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Chronique de concert Me As The Devil (+ Fragile Figures)
Vendredi 15 novembre 2024 : 6918 concerts, 27222 chroniques de concert, 5420 critiques d'album.
Chronique de Concert
Me As The Devil (+ Fragile Figures)
Ne nous mentons pas, sous nos vernis aimables et civilisés, nous avons toutes et tous un alter ego invisible, un Moi caché moins reluisant, un "dark passenger"... Celui qui remâche discrètement nos noires pensées, ravale nos viles mesquineries et encaisse nos pulsions violentes d'Eros/Thanatos, celui que le bon docteur Freud avait appelé notre Inconscient. La plupart d'entre nous parvient à le contenir, à très bien vivre en l'ignorant. Et après tout sauf à trop s'en approcher par la psychanalyse ou par des moyens psychotropes, la plupart d'entre nous, en respectables docteurs Jekyll que nous pensons être, n'aura jamais trop à connaître de son Mister Hyde...
Il est pourtant quelques rares individus qui lui prêtent l'oreille, à leur Cthulhu personnel, qui ont le courage de regarder ses orbites obscures en face, voire de tendre témérairement la main à travers le miroir, jusqu'à portée de ses tentacules visqueuses. Et même de le laisser jaillir du gouffre et s'ébattre temporairement à l'air libre, au risque que la Bête libérée ne retourne pas volontiers ensuite à sa niche de sombres impensées, tel le Mind Flayer évadé de son portail et fondant sur Hawkins...
Prenez Marc Strebler... Père d'une grande et belle famille, notoirement aimable et riant ami de tou.te.s, amateur de houblon et de jarrets de porc, et surtout musicien accompli : enseignant la guitare et la basse, membre de multiples groupes formels ou informels, il s'est aussi déjà produit en frontman de Skull aux Eurockéennes à la toute fin du siècle dernier, et même au Hellfest comme side-kick de Crown, pendant ce siècle-ci ! De quoi bien remplir une vie d'artisan musicien ? Oui mais justement, non, car il a un dark passenger, qui lui est un Artiste : un visionnaire de mondes apocalyptiques, déchiffreur de runes mystérieuses, voire amateur de rites cannibales, hurlant son désespoir enchaîné au fond de donjons cyclopéens, la psyché traversée de paysages mentaux orageux et violents...
Nommé Me as the Devil ou MAD (peut-on imaginer pseudonymes plus signifiants ?), cet alter ego (qui ne dépasse habituellement que ... capillairement), lui échappe donc régulièrement, pour son plus grand effroi (et notre plus grande joie). En 2010, il sort un disque prometteur, donne quelques concerts avant d'être rattrapé.... En 2013, il poursuit par la sortie du magnifique Cannibal (EP) qui nous avait alors inspiré une uchronie où MAD partirait à l'assaut du Monde, renverserait le Metal et s'emparerait de sa Couronne... Que nenni, le Metal attend toujours son prochain prophète... Et tant mieux pour Marc peut-être ? Car la Bête est à nouveau enfermée à double tour, sans doute enchaînée au fonds d'un puits - et ne donnera plus de nouvelles pendant une décennie.
Mais voici qu'en ce début 2024, Me As The Devil refait surface, et fait paraître un nouvel album, Bhell City ! Rendez-vous est donc donné depuis des mois au 7 mai 2024, via des trailers aussi somptueux qu'alléchants - un par morceau, postés sur la page FB du groupe par son leader. La Release Party a été programmée à la Maison Bleue, une jolie et accueillante salle de concert et de répètes du sud strasbourgeois, que beaucoup d'entre nous découvrent à cette occasion. N'ayant jamais vu MAD en concert (un comble, ou bien ?), on s'est démerdés (discrètement) pour pouvoir être à cette soirée et on ne le regrettera pas avant même la première note de musique : force est de constater que sont présents (ou représentés) dans la salle, à peu près tous nos amis d'Alsace et même plusieurs de leurs enfants ! Rien que d'embrasser tout le monde nous occupera donc un certain temps...
En ouverture de soirée, Fragile Figures, auto-défini comme french cinematic noise band, est un duo guitare-basse (avec un ancien de MAD dedans, à la 4-cordes), accompagné d'un batteur doué mais un peu transparent (...une machine, quoi !). Mélodique et vraiment très plaisant, leur post-rock entièrement instrumental sonne franchement cool et inspiré. Blafardisés par les lumières blanches et les projections noir et blanc qu'ils se prennent dans la face, ils semblent en tout cas très habités par leur musique... La quantité de pédales à leurs pieds pourrait presque leur valoir le qualificatif de shoegazers, sauf qu'ils n'ont pas la réglementaire mèche de cheveux pour se cacher et qu'ils sonnent notablement plus méchant ! Vers la fin du set, on se prend tout de même à regretter un peu qu'il n'y ait pas une vraie batterie, pour rendre l'emballage, certes très élégant, un peu moins austère sur la durée...
Mais voici déjà venu le moment très attendu de la nouvelle incarnation de Me as the Devil ! Gonflé à bloc, Marc se présente sur une scène splendidement éclairée et sonorisée avec son complice de toujours à la batterie, le valeureux Nic-U, et trois nouveaux sbires (sauf erreur), soit une puissante ligne d'attaque de 20 cordes, sans même les siennes - lui n'en jouera pas du tout ce soir, car le sombre alter ego est au chant ! Découvrant l'album en direct, on ne précisera pas ici artificiellement les titres même si on a pu les identifier depuis, puisque le concept de la soirée était évidemment de nous faire entendre Bhell City en entier et dans l'ordre... Avec quand même, c'est à préciser, un son clairement plus metal/brutal que sur le disque - et c'est bien ce qui le fait si magnifiquement fonctionner sur scène !
L'introduction est déjà bien agressive, en down-tempo, avant un deuxième titre plus électro tribale, avec voix et voix en chorus d'un guitariste : classe et élégant - "Run for your life !", nous hurle déjà l'Animal, mais pas question qu'on s'éloigne, on l'a attendu si longtemps ! Objectivement, Marc est beau comme un dieu (comme à chaque fois qu'il monte sur scène) - mais sommes-nous totalement objectifs à son sujet, me direz-vous ? En tout cas personne ne pourrait nier que sa voix est splendide et profonde, qu'elle soit hurlée ou posée - c'est un putain de chanteur ! Le son du groupe peut cogner comme sous l'Altar aux refrains avec voix arrachée, tandis que parfois des couplets virevoltent plus légèrement ou sont même chuchotés (Bhell City, ça on l'a bien entendu sans tricher !).
Le groupe produit un son surpuissant, souvent mid-tempo et presque constamment jouissif. L'album (qualifié cryptiquement de "Post=Metal/Prog" par ses auteurs) s'avère bien mélodieux et violent, touchant dans ses intentions vocales, portées par des projections vidéos raccord avec les trailers (mais avouons qu'on les regardera peu, bien plus fascinés par la ligne de front). Par moments, Marc nous remercie, Nic-U et les autres nous haranguent, mais ça repart sans aucun temps mort, dans une très grosse ambiance - nous hurlons notre joie à pleins poumons car si le chanteur est au diable... la salle est aux anges ! Mais c'est déjà le finale annoncé de l'album, avec une introduction où Marc joue du piano, avec une guitare acoustique et la lune projetée - une élégante fausse piste floydienne, qui vire sur son dernier mouvement au heavy émotionnel et classieux.
Pour sa fausse fin de concert, le gang a droit à une belle bronca et revient heureusement jouer deux "vieilleries" qu'à notre grande joie, on reconnaîtra sans difficultés : Evil Eyes issue du tout premier disque (bon d'accord, j'avoue, j'avais noté "Evilize") et l'inoubliée et toujours formidable Cannibal, où l'on réalise à quel point le formidable Nic-U porte également le groupe au bout de ses puissantes baguettes. Un concert fantastique et (donc) trop court, dont on se réjouit en tout cas de pouvoir réécouter les titres à tête reposée, joués à 33 tours par minutes... On finit donc cette magnifique soirée musicale en récupérant le somptueux vinyle collector, réalisé par un autre frère et complice de toujours, l'ami Linus (a.k.a. Le 7e Oeil).
Gentiment éconduits vers la sortie par le staff de la Maison Bleue, on blaguera encore un bon moment dans sa cour, bercée par une nuit heureusement pas trop fraîche ni humide, pour débriefer ce show superbe avec nos copains et copines... Marc, redevenu l'ami souriant, ravi et un peu ému à juste titre de ce glorieux moment, a manifestement pu remettre cette fois encore son personal devil dans sa boite - encore qu'une autre date du groupe est annoncée en Moselle et également très attendue... Mais quid de l'après ?
Car il faut se rendre à l'évidence, quoi qu'il en soit, quoi qu'il en coûte, il n'est sans doute toujours pas trop tard pour partir à l'assaut du Monde, renverser le Metal et s'emparer de sa Couronne. Ne dormez que d'un oeil, faibles humains, car la Bête a vu la Lumière et elle a aimé ça ! Le temps de Me as the Devil peut donc encore advenir...
Photos : Philippe aussi (purement illustratives - voir page FB du groupe pour de meilleurs photos !)
Setlist :
Intro
A Call from the Anciens
Bhell City
Door13
The Running
Behind the Trees
Angels are falling
Toy of the Gods
Bye bye Children
Encore :
Evil Eyes
Cannibal
Il est pourtant quelques rares individus qui lui prêtent l'oreille, à leur Cthulhu personnel, qui ont le courage de regarder ses orbites obscures en face, voire de tendre témérairement la main à travers le miroir, jusqu'à portée de ses tentacules visqueuses. Et même de le laisser jaillir du gouffre et s'ébattre temporairement à l'air libre, au risque que la Bête libérée ne retourne pas volontiers ensuite à sa niche de sombres impensées, tel le Mind Flayer évadé de son portail et fondant sur Hawkins...
Prenez Marc Strebler... Père d'une grande et belle famille, notoirement aimable et riant ami de tou.te.s, amateur de houblon et de jarrets de porc, et surtout musicien accompli : enseignant la guitare et la basse, membre de multiples groupes formels ou informels, il s'est aussi déjà produit en frontman de Skull aux Eurockéennes à la toute fin du siècle dernier, et même au Hellfest comme side-kick de Crown, pendant ce siècle-ci ! De quoi bien remplir une vie d'artisan musicien ? Oui mais justement, non, car il a un dark passenger, qui lui est un Artiste : un visionnaire de mondes apocalyptiques, déchiffreur de runes mystérieuses, voire amateur de rites cannibales, hurlant son désespoir enchaîné au fond de donjons cyclopéens, la psyché traversée de paysages mentaux orageux et violents...
Nommé Me as the Devil ou MAD (peut-on imaginer pseudonymes plus signifiants ?), cet alter ego (qui ne dépasse habituellement que ... capillairement), lui échappe donc régulièrement, pour son plus grand effroi (et notre plus grande joie). En 2010, il sort un disque prometteur, donne quelques concerts avant d'être rattrapé.... En 2013, il poursuit par la sortie du magnifique Cannibal (EP) qui nous avait alors inspiré une uchronie où MAD partirait à l'assaut du Monde, renverserait le Metal et s'emparerait de sa Couronne... Que nenni, le Metal attend toujours son prochain prophète... Et tant mieux pour Marc peut-être ? Car la Bête est à nouveau enfermée à double tour, sans doute enchaînée au fonds d'un puits - et ne donnera plus de nouvelles pendant une décennie.
Mais voici qu'en ce début 2024, Me As The Devil refait surface, et fait paraître un nouvel album, Bhell City ! Rendez-vous est donc donné depuis des mois au 7 mai 2024, via des trailers aussi somptueux qu'alléchants - un par morceau, postés sur la page FB du groupe par son leader. La Release Party a été programmée à la Maison Bleue, une jolie et accueillante salle de concert et de répètes du sud strasbourgeois, que beaucoup d'entre nous découvrent à cette occasion. N'ayant jamais vu MAD en concert (un comble, ou bien ?), on s'est démerdés (discrètement) pour pouvoir être à cette soirée et on ne le regrettera pas avant même la première note de musique : force est de constater que sont présents (ou représentés) dans la salle, à peu près tous nos amis d'Alsace et même plusieurs de leurs enfants ! Rien que d'embrasser tout le monde nous occupera donc un certain temps...
En ouverture de soirée, Fragile Figures, auto-défini comme french cinematic noise band, est un duo guitare-basse (avec un ancien de MAD dedans, à la 4-cordes), accompagné d'un batteur doué mais un peu transparent (...une machine, quoi !). Mélodique et vraiment très plaisant, leur post-rock entièrement instrumental sonne franchement cool et inspiré. Blafardisés par les lumières blanches et les projections noir et blanc qu'ils se prennent dans la face, ils semblent en tout cas très habités par leur musique... La quantité de pédales à leurs pieds pourrait presque leur valoir le qualificatif de shoegazers, sauf qu'ils n'ont pas la réglementaire mèche de cheveux pour se cacher et qu'ils sonnent notablement plus méchant ! Vers la fin du set, on se prend tout de même à regretter un peu qu'il n'y ait pas une vraie batterie, pour rendre l'emballage, certes très élégant, un peu moins austère sur la durée...
Mais voici déjà venu le moment très attendu de la nouvelle incarnation de Me as the Devil ! Gonflé à bloc, Marc se présente sur une scène splendidement éclairée et sonorisée avec son complice de toujours à la batterie, le valeureux Nic-U, et trois nouveaux sbires (sauf erreur), soit une puissante ligne d'attaque de 20 cordes, sans même les siennes - lui n'en jouera pas du tout ce soir, car le sombre alter ego est au chant ! Découvrant l'album en direct, on ne précisera pas ici artificiellement les titres même si on a pu les identifier depuis, puisque le concept de la soirée était évidemment de nous faire entendre Bhell City en entier et dans l'ordre... Avec quand même, c'est à préciser, un son clairement plus metal/brutal que sur le disque - et c'est bien ce qui le fait si magnifiquement fonctionner sur scène !
L'introduction est déjà bien agressive, en down-tempo, avant un deuxième titre plus électro tribale, avec voix et voix en chorus d'un guitariste : classe et élégant - "Run for your life !", nous hurle déjà l'Animal, mais pas question qu'on s'éloigne, on l'a attendu si longtemps ! Objectivement, Marc est beau comme un dieu (comme à chaque fois qu'il monte sur scène) - mais sommes-nous totalement objectifs à son sujet, me direz-vous ? En tout cas personne ne pourrait nier que sa voix est splendide et profonde, qu'elle soit hurlée ou posée - c'est un putain de chanteur ! Le son du groupe peut cogner comme sous l'Altar aux refrains avec voix arrachée, tandis que parfois des couplets virevoltent plus légèrement ou sont même chuchotés (Bhell City, ça on l'a bien entendu sans tricher !).
Le groupe produit un son surpuissant, souvent mid-tempo et presque constamment jouissif. L'album (qualifié cryptiquement de "Post=Metal/Prog" par ses auteurs) s'avère bien mélodieux et violent, touchant dans ses intentions vocales, portées par des projections vidéos raccord avec les trailers (mais avouons qu'on les regardera peu, bien plus fascinés par la ligne de front). Par moments, Marc nous remercie, Nic-U et les autres nous haranguent, mais ça repart sans aucun temps mort, dans une très grosse ambiance - nous hurlons notre joie à pleins poumons car si le chanteur est au diable... la salle est aux anges ! Mais c'est déjà le finale annoncé de l'album, avec une introduction où Marc joue du piano, avec une guitare acoustique et la lune projetée - une élégante fausse piste floydienne, qui vire sur son dernier mouvement au heavy émotionnel et classieux.
Pour sa fausse fin de concert, le gang a droit à une belle bronca et revient heureusement jouer deux "vieilleries" qu'à notre grande joie, on reconnaîtra sans difficultés : Evil Eyes issue du tout premier disque (bon d'accord, j'avoue, j'avais noté "Evilize") et l'inoubliée et toujours formidable Cannibal, où l'on réalise à quel point le formidable Nic-U porte également le groupe au bout de ses puissantes baguettes. Un concert fantastique et (donc) trop court, dont on se réjouit en tout cas de pouvoir réécouter les titres à tête reposée, joués à 33 tours par minutes... On finit donc cette magnifique soirée musicale en récupérant le somptueux vinyle collector, réalisé par un autre frère et complice de toujours, l'ami Linus (a.k.a. Le 7e Oeil).
Gentiment éconduits vers la sortie par le staff de la Maison Bleue, on blaguera encore un bon moment dans sa cour, bercée par une nuit heureusement pas trop fraîche ni humide, pour débriefer ce show superbe avec nos copains et copines... Marc, redevenu l'ami souriant, ravi et un peu ému à juste titre de ce glorieux moment, a manifestement pu remettre cette fois encore son personal devil dans sa boite - encore qu'une autre date du groupe est annoncée en Moselle et également très attendue... Mais quid de l'après ?
Car il faut se rendre à l'évidence, quoi qu'il en soit, quoi qu'il en coûte, il n'est sans doute toujours pas trop tard pour partir à l'assaut du Monde, renverser le Metal et s'emparer de sa Couronne. Ne dormez que d'un oeil, faibles humains, car la Bête a vu la Lumière et elle a aimé ça ! Le temps de Me as the Devil peut donc encore advenir...
Photos : Philippe aussi (purement illustratives - voir page FB du groupe pour de meilleurs photos !)
Setlist :
Intro
A Call from the Anciens
Bhell City
Door13
The Running
Behind the Trees
Angels are falling
Toy of the Gods
Bye bye Children
Encore :
Evil Eyes
Cannibal
Critique écrite le 09 mai 2024 par Philippe
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Me as the Devil : les dernières chroniques concerts
Me as the Devil par Lionel
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