est ça qui est intéressant.
Après nous on est des musiciens de reggae et très influencés par le hip hop et la manière de faire cette musique là, parce que tu vois on est contemporain de ça donc c'est un peu notre marque de fabrique
Janvié : on écoute de tout

L : est-ce que vous avez un artiste à conseiller ?

Gari : moi j'écoute beaucoup un artiste français qui s'appelle Biga Ranx. C'est un mec qui a une trentaine d'année qui fait un reggae electro assez personnel assez intéressant qui commence à avoir pas mal de succès.
Janvié : Moi je te conseille de découvrir Bernard Lavilliers. En plus d'être une figure emblématique de l'histoire musicale française, c'est un artiste intéressant, très intéressant ; il a des positions bien tranchées sur le monde.
Gari : Un jour ma mère voulait aller voir Lavilliers, et je l'ai amenée un peu en trainant des pieds et j'ai moi aussi passé un moment extraordinaire.


C : est-ce que vous avez un restaurant à nous conseiller ?

Gari : Le Femina à Noailles le meilleur couscous du monde
Janvié : Je ne me souviens plus comment il s'appelle, mais il fait des spécialités créoles du côté du cours julien

L : un livre ?

Janvié : moi c'est plus une collection : c'est La compagnie des glaces de l'auteur de sciences fictions G.-J. Arnaud. Il a écrit ça dans les années 40 je crois. C'est une espèce de saga écrite au moment où on ne savait pas quoi faire de nos déchets nucléaires ; du coup on les envoie sur la lune et la lune finit par exploser et ça change l'atmosphère autour de la terre : on a plus de rayon de soleil, et cela devient la 4ème aire glacière et se développe à ce moment là une nouvelle société ... et ça dure sur 100-150 volumes.
Gari : moi c'est un dictionnaire : c'est le Grand Fictionnaire du théatre de la Rue de Tartare (voir ici) qui est un poète avec qui j'ai travaillé pendant de nombreuses années et qui est décédé l'an dernier. Il a fait ce dictionnaire sur tous les mots du spectacle ; qu'avec des définitions très singulières. C'est un peu un bouquin que tu ouvres à n'importe quelle page ; j'aime bien les livres comme ça.

C : vous arrive-t-il d'écouter votre propre musique (quand vous rentrez à la maison par exemple ?

Gari : on l'écoute beaucoup pendant qu'on est en train de la faire, de la créer, presque de manière aliénante. A s'en rendre fada. On l'écoute en fait tant que personne ne l'a écoutée, avant que ça sorte. Après, dès que le disque est sorti, on dirait que ce n'est pas nous qui l'avons fait. En gros on l'écoute jusqu'à ce qu'il sorte et quand il est sorti on l'entend de temps en temps.

L : et comment choisissez-vous si vous chantez en provençal ou en français ?

Gari : ça tu sais c'est l'inspiration qui le décide. Mais souvent tout ce qui est un peu amour poétique, c'est en provençal. On arrive à amener plus de poésie avec le provençal. Après il n'y a pas de règle : on peut faire un texte radical très politique en provençal aussi. Souvent ça s'impose aussi par les personnes : si je fais un duo avec Moussu t je vais surement chanter en français et lui en provençal.


C : est-ce que vous parlez le provençal couramment ?

G : Pour parler une langue couramment, il faut la parler couramment, à savoir tous les jours : pour aller acheter le pain, .. donc ce n'est pas le cas. On n'est pas comme en Bretagne ou en Corse dans les villages ou au pays Basque. Donc c'est un truc qu'on cultive entre nous. Moussu T on peut dire qu'il parle le provençal, l'occitan de manière courante. Maintenant moi tu m'immergerais pendant 15 jours dans un endroit où on ne parle que provençal et bien je parlerais provençal couramment. Je m'en suis rendu compte. Un jour on est allé travailler en Angleterre pendant 3 semaines et je ne suis pas super fort en anglais. Au bout d'une semaine je me promenais le matin dans le marché et je comprenais.

L : avez-vous une tenue particulière pour les concerts ?

Gari : Oui, après on change à chaque tournée. Moi par exemple je suis tout le temps habillé pareil sur cette tournée là depuis cet été. Après la tournée de l'été prochain je serai surement habillé différemment mais on a nos affaires de scène car mettre ta tenue de scène c'est aussi te mettre dans la bonne énergie pour monter sur scène (J : dans le rôle). Le truc du costume de scène c'est important, tu rentres dans la loge, tu le mets sur le cintre ...

L : comment vous sentez vous au début des concerts ?

Gari : concentré ; avec les années le trac ça devient presque un truc de rigueur et pour ne pas avoir le trac je mets mes affaires sur le cintre. Avant le concert on est tous derrière le rideau, je dois boire une gorgée 50 fois en 10 minutes ; j'ai mes kleenex et je dois me moucher 800 fois. En fait tu es dans un état un peu particulier qui n'est pas normal. Tu entends des gens qui crient en t'attendant.
Janvié : Oui, tu es dans ton monde.

L : je crois que c'était la dernière question, merci et bon concert

Gari : c'était super comme itw, vraiment ; c'était mortel
Janvié : y a certains journalistes qui devraient prendre exemple 😉


Nous les avons ensuite laissé car c'était l'heure de "l'apéro parking". Notre mère nous avait rejoint, nous sommes donc allé dans la salle en attendant que le concert commence (voir la chronique de Philippe ici et celle de Chichi et Banane qui faisait la première partie, là)

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