Chronique de Concert
METZ, En Attendant Ana, Limboy
En première partie, le groupe En Attendant Ana joue une Pop tour à tour délicate et enlevée, parfaite pour ce début de soirée, tandis que dans la foulée les Angevins de Limboy, dont on entend dire dans la foule qu'il s'agit seulement du troisième concert, livre des morceaux garage punk très convaincants et chantés en chur par un public de fans nombreux et bien énervés : tout à fait le style de groupe que l'on peut s'attendre à voir en ouverture du festival Levitation tant il maîtrise son sujet et paraît parfaitement à son aise sur scène.
La nuit tombe et METZ investit la scène en toute modestie pour, immédiatement, faire exploser son imposant mur du son. Le pogo qui se forme alors dégage un nuage de poussière impressionnant, qui ne manque pas d'envahir la scène à certains moments. La musique du groupe de Toronto impose d'emblée à ceux qui la jouent un investissement total, réclamant de chaque musicien qu'il concentre toute l'énergie dont il dispose pour la libérer intégralement dans la performance. On ne peut imaginer le groupe fatigué, ce serait une aberration, un non-sens total. METZ en live, c'est l'obligation inconditionnelle d'être à 100% dans ce qui est joué : pas de marge d'interprétation possible, seulement un effort de tous les instants pour être le plus explosif possible.
C'est probablement une expérience limite, impliquant une discipline de fer, ce que montre l'extrême tension de chaque musicien, exigeant de celui-ci qu'il extériorise sa propre fureur sur toute la durée du concert et avec la même intensité, mais sans jamais donner l'impression qu'elle lui échappe. C'est la grande différence avec un groupe comme Idles, proche de METZ sur bien des points (et ce n'est pas la collaboration récente avec Joe Talbot qui le démentira) : le premier recherche également la fureur mais celle-ci, parfois, finit par générer du chaos (ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose, d'ailleurs), tandis que, chez le second, elle est sans cesse sous contrôle afin d'être conduite exactement là où il fallait qu'elle parvienne. L'effet est moins spectaculaire, certes, mais on peut penser qu'il gagne en efficacité. Il suffit de voir et d'entendre METZ jouer "A boat to drown in", extrait de leur extraordinaire dernier album "Atlas Vending" pour le comprendre : le son est, comme souvent, massif et percussif avec une voix au bord de la rupture, mais l'énergie déployée au début se concentre, dans la seconde moitié du morceau, sur un motif mélodique répété tel quel sur plusieurs minutes, indiquant apparemment à l'auditeur une voie à suivre. On a alors l'intuition que s'opère une métamorphose : une pure réaction agressive devient une action volontaire capable de changer positivement une situation.
METZ est l'incarnation parfaite de la force de la volonté, transformant celle-ci en véritable puissance. Parler de puissance, ici, n'est pas exagéré. La guitare stridente, la rythmique lourde et frénétique font penser à tout ce qui nous agresse - physiquement et psychiquement - au quotidien : la circulation sur un périphérique de grande ville, des rues bondées et bruyantes, des relations sociales compliquées et tendues, un travail soumis à un rythme infernal, les lumières artificielles des supermarchés, l'accumulation de la paperasserie administrative, etc. Mais il ne s'agit pas, pour le groupe, de ne proposer qu'une description de la vie contemporaine, puisqu'il est également question, comme on l'a suggéré plus haut, d'initier une réaction, puis une action. Il s'agit de ressentir les agressions de cette vie et d'y répondre en concentrant toute la force, physique et mentale, dont on dispose pour, fermement lui imposer sa volonté propre : l'intensité de la réponse - la musique de METZ nous porte sans cesse à la limite de ce que nous sommes capables d'écouter - est à la hauteur de la violence dont nous sommes chacune et chacun les victimes au quotidien. Et là est la puissance de ce combo : conserver cette intensité sur chaque morceau, persévérer dans un tel engagement album après album montre à quel point les trois musiciens se servent des agressions que nous inflige notre environnement urbain pour les transformer en capacité de résistance et de création.
Le public peut, bien entendu, retrouver en lui la même capacité. Il ressort lessivé d'un concert de METZ, mais l'expérience est cathartique : tensions, frustrations et crispations accumulées sont expulsées tandis qu'augmente la volonté de faire face à ce qui nous diminue. Le concert s'achève alors comme il avait commencé au Héron Carré, dans la poussière, mais avec l'impression euphorisante d'avoir été lavé jusqu'à l'os.
Photos : Stéphane Vidroc
Critique écrite le 21 septembre 2022 par Stephane Vidroc
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