Chronique de Concert
Mercury Rev
Quoi qu'il en soit c'est raisonnablement guilleret, voire éméché, que j'aborde le concert dans une salle qui, à ma grande surprise, est loin d'être pleine ... y'a vraiment des styles de musique où le public de Marseille n'est pas à la hauteur de l'événement. Comment peut-on snober ainsi le premier passage des papes de la musique stratosphérique et planante que sont les Mercury Rev, seuls dignes héritiers de Pink Floyd, une musique qui donne envie de courir nu dans des champs de fraises pour toujours, alors que je serais allé les voir en rampant (nu, donc) jusqu'à Nîmes s'il le fallait ?
Par contre les quelques 2 ou 300 personnes qui sont venues savent parfaitement pourquoi : c'est un véritable triomphe qui est réservé à Jonathan Donahue et sa bande des Castkill Mountains, dès la première chanson, pourtant jouée dans un vacarme assourdissant. Ce chanteur on ne peut plus charismatique arborera donc tout le concert un grand sourire (peut-être légèrement cocaïné cela dit, enfin ne médisons pas), un sourire de plaisir d'être sur scène. Son côté maniéré est amusant au début, mais il est au fond tellement naturel qu'il peut même battre des ailes ou faire des entrechats sans qu'on trouve ça ridicule ! De plus il est véritablement habité par ses textes et ça, ce n'est jamais ridicule chez un chanteur !
Il faut souligner un remarquable travail sur l'éclairage (comme en rendent compte les photos de Pirlouiiiit) : il y a par exemple eu un moment où, tout simplement, un coucher de soleil a été reconstitué (avec de la fumée, et un subtil mélange de spots violets, bleus, jaunes et oranges). Tout au long du concert les lumières sont soignées et correspondent parfaitement aux chansons (habituellement c'est un truc que je ne remarque même pas, c'est dire).
Sur le fond de la salle, des images fixes ou animées ont défilé tout le concert, avec des aphorismes et autres proverbes ésotériques. Du genre qu'il y a sur les Powerpoint qu'on reçoit par mail et qui commencent pas "If you have a bad day ...". De la part de n'importe qui ça ferait cucul, mais chez eux, ça passe, tellement la musique euphorise, même des phrases comme Love is the answer et autres mièvreries deviennent charmantes.
Musicalement et vocalement au top, le Mercury Rev enchaîne les tubes et des chansons moins connues des trois derniers albums (les meilleurs, les premiers étaient inécoutables). Le groupe commence par la très floydienne Secret for à song pour donner le ton : il s'agit bien de défendre le nouvel album, The Secret Migration (et tant pis si ce n'était pas le meilleur). Dans le même genre on aura aussi droit à Black forest, My love où la voix haut perchée du chanteur fait des merveilles, mais aussi Diamonds (presque drôle tellement le chanteur est guilleret), ou encore In the Wilderness, très Lennonienne, qui donnerait presque envie de devenir hippie.
Deserter's Song aussi est revisité, on est gâtés : après The funny bird (battons des ailes tous ensemble), on plane sur Tonite it shows (on se prend à douter de l'existence de Dieu), un clin d'oeil appuyé à Procol Harum avec le très beau slow Opus 40 (merde, personne à enlacer, dommage), et l'on s'envoie définitivement les neurones en l'air sur Holes qui ouvrait l'album.
L'album All is Dream n'est pas en reste avec notamment la poignante Tides of the moon, grand frisson de la soirée, mais aussi Spiders and flies et ses miaulements haut perchés et délicieux. Quand à la symphonique et bouleversante The dark is rising qui ouvrait cet album (mon préféré), elle aura l'honneur de terminer le deuxième rappel pour notre plus grand bonheur. En bonus, une chanson inédite, There you are, et une ancienne unplugged d'un album non identifié (Arise ?).
Sur cette pop planante, l'on repense au plaisir pris lors de concerts d'Archive, à l'euphorie qui nous avait saisis au concert de -M-, bref on est sur la planète des très grands artistes à l'effet quasiment psychotrope. Je me demande pourquoi on ne fait pas immédiatement sortir des hopitaux tous les dépressifs, tous les malades, tous les vieux, pour leur faire écouter du Mercury Rev ! Cette musique, c'est du Prozac pour les oreilles, que dis-je, presque du Viagra, de quoi reboucher le trou de la Sécu !
Une heure et demi d'un concert généreux et chaleureux qui confortera les fans dans leurs certitudes : Mercury Rev c'est sublime !
A la fin du concert, leur envie de rencontrer le public est encore flagrante : 3 minutes après avoir quitté la scène, C.A. Molina (le bassiste) et Jeff Mercel (le clavier) sont déjà dans l'entrée de l'Espace Julien, disponibles et sympas.. Le grand Donahue himself vient faire encore des sourires même s'il finira par se cacher en backstage. Grasshopper le guitariste aussi fait un tour dehors. Où l'on apprend que non, ils ne se sont pas baignés dans la mer, que oui en effet ils se battent souvent sur scène mais pas ce soir, que demain ils joueront à To lose (hi hi)...
Où l'on se fait confirmer que le plus beau t-shirt du groupe à vendre est bien le modèle féminin (i don't know why the girls always get the best band shirts confirme Mercel), bref où l'on discute de tout et de rien comme avec des potes, avec des putains de cadors du rock.
C'est rare pour des stars anglophones d'être encore si disponible, alors souhaitons une excellente route à la comète Mercury Rev en espérant qu'elle re-survolera la France d'ici moins de 77 ans ...
Photos Pirlouiiiit
Play list : Un grand merci à Benjamin qui a bien voulu me l'envoyer par mail (les fans se les sont arrachées, c'était ça ou tabasser une jeune fille...)
Secret for a song
Black forest (lorelei)
The funny bird
Tides of the moon
Tonite it shows
My love
Vermillion
Diamonds
Opus 40
There you are
Holes
In the wilderness
Spiders and flies
Arise
The dark is rising
Critique écrite le 01 juin 2005 par Philippe
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