Chronique de Concert
Movie Star Junkies + Jules Henriel
Et non pas pour préchauffer la salle, mais plutôt comme un moment de recueillement avant la bruit et le fureur, mister Jules Henriel monte sur scène. Après Parade et Half Parade, le voilà en solo, avec une guitare folk et une demi-caisse pour seules compagnes. Dévoyé de Montpellier-l-endormie, il retrouve Marseille en pleine commémoration du 5 novembre 2018, quand le monde s'est arrêté de tourner pour huit personnes dans l'effondrement de deux immeubles rue d'Aubagne, à deux cent mètres à peine du Molotov. Marseille n'en finit pas d'honorer ses morts et la voix crooner de Jules colle à l'atmosphère poisseuse et l'obscurité réverbère. Un verre de vin et une bouteille d'eau posés devant ses docks non plus jaunes mais rouges, il nous embarque dans un univers pop folk où l'émotion qui s'en dégage n'a d'égal que sa nonchalance de dandy rock'n roll. " My name is fear ", clame-t-il, mais sa place est sur scène comme une évidence. Même lorsque les premiers accords de sa " meilleure chanson " lui échappe, il emprunte une autre route plus délicate, sans ballast, délivrant une pop folk ciselée, nous prévenant que le plus déprimant reste à venir, mais que tout cela ne serait en fin de compte qu'un " horrible mensonge ". Et pourtant, il clôture le set avec une cover sur le fil de Daniel Johnston , le Mind Movies écorché de l'artiste maudit, dont il semble lire les paroles sur un cahier au sol, au beau milieu de la jungle des câbles. Scoop, Jules est meilleur chanteur que Daniel, mais une même sensibilité à fleur de peau à la fois pure et désabusée les rassemble.
photo by Smarty Arty
Un changement de plateau plus tard, juste le temps de m'enfiler des sirops d'orgeat avec la délégation lilloise-périgourdine dont la première moitié partage avec moi ce souvenir mémorable d'un concert fabuleux des Movie Star Junkies à Bordeaux il y a une huitaine d'années bien tassée. La barre et les attentes frôlent donc le faux plafond ; d'autant qu'avec leur quinze ans d'existence et leur cinq LP, les Turinois ont déjà pu maintes fois prouver leur talent à la face du monde. Or, ils ne viennent défendre aucun nouvel album leur dernier date de 2014 mais leur set se compose de morceaux qui semblent nouveaux, tant leur réinterprétation est déconcertante. D'un blues garage marécageux et habité, le groupe s'engouffre dans un garage presque pop et psyché où les amplis se feutrent et les cris s'assagissent, même si le concert de ce soir consent à un certain crescendo. Le Movie Star Junkies en tension, nerveux et sale que l'on connaît et qui vient posséder la foule comme une cérémonie vaudou n'était pas ce soir au rendez-vous. Du coup, c'est l'anarchie : des couples se forment en plein faux-pogo dans une fosse qui devient salon de thé, entre des spectateurs peu enthousiastes, certains cuvant leur déception et d'autres qui s'aperçoivent qu'ils peuvent écouter le groupe comme un fond sonore tout en poursuivant leur discussion de comptoir. Même leur sublissime Dead Love Rag explose au ralenti, là où des monstres sans tête devraient nous trainer à l'intérieur de souches mortes.
Ce groupe qui était à se damner a pris une tangente plus psyché, peut-être pour s'épargner avant la tournée marathon qui s'annonce, ou peut-être aussi pour expérimenter d'autres horizons plus sereins, moins imbibés au whisky de contrebande. Cerise à la place de l'olive, le clavier ne s'entend guère et rendons à Stefano ce qui revient à Stefano, le frontman habille la scène avec toujours autant d'électricité.
Le départ est précipité, à défaut d'être chaviré, dans les rues luisantes et précaires d'un Marseille arthrosé.
Critique écrite le 07 novembre 2019 par odliz
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