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Chronique de Concert

METZ, En Attendant Ana, Limboy

METZ, En Attendant Ana, Limboy en concert

Le Héron Carré, Angers 30 août 2022

Critique écrite le par

METZ à Angers, le 30 août, la date était bloquée depuis longtemps. On débarque donc le jour dit, et avec toujours beaucoup de plaisir, dans la cité angevine pour rejoindre le Héron Carré, le lieu du concert. On pouvait s'attendre à ce qu'une salle comme le Chabada accueille le trio canadien, étant donné sa réputation, mais c'est une guinguette au bord de la Maine qui aura, ce soir, cet honneur. Pour être tout à fait sincère, cela n'a pas manqué de décontenancer le touriste de passage, ignorant en grande partie les réalités locales : assister à un concert à 300 km de chez soi et se retrouver -sérieusement ? - dans une guinguette ? Mais l'endroit est idyllique : il fait beau et chaud, la Maine est en contrebas avec, en ligne de mire, le château d'Angers ; une foule bigarrée et assez jeune se masse autour des deux bars et sur les espaces verts environnants, dans une douce ambiance de fin de vacances. On comprend vite en captant quelques discussions au vol qu'il en a fallu de la foi aux organisateurs pour proposer un tel concert, gratuit qui plus est, et que METZ est un groupe intègre et reconnaissant vis-à-vis de celles et ceux qui l'apprécient au point d'accepter de jouer dans des conditions sans doute inhabituelles, sur une petite scène en bois avec un éclairage minimaliste (deux spots de lumières jaunes en tout et pour tout) et parée d'une modeste sono. On se dit qu'on est, là, dans l'idéal de l'indie rock, éloigné de l'emprise du business et de l'obligation de la rentabilité économique, au milieu de personnes dévouées uniquement au bien-être que procure la musique. Alors bravo au Héron Carré, chapeau bas au trio canadien.

En première partie, le groupe En Attendant Ana joue une Pop tour à tour délicate et enlevée, parfaite pour ce début de soirée, tandis que dans la foulée les Angevins de Limboy, dont on entend dire dans la foule qu'il s'agit seulement du troisième concert, livre des morceaux garage punk très convaincants et chantés en chœur par un public de fans nombreux et bien énervés : tout à fait le style de groupe que l'on peut s'attendre à voir en ouverture du festival Levitation tant il maîtrise son sujet et paraît parfaitement à son aise sur scène.



La nuit tombe et METZ investit la scène en toute modestie pour, immédiatement, faire exploser son imposant mur du son. Le pogo qui se forme alors dégage un nuage de poussière impressionnant, qui ne manque pas d'envahir la scène à certains moments. La musique du groupe de Toronto impose d'emblée à ceux qui la jouent un investissement total, réclamant de chaque musicien qu'il concentre toute l'énergie dont il dispose pour la libérer intégralement dans la performance. On ne peut imaginer le groupe fatigué, ce serait une aberration, un non-sens total. METZ en live, c'est l'obligation inconditionnelle d'être à 100% dans ce qui est joué : pas de marge d'interprétation possible, seulement un effort de tous les instants pour être le plus explosif possible.



C'est probablement une expérience limite, impliquant une discipline de fer, ce que montre l'extrême tension de chaque musicien, exigeant de celui-ci qu'il extériorise sa propre fureur sur toute la durée du concert et avec la même intensité, mais sans jamais donner l'impression qu'elle lui échappe. C'est la grande différence avec un groupe comme Idles, proche de METZ sur bien des points (et ce n'est pas la collaboration récente avec Joe Talbot qui le démentira) : le premier recherche également la fureur mais celle-ci, parfois, finit par générer du chaos (ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose, d'ailleurs), tandis que, chez le second, elle est sans cesse sous contrôle afin d'être conduite exactement là où il fallait qu'elle parvienne. L'effet est moins spectaculaire, certes, mais on peut penser qu'il gagne en efficacité. Il suffit de voir et d'entendre METZ jouer "A boat to drown in", extrait de leur extraordinaire dernier album "Atlas Vending" pour le comprendre : le son est, comme souvent, massif et percussif avec une voix au bord de la rupture, mais l'énergie déployée au début se concentre, dans la seconde moitié du morceau, sur un motif mélodique répété tel quel sur plusieurs minutes, indiquant apparemment à l'auditeur une voie à suivre. On a alors l'intuition que s'opère une métamorphose : une pure réaction agressive devient une action volontaire capable de changer positivement une situation.



METZ est l'incarnation parfaite de la force de la volonté, transformant celle-ci en véritable puissance. Parler de puissance, ici, n'est pas exagéré. La guitare stridente, la rythmique lourde et frénétique font penser à tout ce qui nous agresse - physiquement et psychiquement - au quotidien : la circulation sur un périphérique de grande ville, des rues bondées et bruyantes, des relations sociales compliquées et tendues, un travail soumis à un rythme infernal, les lumières artificielles des supermarchés, l'accumulation de la paperasserie administrative, etc. Mais il ne s'agit pas, pour le groupe, de ne proposer qu'une description de la vie contemporaine, puisqu'il est également question, comme on l'a suggéré plus haut, d'initier une réaction, puis une action. Il s'agit de ressentir les agressions de cette vie et d'y répondre en concentrant toute la force, physique et mentale, dont on dispose pour, fermement lui imposer sa volonté propre : l'intensité de la réponse - la musique de METZ nous porte sans cesse à la limite de ce que nous sommes capables d'écouter - est à la hauteur de la violence dont nous sommes chacune et chacun les victimes au quotidien. Et là est la puissance de ce combo : conserver cette intensité sur chaque morceau, persévérer dans un tel engagement album après album montre à quel point les trois musiciens se servent des agressions que nous inflige notre environnement urbain pour les transformer en capacité de résistance et de création.

Le public peut, bien entendu, retrouver en lui la même capacité. Il ressort lessivé d'un concert de METZ, mais l'expérience est cathartique : tensions, frustrations et crispations accumulées sont expulsées tandis qu'augmente la volonté de faire face à ce qui nous diminue. Le concert s'achève alors comme il avait commencé au Héron Carré, dans la poussière, mais avec l'impression euphorisante d'avoir été lavé jusqu'à l'os.

Photos : Stéphane Vidroc




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