Chronique de Concert
(mon) Hellfest 2024, 1-3 : Kanonenfieber, Steel Panther, Tom Morello, Clawfinger, Amorphis, Machine Head, Fu Manchu, Anaal Nathrak (+ Gaupa, Acid King, Shaka Ponk, Prodigy)
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Pour tester notre sang-froid, la SNCF a coupé net et en plein milieu notre périple vers ce Hellfest 2024, avec une bonne blague : gare de Marnes-la-Vallée évacuée, puis train pour Nantes supprimé - le seul du tableau ! Pas d'autre train avant des heures et de toutes façons plus aucune place disponible ce jour-là... Gargl. Lost in translation... Qu'à cela ne tienne, après un bref instant de panique, on a sauté dans le RER vers Paris et au moins, on aura vu la Gare Montparnasse floquée aux couleurs du Hellfest - ce qui est notoirement plus joli que l'entrée de Disneyland ! Heureusement pour nous que pour les autres festivaliers ce vendredi était déjà le jour 2, sinon on y serait sans doute encore...
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Il est vrai que c'était déjà la troisième bonne blague de cette édition un peu contrariée : la première étant qu'on avait pas réussi du tout à avoir des places cette fois (en ayant tout fait comme il faut), la deuxième que notre boite mail nous avait caché jusqu'à J-7 l'accréditation comme chroniqueur demandée à la place (en tremblant), et pourtant accordée dès cette demande, il y a des mois (merci beaucoup !). On avait donc eu qu'une semaine pour organiser une venue qu'on espérait plus du tout, ceci nous foutant dans une belle mouise perso, pro et même ... électorale. Mais hey, qui pourrait bien refuser une accréditation comme chroniqueur au Hellfest - un cadeau de grande valeur monétaire mais surtout pour nous, d'une grande valeur symbolique ?
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Bref, après la traditionnelle et charmante traversée à pied d'un Clisson ensoleillé, on pose le pied sur zone deux heures plus tard que prévu (dégâts limités), pour aller se trouver une toute petite place inventée au fin fond d'un camping à peu près complet (ben oui, on a pas prévu d'Easycamp cette année !), avec une petite inquiétude : notre confort de daron va-t-il être OK, solo dans une petite tente sans aucun équipement de confort ? Est-ce que c'est vraiment plus loin du festoche ? Est-ce qu'il y a autant de toilettes (... et aussi bien entretenus ?) Est-ce qu'on y trouvera du café le matin ? On pourra répondre positivement dès le lendemain matin à toutes ces questions, et les 10 minutes en plus à marcher seront largement payées par des nuits plus calmes que dans les zones d'entrée du festival... Bravo et merci à tous les bénévoles qui rendent cela possible, des minots d'Animaje (petit-déjeuners) aux héros des Gandousiers (toilettes sèches !).
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Oui, désolé, on a encore parlé des gogues du camping : fallait pas nous inviter ! Mais hey, des toilettes sèches pour 40 000 personnes, ça nous impressionne toujours encore... Place à la musique ! Après une première collation/bière bien méritée, enfin arrivé à 18 heures, on pensait pouvoir choper Planet of Zeus (stoner + grec = intrigant !) mais ils ont switché avec Gaupa, toujours stoner mais suédois et assez calme - au moins on commence sans être agressé. Mais bof, pas passionnant a priori, on va donc saluer une première fois la superbe Gardienne des Ténèbres encore endormie, ainsi que le plastron et l'air renfrogné de notre regretté Lemmy. Joli couple infernal en somme... La fin du concert est un peu plus intéressante, avec une guitare acide qui donne finalement une belle tonalité psyché.
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Bien plus rugueux sera le concert de Kanonenfieber, sous la scène Temple : du blackened death metal teuton, que mon Amoureuse m'a dit de ne pas rater (par analogie, ayant adoré DWEF l'an dernier) : ça hurle guttural(ement - vous l'avez ?) et ça cogne très dur avec ces types déguisés (cagoules, uniformes militaires et même un seyant casque à pointe pour le chanteur), qui évoquent paraît-il la Première Guerre Mondiale. La batterie est donc entourée de sacs de sables et il y a un peu de pyrotechnie et d'explosions, et même un petit coup de lance-flammes de 1 mètre d'envergure, façon Rammstein pour les nuls. Tout ça est à la fois original et vaguement pathétique par la mise en scène, et quand même un peu cryptique faute de comprendre les paroles. J'en profite pour un premier tour en zone VIP : c'est vraiment très beau, juste un peu plus petit que je pensais, mais je ne m'y sens totalement touriste-pas-à-sa-place : autant dire que j'en abuserai pas, sur les trois jours.
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Content de revoir les Steel Panther, cette bande d'obsédés sexuels qui nous avaient tant amusés en 2022, ces joyeux crétins adeptes de hair metal, de body building et de pantalons en spandex, résolument bloqués en 1987, c'est marqué dessus le chanteur ("La meilleure année de l'histoire du rock, celle de Appetite for Destruction" !). Avec leur inénarrable playboy peroxydé, chainon manquant entre Guns'n'Roses et Mötley Crüe, et dont la grande passion est les pussies ("J'aime les chattes !", en V.O...). Le second degré est toutefois clairement établi et leurs pitreries sont toujours marrantes, quoi qu'un peu trop cul-cul - 10 minutes ne sont pas passées qu'il y a déjà 50 filles plus ou moins dénudées sur scène. Les paroles voleront toujours à la même hauteur, sous la ceinture donc, parlant un coup de Asian hooker, un coup de Glory hole...
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Plus étonnamment alors que je suis assis dans l'herbe à noter un truc, une fille aux cheveux roses (peut-être agacée par ce show un peu trop male gaze) me met une tape dans la tête en passant (pas trop forte), puis se confond en excuses, limite en larmes, et m'offre pour se faire pardonner un minuscule mais très joli petit canard en plastique, que je ne peux pas refuser. Allez comprendre... Je constate alors que les gens, comme elle peut-être, semblent globalement assez ivres quand même - et comment leur en vouloir en cette belle fin d'aprème ?
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A commencer par ces filles qui s'exhibent toujours complaisamment sur la mainstage, quand elles ne roulent pas carrément des pelles au chanteur qui, se moque le guitariste, pourrait être leur père puisqu'il a paraît-il 70 ans ! Comme il n'est jamais trop tard, ce dernier vient manifestement de découvrir le mot "nichons" et en fait un grand usage, notamment pour exiger la "world record wave of nichons" ! Bon allez passons, on a encore ri et musicalement ça tient assez bien la route, dans son style totalement kitsch et ringard. Par contre, pas d'imitation hilarante d'Ozzy cette fois, dommage...
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Voici ce bon vieux Tom Morello, pas revu depuis les Phophets of Rage aux Eurockéennes il y a quelques années, en costume de boy scout of America... et on va clairement passer à côté ! Ca ressemble plus à Lenny Kravitz qu'à Rage Against the Machine, le type est sympathique mais très prout-prout dans son propos et pire, avec ses solos "random" (on repense à la vidéo dévastatrice que l'irascible Max Yme avait fait sur son style inimitable). Evidemment Take the power back reste une petite madeleine, mais Tom n'est pas franchement un lead singer et son autre chanteur est une vraie baltringue (façon Kravitz, on vous dit !), qui chante comme une patate et pire, rape comme un parpaing. Leur reprise du MC5 en est carrément embarrassante - on décide d'aller voir ailleurs : à lui seul, il ne peut certes pas nous refaire le coup (fumant) des Prophets... On sera donc sur une toute autre scène quand on entendra de loin le riff de Killing in the Name...
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Car on est plutôt allé rendre visite à un vieil amour de jeunesse en Warzone, les suédois de Clawfinger (qui ont pris 30 ans dans la gueule, comme nous, coup de vieux !), "rap metal since 1993", dit leur banderole ? Eh bien ça groove plus que Momo, même s'il n'y a pas la grande foule ! Ici le son est précis et énergique, le leader charismatique et cool, et ils affichent même en bonus un peu d'autodérision, façon Toy Dollz. Très bon moment, je me résous hélas à l'idée qu'ils ne vont pas faire "mon" titre... quand tout à la fin il retentit : la voix enfantine qui ouvre en comptine le mythique Do as I say, n'est pas loin de me foutre les poils ! Rhaââ, merci les gars, j'ai perdu 30 ans pendant 5 minutes, et pu poster la petite vidéo qui va bien à l'attention de mes amis de cette époque (... et qui sont toujours des amis) ! Assurément ma madeleine de Proust du week-end.
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A être dans le coin, on reste pour les Acid King sur la scène Valley : un stoner orthodoxe un peu austère, mais parfois assez groovy, joué à trois dont une dame bien badass, couverte de tatouages. Le chant est un poil faible mais le reste est super, avec un côté autiste charmant - faut quand même aimer le style stoner radical, quoi. Allez, allons rejeter un oeil à Shaka Ponk dont ce serait paraît-il la dernière tournée ? Comme toujours : ils (et elle) sont humainement très attachants, énergiquement toujours survoltés (et largement à leur place au Hellfest, pour ceux qui se demandaient)... mais musicalement épuisants. Vraiment pas possible d'y rester plus de trois chansons !
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A ce moment on tombe par chance sur un moment d'animation de la Gardienne des Ténèbres. Mélange harmonieux d'acier, de câbles et de... tilleul, cette nouvelle apparition représente paraît-il 2 ans de travail, et de 50 personnes ! On a déjà visité les Machines de L'Ile à Nantes par le passé, pris et repris le merveilleux Carrousel des Mondes Marins et même été arrosé par leur Eléphant, et c'est toujours ce même éblouissement. Tant d'art et de technologies, si harmonieusement mêlées, pour sembler donner vie à des créatures mécaniques et organiques géantes... On est saisi d'une étrange émotion, à contempler le clignement des beaux yeux transparents de cette chimère, aussi sexy que terrifiante, animée par une quinzaine de mécanos : elle est juste sublime !
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Un peu plus tard, on donne leur chance aux finlandais d'Amorphis, mélange plaisant de death metal et d'autres influences, avec un peu beaucoup d'orgue quand même et un son parfois presque pop symphonique au final - très distrayant en tout cas, et le côté épique/fun a mis une belle ambiance festive sous la tente Altar. Où pourtant, les hellbangers le savent, on ne rigole certes pas tous les jours, notamment quand on se fait éclater la gueule à 11 heures du mat' contre le bitume par des types maquillés de blanc et noir et couverts de pointes... Avec un petit creux, on repart néanmoins se balader, toujours au son de Shaka Ponk qui reprend (plutôt bien) Smells like teen spirit de Nirvana... Pourquoi pas, whatever. Un "death burger", mal nommé puisque vegan, et rehaussé de sauce samouraï, fera notre affaire...
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Sur le créneau suivant, outre qu'on fatigue un peu, des noms connus mais pas des groupes qu'on aurait dans notre ADN (rappelons qu'en plus on a pas eu le temps de réviser) : Biohazard sonne bof-bof à l'oreille, on se décide plutôt pour les très attendus (mais pas de nous) Machine Head. On écoute ça de loin, flemme de s'approcher ; il y a souvent un groove très puissant sur voix growlée (qui n'est pas sans rappeler Pantera), mais pas forcément un son qui nous fascinerait plus que ça. Ils déroulent et ont formé un énorme moulon très agité devant leur scène ; il faut reconnaître que leur tube Choke on the ashes of your hate fait l'effet d'un cassage de gueule en règle, mais au bout d'un moment c'est trop peu mélodique pour nous. Et quand ça l'est davantage (Locust), c'est le chant en voix claire qui nous gène... Bref, pas fan.
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On fera même une petite sieste "reset" bienvenue loin dans le gazon, pendant leur set (eh oh, pas taper, pas taper on s'est levé il y a 19 heures, okay ?). Et on ira plutôt rebooster notre quintal fatigué à Fu Manchu, meilleure pioche pour nous : une leçon de stoner rock'n'roll précis, inspirant, propre et fuzzy à la fois, offerte par de nobles vétérans, et tellement classe qu'on se demande bien pourquoi on en a pas en vinyle. Ils ont attiré plus de monde qu'on l'aurait pensé - d'autres réfractaires à Machine Head ? Avouons qu'à ce stade on devait quand même être un peu envapé : nos notes deviennent indistinctes et nos impressions après coup, assez floues. Punition auto-infligée : groupe à réécouter, sans faute !
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A la réflexion c'est peut-être bien là qu'on a rencontré le terrible kouign aman de Mémé Patate, ce pur shoot circulaire de sucre gras et doré, une drogue à laquelle on va d'ailleurs tomber accro pour tout le week-end... La fin de cette loooongue journée est un peu à l'avenant : on a bien du somnoler un peu aussi à Fu Manchu, on passe vérifier (sur un écran) si Prodigy est toujours un non-groupe, qui en plus n'a plus d'incarnation physique depuis la mort de sa tête de gondole, et qui joue presque tout en playback dans notre souvenir de Rock en Seine - eh bien c'est toujours le cas ! Dieu sait qu'on a usé et rayé leurs premiers disques pourtant, mais on a arrêté il y a 25 ans et cette fois même Firestarter ou Voodoo People ne nous dérideront pas. Désolé, on est pas venu voir des lights et des lasers, mais plutôt de la "vraie musique"...
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...Ce qui n'est pas forcément la première impression donnée non plus par Anaal Nathrakh, qu'on avait entouré pour rigoler car c'est le premier groupe, nous semble-t-il, que la programmation du Hellfest ait jamais qualifié de "terrifiant" (en tout cas le seul en 2024), au vu du mélange de pratiquement de toutes les brutalités possibles (death-truc, black-machin, grind-bidule...). Ca n'est pas sans nous rappeler une expérience passée ici et également amusante, celle des Brutal Sphincter : ultra-violent, souvent amélodique, joué par des mecs dont le look n'est pourtant pas du tout terrifiant, lui : ils sont nettement moins flippants que, par exemple, Gorgoroth. D'autant qu'ils sont bien plus sympas ! ... quoique globalement, on va pas se mentir, inécoutables. Fun fact : la voix est parfois de type baroque, et quelques fous arrivent encore à pogoter sur ce truc-là... et à cette heure-là !
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Mais nous, à 1h45, eh bien on va faire un gros dodo de viande saoûle, voyez-vous. Car demain est une grosse journée, et après-demain aussi !
Pour le samedi, c'est par ici !
Critique écrite le 02 juillet 2024 par Philippe
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