Chronique de Concert
MIOSSEC (+Jull)
Une ambiance de recueillement des plus intimistes accueillait ainsi en première partie le régional de l'étape JULL et ses ambiances sonores si particulières, seulement accompagné de l'ex-VIRAGO (et actuel membre de ZYGOMA) Olivier DEPARDON s'occupant seul des parties musicales (guitare acoustique, électrique, lancement de samples,...).
S'inscrivant dans une lignée de chanson française à texte déclamée sur d'étranges vagues musicales, l'univers de JULL n'est pas sans rappeler les expérimentations passées des regrettés DIABOLOGUM (ou même celles des deux groupes qui ont suivi la séparation du groupe, EXPERIENCE et PROGRAMME).
On est immédiatement scotché par ces mots si tranchants et touchants qui nous sont ainsi jetés en pâture et par l'implication de ce chanteur, dressé derrière son micro, nous invitant à entrer dans son monde quasi-cinématographique assez sombre. La musique (ou devrais-je dire le fond sonore) est très minimaliste et on comprend alors que ce qui intéresse JULL par-dessus tout est d'installer une ambiance musicale correspondant à chacun de ses textes et permettant de ressentir pleinement la tension et le malaise qui ressortent à l'écoute de ses mots. Les morceaux sont assez courts et s'enchaînent les uns après les autres quasiment sans un mot adressé au public, ce qui renforce encore l'atmosphère pesante qui règne dans la salle ; là où un Dominique A plaisante et décontracte son public entre deux chansons particulièrement sombres, JULL prend le parti de le laisser seul à méditer au premier degré sur la noirceur des textes proposés...
Et c'est peut-être là le petit reproche que l'on peut lui adresser sur un concert comme celui-là ; autant il est assez facile de rentrer dans l'ambiance de ses petites vignettes minimalistes qu'il nous propose, autant il est par contre un peu délicat d'y rester attentif et passionné sur la longueur ; Le manque de musiciens sur scène (et ce malgré les parfaits accompagnements de guitare d'Olivier) ainsi que les trop nombreuses parties musicales pré-enregistrées font un peu chuter l'attention qu'on peut lui porter notamment lorsqu'il fait les cents pas sur scène dans l'attente de la fin de son sample...Ce petit bémol est d'autant plus regrettable qu'on imagine assez bien JULL accompagné par trois ou quatre musiciens comme un percussioniste discret ou un pianiste subtil, pour mettre en valeur ses textes (magnifiques pour la plupart) et apporter la profondeur musicale qui manque à la présentation de son univers en live. Peut-être n'a t-il pas encore trouvé les musiciens lui correspondant ou peut-être préfère t-il se contenter d'une approche scénique plus "rassurante" avec ces parties pré-enregistrées...
En tout cas, comme il le décrit lui-même dans une de ses chansons, JULL est un "sanglier", qui gratte, qui creuse, qui cherche un univers musical différent de ce que l'on entend habituellement... il y arrive déjà partiellement et c'est déjà beaucoup ; on ne peut que lui souhaiter de continuer à creuser son tunnel pour trouver la formule adéquate qui verra ses poèmes idéalement transposés au grand jour...
Une courte pause et Christophe MIOSSEC prend ensuite possession de la scène ; simplement accompagné par son pianiste dans un premier temps, le premier (nouveau) morceau proposé (et apparemment premier single attitré du futur cinquième album) "Je m'en vais" sera en demi-teinte, la faute à des paroles pas encore complètement mémorisées par notre ami breton (et ce malgré les anti-sèches placées sur un pupitre devant lui)...
Il est vrai que l'ambiance très calme et particulièrement attentive régnant alors dans la salle n'a pas du faciliter la tache de MIOSSEC qui, ce n'est plus un secret pour personne, peine toujours à se sentir à l'aise sur scène devant un public. Ce ne sont pas les anciens morceaux suivants qui vont vraiment le rassurer puisque, malgré l'arrivée de l'ensemble de ses musiciens sur scène (batterie, basse et guitare), "Ainsi soit-elle" souffrira-t-elle aussi de quelques oublis génants alors que "Je plaisante" sera carrément raccourcie par rapport à la version originale de l'album "Baiser". Il faudra attendre le quatrième morceau, l'exceptionnel "Crachons veux tu bien" du tout premier album, pour voir le groupe atteindre sa vitesse de croisière et relancer MIOSSEC dans la partie ; et force est de constater que ça fonctionne bien ! Christophe a l'air parfaitement sobre (bouteille d'eau sur scène et pas de clope au bec...assez nouveau par rapport aux tournées (générales !) précédentes...) ce qui se ressent vraiment à l'écoute de sa voix (vraiment bien maîtrisée ce soir) et son groupe apporte l'énergie nécessaire dans un registre beaucoup plus rock que d'habitude...
Il balance ensuite deux nouvelles chansons assez enthousiasmantes qui décuplent notre curiosité d'entendre ce futur cinquième album : l'énergique "Pentecôte" ? et surtout le très emballant "Tonnerre de Brest" ? passent haut la main l'épreuve de la scène et nous montre un MIOSSEC toujours centré sur ses thèmes de prédilections avec ces mêmes mots désormais classiques dans son répertoire (on retrouve même "Recouvrance" dans sa chanson sur Brest ! ) mais beaucoup plus énergique que par le passé.
Le concert désormais lancé, on retrouve avec plaisir d'anciens morceaux, quasiment tous retravaillés par rapport aux arrangements originaux, puisque s'enchaînent alors le single "La Fidélité" (orienté "guitare" et très percutant !), une version assez calme et posée de "Tonnerre" et l'indispensable "Le cul par terre" avec un final musical tout en puissance, voyant MIOSSEC assez étonné de voir sa section rythmique (impeccable batteur en tête !) emmener son morceau vers des contrées rock plutôt tonitruantes !
Deux morceaux de son dernier album viendront prendre le relais avec une magnifique version de "Brûle" alternant passages calmes et explosifs suivie par l'impeccable "Madame", un des plus beaux textes de Christophe, le montrant pour une fois posé et mature. Ainsi, à la différence de la précédente tournée, MIOSSEC force beaucoup moins sa voix et se concentre sur la justesse de celle-ci, ce qui est fort appréciable et particulièrement adapté à ses paroles toujours impressionnantes de pertinence.
A la remarque d'un spectateur ("Que s'est-il passé ? Ce concert devait pas être en acoustique ?"), il rétorqua alors qu'une subite "montée d'acné" avait changé la donne pour leur faire choisir finalement une interprétation très électrique ! Très honnêtement, la qualité des morceaux interprétés ce soir ne peut décemment pas nous faire regretter ce show acoustique initialement prévu...par contre, on peut peut-être se poser la question de la pertinence du choix de la salle! On aurait effectivement bien aimer voir un public debout et plus réceptif aux versions rock proposées ce soir (heureusement encore, on a quand même pu rester debout sur les cotés de la salle car j'aurais eu beaucoup de mal à profiter de ce concert comme il se doit, vautré sur un fauteuil tel un buf devant sa télé !)
Cette remarque est d'autant plus flagrante avec la très punk et toujours terrible "Les bières (aujourd'hui s'ouvrent manuellement)" (seule chanson du troisième album proposée ce soir...) qui aurait très certainement fait bouger énergiquement quelques personnes dans une fosse digne de ce nom !
Mais ne boudons pas notre plaisir, le concert se termine par un autre nouveau morceau ("Essayons" ?) puis par une version pour le moins "légère" de "Regarde un peu la France" avec un final "regarde un peu ma frange ...+ rire et improvisation" de la part de MIOSSEC au chant qui (pour ceux qui connaissent le morceau !) lui évitera d'avoir à choisir un nom de politicien-cible pour la fameuse phrase "immobile devant Pasqua l'horreur" !!!
Les ovations sincères du public précèdent un rappel attendu dans lequel se succèderont un autre nouveau morceau assez emballant ("Rester en Vie" ?) puis "Dom-Tom" et "Que devient ton poing quand tu tends les doigts ?". On peut quand même alors adresser un très léger reproche au pourtant excellent groupe de MIOSSEC, qui a tendance à appliquer un peu trop la même formule "calme au début puis montée finale en puissance" à tous les morceaux (un peu comme le font sur quelques chansons les membres de LUKE) ce qui a tendance à rendre les nouvelles orchestrations un peu trop prévisibles au fur et à mesure de l'avancée du concert.
Un deuxième rappel (également prévu sur la set-list) verra Christophe impeccablement interpréter "Grandir" avec son groupe puis une chanson que je ne connaissais pas ("Rose" ?) seul avec son pianiste pour enfin empoigner une guitare et rester seul sur scène pour une improbable version tragi-comique de "Non, non, non (je ne suis plus saoul )" pendant laquelle, à défaut de démontrer un exceptionnel talent de guitariste ( !) il prouvera à tout le monde qu'il est capable d'autodérision sur ses chansons (exploser de rire en plein milieu du couplet et balancer un "allez, maintenant un peu de Lynyrd Skynyrd à fond les manettes" n'est pas forcément donné à tout le monde, notamment bon nombre de chanteurs français bien trop persuadés d'incarner l'art à eux tous seuls et incapables de la moindre note d'autodérision sur ce qu'ils font !).
MIOSSEC reviendra une troisième fois avec son groupe au complet pour ce que l'on peut appeler un "vrai" rappel qui le verra interpréter la très sombre "Des Moments de Plaisir" avec fougue et enthousiasme (ce qui nous rappellera encore à quel point "Boire" est un album exceptionnel !) avant de rejouer avec ses musiciens la toute première chanson "Je m'en vais" qui rentre déjà diablement bien dans la tête (et dont le refrain "Je n'ai aimé que toi" n'est pas sans rappeler le "Je t'ai toujours aimée" de Dominique A.)
Une bien belle soirée donc avec un MIOSSEC appliqué et jovial à défaut d'être toujours parfait dans son interprétation et surtout une set-list assez exceptionnelle mélangeant parfaitement nouveaux morceaux accrocheurs et anciennes chansons toujours aussi émouvantes...
Vivement le prochain album...
Critique écrite le 23 octobre 2003 par MUSeIC
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