Chronique de Concert
Melody Gardot
Melody Gardot est sans doute la chanteuse de jazz qui a connu le plus de succès ces dernières années et, au vu de la qualité époustouflante des trois albums qui les ont émaillées, c'est tout ce qu'il y a de plus mérité. Il n'était donc pas étonnant que les trois dates consécutives que l'artiste proposait à L'Olympia aient toutes affiché complet très rapidement.
La salle est hétéroclite, on y aperçoit quelques visages connus (on est pour notre part assis juste à côté de la journaliste Sophie Le Saint), et tout le monde semble impatient de découvrir enfin la diva. Sur scène, le décor invite au voyage : au centre trône un vieux globe terrestre comme on n'en trouve plus que chez quelques antiquaires et tout autour sont disposés des malles, des cordages et des sacs, qui évoquent le pont d'un bateau parti voguer sur les mers du monde.
Melody Gardot apparaît d'abord seule pour une première intro vocale, qui se mue ensuite en intro instrumentale lorsque ses musiciens prennent discrètement place derrière elle. Dans l'ensemble, le début du concert sonne très free jazz, mais se structure peu à peu sur Good Bye puis une reprise du Four Women de Nina Simone, avant de s'accélérer avec l'excellentissime (les superlatifs nous manquent) Mira, premier extrait du nouvel opus de la chanteuse, "The Absence", qui séduit instantanément par ses rythmiques et sa chaleur sud-américaines.
Après une courte explication de texte, Melody laisse la place à Irwin Hall, son saxophoniste, pour un solo époustouflant, qui se transforme rapidement en duo avec la batterie, puis en vraie jam session avec l'ensemble de l'orchestre. Le virtuose se permet même de terminer en jouant de deux saxophones en même temps, ce qui est certes un peu gadget, mais clôt de belle manière un intermède instrumental assez extraordinaire.
Melody revient alors en scène vêtue d'une ample robe noire pour interpréter Les Etoiles, puis Our Love Is Easy, sublimes de sobriété, avant de laisser une nouvelle fois la place à un duo guitare-violoncelle très cinématographique. L'artiste nous livre ensuite une version presque orientalisante de So We Meet Again My Heartache, avant de poursuivre ce merveilleux voyage sur le superbe Lisboa, extrait du dernier album.
On revient aux classiques avec My One And Only Thrill, épuré et émouvant, avant l'indispensable tube Baby I'm A Fool. Melody nous surprend alors avec une version musclée de Who Will Comfort Me, presque blues-rock, qui lui vaut une ovation très appuyée. On sent que la jeune femme a envie d'emballer peu à peu le concert, mais elle peine à faire participer un public un peu apathique. Même sur le très exotique Iemanja, il est difficile de faire sortir L'Olympia de la douce léthargie dans laquelle il est plongé.
Et pourtant, Melody finit par y parvenir, à grands coups de rythmes de samba endiablés. Toute la salle se lève enfin et, sans en arriver jusqu'à arracher les mythiques fauteuils rouges, elle se laisse aller à accompagner l'artiste en frappant des mains avec un plaisir manifeste. C'est le moment que choisit la chanteuse pour quitter la scène, idéal pour s'offrir un rappel enthousiaste.
Décidés à ne pas laisser la salle debout pour rien, les musiciens lancent pour ouvrir ce premier bis une samba instrumentale plus endiablée que jamais et transportent les spectateurs en plein carnaval de Rio. C'est Melody qui calmera le jeu à son retour, avec un titre plus jazzy, avant de mélanger une reprise du Fever de Peggy Lee et du Summertime de Billie Holiday. Nouvelle grosse ovation, dont profitent les musiciens pour sortir de scène et laisser Melody seule avec son guitariste. La belle en profite pour offrir au public parisien une reprise splendide de La Vie En Rose en français dans le texte, ce qui occasionnera d'ailleurs quelques petites hésitations, pas trop préjudiciables heureusement.
Après une énorme standing ovation et un rappel tonitruant, Melody revient une dernière fois sous les projecteurs pour interpréter le classique Somewhere Over The Rainbow dans une version voix-violoncelle toute en délicatesse. Un ultime moment de grâce qui accroche définitivement l'artiste à la voûte étoilée du jazz mondial.
Chef d'orchestre impeccable et star discrète, Melody Gardot aura offert un moment privilégié aux spectateurs de L'Olympia pendant plus de deux heures. N'hésitant pas à proposer des versions très retravaillées de ses titres et quelques reprises bien choisies, ses arrangements fascinent par leur richesse infinie. Alliant sensualité, classe, délicatesse et sens inné de la poésie, Melody Gardot est un être à part qui ne laisse dans son sillage que des auditoires conquis.
Merci à Emmanuelle chez Universal Classics & Jazz.
Critique écrite le 23 novembre 2012 par Fredc
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