Chronique de Concert
Neil Young
Le Temps Des Cerises... À L'Eau De (LA) Vie !
Question(s) Sous Dôme
Tandis que la salle bruisse d'envie et rumeurs concernant à la fois, le show à venir, et la sortie prochaine du énième Live officiel du Jeune Neil issu de la tournée actuelle - intitulé Earth et s'accompagnant d'une suite de sons très "natures" assez déconcertante, mais attractive - voici que s'avance LA première déception de la soirée (elles seront rares, il me faut avant tout chose, l'affirmer céans) sous la forme d'un préposé aux bougies posées sur le vieil harmonium (qui siège quasi au centre de la scène) qui vient les ÉCLAIRER, en lieu et place de les ALLUMER ! Sans doute "chargées" au nucléaire, vu l'actuelle répartition hexagonale et la microscopique part allouée aux énergies dites naturelles et renouvelables ; à moins que ce ne soient des piles, ce qui serait À PEINE mieux, en somme : pouvait pas s'éclairer tout bonnement à la flamme d'une bougie bien grasse qui dégouline et colle plein partout autour comme au bon vieux temps de notre terre originelle ?
Une contradiction de plus à ajouter à la longue liste récente et passée traînant au cul du fantasque Canadien, façon casseroles : comme lorsqu'il vante et invente, alors qu'il est à moitié sourd, un système de son (Le PONO) digital/numérique de haute volée censé sonner au plus proche du vinyle, puis se précipite dans la foulée pour enregistrer un disque de reprises dans une antique cabine de son désaffectée/oubliée d'humains depuis les tous débuts du XXe, en compagnie de l'autre actuel agité du bocal analogique : Jake White ! Sans oublier (tout comme les Stones, avant-lui) de se la jouer Gig "secret/privé" à Mogador en tout début d'année pour les beaux yeux brillants d'un fameux fond de gestion Français, après ses nombreuses attaques menées encore récemment contre le système planétaire qui nous gère du quotidien, nous exploite, nous fait ou nous défait à l'envi à tout moment, selon besoin, appât du gain ou opportunité(s)...
Avant La Moisson...
Après l'apparition/disparition de deux "jeunes semeuses arrosant le devant de la scène de pseudo grains estampillés propres", il apparaît sous laid chapeau puis se cale d'autorité sur le tabouret du piano pour y entonner un poignant et mélodieux After The Gold Rush. Logique, après le récent Monsanto Years, ses prises de position engagées contre l'"empêcheur industriel de semer en rond en toute liberté" et le logo "OGM Non !" barrant l'affiche de la tournée, que de commencer nanti de cet hymne précurseur à la défense de notre planète dès la lointaine 1970 : avant même que les épuisants Duflot, Placé (au gouvernement), Cosse ou Baupin, n'aient eu vent de ce qui se cachait réellement derrière le terme Écologie : "J'ai rêvé que je voyais le vaisseau spatial argenté voler / Dans le halo jaune du soleil / Il y avait des enfants autour, et les couleurs volaient / Tout autour de l'Élu / Comme dans un rêve, comme dans un rêve / L‘embarquement venait de commencer / Nous emportions les graines d'argent de mère nature / Vers un nouveau foyer, dans le soleil / Emportant les graines d'argent de mère nature / Vers un nouveau chez-nous..." (After The Gold Rush).
Tout de suite, les larmes se pressent au coin des canaux lacrymaux, dame, vu les lourdes pertes récentes - David Bowie, Prince Roger Nelson, Glenn Frey ou George Martin - on a forcément envie de LE garder encore un peu parmi nous, ou tout du moins en sureté, quitte à le congeler puis l'enfermer au sein du bunker à grains et semences récemment gelé de précaution collective sous cercle arctique, ou bien à le cloner à l'identique sous tube d'obscur laboratoire.
Toujours jouée avec envie (pas toujours gagné, après tant et tant d'années et autant de versions Live) Heart Of Gold a tôt fait de transformer la salle en une sorte de Karaoké géant indexé sur histoire commune, souvenirs, trajectoires et parts de vies découpées :
"Lorsque je l'écoute, j'ai quatorze ans à peine, et me revois assis au bord de la fenêtre de ma chambre, pieds dans le vide, casque sur les oreilles, frissonnant de bonheur face à la lune..." ; "Lorsque je l'écoute, j'en ai vingt-cinq et me revois à moitié nue, postée au coin d'une highway baignée de soleil, cheveux au vent et pouce levé, en route vers la mythique San Francisco..." ; "Lorsque je l'écoute, je revois le sourire de Margaux qui m'écoute la jouer religieusement à la guitare, aux abords d'un lac, en colo..." ; "Lorsque je l'écoute, je revois les yeux bleus rieurs de ma mère, aujourd'hui disparue, qui aimait à la fredonner doucement en faisant la vaisselle, après le repas du dimanche..." ; des milliers et milliers de souvenirs, visages, sons, mots et instants de vie luisants qui semblent prendre corps et se croiser puis voleter doucement aux dessus de nos têtes, qui dodelinent, avant que de s'évanouir doucement dès le premier accord plaqué du, non moins mythique et épastrouillant, Comes A Time...
Une ballade de légende qui s'efface bien (trop) vite pour laisser place au planant (et fascinant à la fois) Mother Earth (Hymne À La Nature/Ragged Glory/1990) entonné sous nappes d'harmonium et nous rappelant ô combien son Unplugged, sorti il y a vingt-trois ans déjà, fût émouvant et réussi, apaisé et tendu, sec et humide à la fois.
Insecticide Ou Pesticide ?
Manifestement passés de quatre à cinq (augmentés du brillant et souriant Tato Melgar aux percus, qui ne figure pourtant pas sur l'affiche officielle !) les musiciens de Promise Of The Real - après quelques giclées d'insecticide (présumé) lancées de surprise sur les premiers rangs - se la jouent fermiers dépenaillés en jeans et chemises à carreaux sous casquettes ou chapeaux, mais montrent illico presto qu'ils savent ce que Harvest veut dire, attachés de concentration aux notes du jouissif Out Of The Weekend ; avant que de récidiver au coin d'un mélodieux From Hank To Hendrix (tiré de Harvest Moon, cette fois) : hommage appuyé à la musique US et à son Jimi dieu de (six cordes de) toujours : si souvent revendiqué et accroché, de longues années, façon badge, à la lanière de la guitare du Loner. Formé autour de deux rejetons du gars Willie Nelson (Micah & Lucas), le groupe (se) la joue sobre et sans fioritures, au service de la musique du Neil avant tout, assis sur une section rythmique (Corey Mc Cormick/basse, et Anthony Logerfo/batterie) qui dirige sans excès ; qui montre la voie sans forcer ou obliger ; qui induit plus qu'elle ne montre, en somme... ce dont notre classe patronale ou politique actuelle devrait s'inspirer au plus vite, sous peine de voir les noirs nuages s'amonceler puis s'installer pour longtemps au-dessus de notre hexagone en (pleine) fusion.
La Vie En Rouge... Cerise !
Pas toujours bavard, "communiquant" ou juste de "bonne humeur", notre homme en grande quête (de naturel) semble ce soir porté sur l'échange et le partage. Porteur d'un bol de "cerises psychédéliques ! Je tripe, là, en ce moment, je tripe...", il se met en devoir de les déguster sous les yeux de ses fans, avant que de partager UN PEU avec le groupe, puis de carrément en jeter quelques unes en direction des premiers rangs façon "enfant au zoo" : il est interdit de donner à manger aux Hardcore fans, putain... c'est pourtant connu, non ? Des fruits "psyché" de la terre qui le conduiront malheureusement, quelques minutes plus tard, à nous livrer une pathétoque version massacrée de Français et bouffé aux mites (mythe ?) de la prononciation Anglo-Saxonne, de l'antique La Vie En Rose, avec un fils Nelson dans le rôle du meneur de revue... à oublier au plus vite ou rayer carrément des mémoires, s'il vous plaît ! Lors des épisodes "Cerises" suivants, je n'aurais de cesse que de me poser LA question existentielle qui doit également vous manger le crâne en ce moment même : "est-ce qu'il avale les noyaux ou bien les recrache salement sur le devant de la scène, face aux humains dévots porteurs de laids t-shirt , en attente ?". Heu... eh bien, soyez heureux et comblés, lecteurs et lectrices de bonne famille, sachez que notre homme en AVALE certains, oui, et d'autres "non"... c'est un fait. Quelle avancée de géant en vue d'une future et plus que détaillée nouvelle biographie. Classe, non ? Non ? Ça se discute...
La Crème De... La Crème !
Curieusement, ou finement, durant la soirée, chaque changement de guitare du maître aura également annoncé un "changement" ; enfin, une montée en puissance, plutôt. Aussi, à peine les dernières notes enterrées, résonnées de boisé, du sémillant Only Love Can Break Your Heart, voici qu'une splendide Gretsch Crème se radine au parloir afin d'y égrener, séance tenante, les accords du monumental, rêche et quasi inégalé Words (Between The Lines Of Age) ; une version plutôt plus que "digne", ma foi : assez "en l'air" pour permettre au groupe (et à son auteur) de laisser flotter l'ensemble, mais assez proche également, de la version initiale, afin de permettre à tout un chacun de se (re)plonger une nouvelle fois en cette époque bénie du "Premier choc pétrolier" et de la fin des fameuses "30 Glorieuses" ; du Centre Pompidou ; de l'Union De La Gauche ; de l'avènement du triste duo Giscard/Chirac... concernant le second, essentiellement, niveau casseroles, multiples détournements, mensonges en série et décisions de bas étage ! Un morceau qui sera globalement au niveau de la prestation du groupe, lors des autres (nombreux) "standards" à venir...
Lourd et Emballé...
Lors de ses derniers passages à Nîmes, puis Monaco - les dernières tournées, en somme, essentiellement - l'on avait pris pour habitude d'assister à une longue suite de saturations, soli étirés jusqu'à plus fin, improvisations plus ou moins abouties, selon humeur(s) et inspiration du moment : peu de morceaux chaque soir, mais putain de longs... tellement qu'on finissait parfois, eux et nous, par perdre le fil du show, jonglant alors entre morceaux de bravoure et réel ennui : à l'image de ses dernière productions discographiques plus que bâties sur courant alternatif (le dernier monument sans AUCUN temps faible, le réactif, urgent et empreint d'émotion : Sleeps With Angels, datant de la lointaine 1994).
L'équilibre de ce soir, s'appuyant sur, morceaux courts et joués au cordeau, et longs standards hérités du génome Crazy Horse, semble des plus judicieux ; d'autant, que, cette fois, de nombreux morceaux changent chaque soir, enfin ! Bémol, par contre, le guitariste Young semble parfois un rien seul sur son "il", cherchant en vain un soutien de poids lors des envolées souhaitées et attendues (Love To Burn, Love & Only Love) s'en remettant du regard à son vieil acolyte de Totem indien posté tout tout près, pour le relancer d'un grain de "mysticisme versus folie douce musicale" ; sans pour autant que le groupe ne se montrât efficace, nope, juste en deçà (sur ce terrain très précis) du monstre "Fou à quatre pattes de légende, juste. Comme quoi, la magie, hein...
Le Retour...
S'appuyant sur un nouvel aréopage de musiciens visiblement aux anges, ravis de pouvoir partager la scène avec cet authentique monstre sacré, notre jouvenceau de 71 ans, qui vient il y a peu de lourder sa régulière Peggi de sa vie et du groupe (parce que habituellement présente aux churs, derrière, voire seule sur scène en guise de première partie) pour s'en aller butiner de la blonde cinquantenaire, a fort heureusement également décidé de s'en aller puiser à la source de son inspiration passée ; pour un résultat des plus jouissif, in fine. Aussi, ce soir, il aura convoqué au parloir à raretés, outre les sus cités, le trop rare Revolution Blues de On The Beach/1974, Winterlong, le I've Been Waiting For You/1968 - emprunté un temps par feu David Bowie pour son monumental Heathen ! - ou l'incomparable et peu souvent ramené à la vie The Loner(1968, également). Le groupe aura avoué avoir dû travailler sur près de 80 morceaux en amont, ça faisait une paie que cela ne LUI était pas arrivé, de faire preuve d'une telle envie de diversité et changement, au Canadien ; rien que (aussi) pour cela, Promise Of The Real aura mérité de (co)exister...
Back To Black
Lorsqu'il se sera finalement emparé de la "Noire", sa guitare à tumulte, tonnerre et fracas, l'on aura parfois retrouvé les défauts évoqués en amont - un Country Home un rien bancal, un Monsanto Years qui n'en finira pas de ne PAS finir ! - mais également assisté à de belles envolées et largages sur manche - Mansion On The Hill, Everybody Knows This Is Nowhere, n'omettant pas de boucler, ces quasi trois heures de show jouissives, d'un épais et sonique Fuckin' Up, afin que de montrer à chacun des tous et toutes présents, et visiblement aux anges, que le vieux canasson n'était pas encore bon pour l'équarissage final... NOPE !
Un message de vieillesse triomphante, tendue et pertinente, malheureusement lancé un rien trop tard à l'adresse du monde (musical) pour ramener le trop tôt disparu Cobain Kurt, du Nirvana à la vie.
"Mieux Vaut Brûler Vivement, Que De S'éteindre À Petit Feu !", tu parles...
Le Dôme/Marseille/Setlist :
After The Gold Rush
Heart Of Gold
Comes A Time
The Needle & The Damage Done
Mother Earth
Out On The Weekend
From Hank To Hendrix
Someday
La Vie En Rose
Only Love Can Break Your Heart
Words
Winterlong
Walk On
Love To Burn
Mansion On The Hill
Revolution Blues
I've Been Waiting For You
Country Home
Everybody Knows This Is Nowhere
Monsanto Years
Seed Justice
Wolf Moon
Love & Only Love
The Loner
Fuckin' Up
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Critique écrite le 28 juin 2016 par Jacques 2 Chabannes
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