Chronique de Concert
Nadine Khouri (showcase)
Déjà repérée par deux fois par les radars de Concertando, mais aussi depuis par Rock'n'Folk, c'en est sans doute bientôt fini du secret (trop) bien gardé de la voix assez magnifique cachée derrière ce patronyme, Nadine Khouri. Dont on peut pourtant dire qu'il ressemble a priori plus à celui d'une collègue ou d'une copine, que d'une étoile en formation ? Quoi qu'il en soit, l'occasion est idéale et peut-être dernière, en ce glacial mois de janvier 2023, de la voir sur scène, et de si près, avant un potentiel décollage (mérité) vers de plus grosses scènes.
Libanaise ? Anglaise ? Française ? Elle parle manifestement les trois langues. Mais la première chose qui frappe est surtout l'originalité de sa présence. Habillée comme une Antigone sombre, parée d'un noir austère, de la tête aux pieds, elle est pourtant loin de la tragédienne ! Même en rendant hommage à la tant regrettée Lhasa, dont les titres les plus marquants traitaient bien de souffrance et de larmes (la Llorona...) Bien au contraire, la solaire Nadine, elle, sourit à peu près tout le temps - disons à moitié d'intimidation, à moitié de plaisir d'être là et de chanter, à vue de nez...
Se présentant d'abord guitariste, au fil d'une intro qui prend son temps, elle déroule un jeu aérien et subtil, façon Jeff Buckley. Chanteuse, ensuite, d'un timbre qui va légèrement au delà de la fêlure (à laquelle je ne peux pas résister) pour toucher par moment à l'éraillure : un poil plus piquante, mais qui du coup accroche aussi davantage aux vêtements et aux corps. Une voix par ailleurs caressante, rarement poussée, peu spectaculaire mais si agréable ... Une analogie ? Martina Topley Bird, il nous a semblé ? Une parenté avec une des chanteuses de Massive Attack en tout cas...
Pour être tout à fait honnête, notre petit coeur de midinette (certes mal dissimulé par un physique de brute) est habituellement plus facilement emporté, justement, par le tragique (même un peu contondant), que par la légèreté sereine qui habite ici la plupart des chansons. On l'écoute pourtant avec un plaisir égal pendant les titres où l'on ne décolle pas totalement, et pendant ceux qui nous emportent, soit tout de même un bon tiers (notamment, celui qui a suivi la chanson en hommage à Lhasa, une merveille).
When the lady sings the blues, dépouillé et mélodieux, c'est aussi très beau... Même dans le brouhaha persistant dans la salle, pas démontée, même pas gênée en apparence : à nous de tendre l'oreille, après tout. Ca se mérite ! On constate aussi que, sans son groupe ce soir, elle peut à peu près nous suggérer sa présence quand même, avec une armée de pédales, ampli, ordinateur à portée de main : elle fait par exemple apparaître des nappes superbes d'un orgue dont on oublie bien vite qu'il est fantomatique...
De plaisir, elle en oublie l'heure, le taulier et nous aussi. Il faut dire que, produite par John Parish - comme toutes les plus grandes chanteuses en langue anglaise (sacrée référence !), Nadine Khouri s'en va tranquille, montant vers le soleil les yeux fermés, avec ce beau demi-sourire aux lèvres. Armée d'une légèreté inattendue mais qui lui va bien, et fait au final toute son originalité. Heureusement, pour une fois, nous n'avons pas raté le passage rare d'une comète...
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Critique écrite le 30 janvier 2023 par Philippe
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