Chronique de Concert
Neil Young + Laura Marling
La 1ère partie est assurée par Laura Marling, quatuor acoustique mené par une très jeune femme blonde de 19 ans. Guitare acoustique, violoncelle, clavier et batterie. C'est doux, reposant, et elle interprète son show pendant une demie heure pile. Elle m'était totalement inconnue et finalement se débrouille pas trop mal, dans un genre mineur toutefois, et que le public a tout de même bien applaudi respectueusement. A voir évoluer donc
Mais bon, on n'a pas fait le déplacement pour voir ça, et les espoirs d'un concert exceptionnel ce soir sont bien réels. Le vieux briscard du rock est attendu au tournant. Pensez donc qu'il a un CV bien plus long que toute la file de voitures qui encombrait le périph ce soir, et ce n'est pas peu dire. Des débuts avec le légendaire Buffalo Springfield, Fer de ance de la jeunesse pacifiste des années 70 (Ohio), membre émérite de CSN&Y - la plus belle harmonie vocale jamais réunie dans ce que l'on nommait à l'époque les super groupes - , donnant une prestation mémorable lors du festival de Woodstock ou le groupe interprétait brut de brut sans la moindre répétition un set de toute beauté, il a eu finalement la chance de se brouiller régulièrement avec Stephen Stills et de poursuivre une carrière solo qui le mène près de 40 albums, dont certains au sommet absolu qui lui ont apporté une renommée universelle et parfaitement justifiée, une fois n'est pas coutume. 35 ans plus tard après ses débuts, il est à Paris ce soir pour notre plus grand plaisir, je m'avance...
A 21 H 15, les musiciens entrent sur scène. La 1ère chose que je me dis d'où je suis placé, c'est que Neil Young a vieilli, grossi, est doté d' une calvitie naissante. Les chemises à carreaux ont laissé place a une blancheur immaculée, la noirceur des cheveux s'est bien atténuée, et les chapeaux ont disparu, la loi de l'évolution quoi. Après quelques accords de mise en chauffe, le set débute par Love And Only Love, je suis assez dubitatif, le son est à mon sens confus, distant, et pour avoir fréquenté le Zénith a de très nombreuses occasions, j'en ai gardé de bien meilleurs souvenirs. Attention, ce n'est pas mauvais, seulement compte tenu du client sur scène, on s'attend à la perfection absolue dès la 1ère note. La voix si particulière est en retrait, et même si ça balance bien, le son est gras, bien sirupeux, et on sent deja que c'est un combat entre l'homme et sa guitare. Hey Hey, My My qui enchaîne est déjà d'un autre niveau et remet bien les choses à leur vraie place. C'est quand même un titre qui a marqué toute une génération et lorsqu'il clame haut et fort qu'il vaut mieux brûler franchement que s'éteindre a petit feu (repris d'ailleurs dans la lettre posthume laissée par Kurt Cobain après son suicide), c'est aussi fort que les Who qui espéraient mourir avant d'être vieux. Quoiqu'il en soit, ces 2 premiers morceaux durent 20 minutes, on est loin de l'esprit punk et cela fait bien longtemps que je n'ai pas entendu ça. Ça envoie du lourd, et tout va bien maintenant. On sent quand même que le Neil Young électrique semble vivre un tourment émotionnel permanent. il fait littéralement corps avec sa guitare, et toutes les notes qui s'en échappent semblent torturées, volcaniques, en fusion permanente. Bien arc bouté sur ses jambes, il épouse littéralement sa guitare, se tournant en permanence vers son groupe, jouant dans un périmètre vraiment petit, alors que la scène est immense. Il y a chez cet homme un désir manifeste de se dépasser en permanence, manifestement la scène est faite pour lui, et c'est un réel plaisir à voir et a entendre. La soirée est lancée, et les morceaux de toute beauté s'enchainent comme dans un rêve (Pocahontas, Spirit Road, Cortez The Killer, Cinnamon Girl...) Cela dure sur ce tempo jusqu'à 22 H 10.
Changement radical lorsque tout le monde quitte la scène et qu'il s'installe en arrière scène au clavier et a l'harmonica. La voix si particulière émotionne le Zénith dans un recueillement et une communion qui justifierait presque de rentrer dans les ordres. Quelle transition, et la partie acoustique qui suit est d'une beauté stupéfiante. Autant le Neil Young électrique semble tourmenté, puisant ses notes aux tréfonds de son âme, autant le Neil Young acoustique semble apaisé, aérien, léger, et finalement presque facile. Heart of Gold, 1er morceau joué du légendaire album Harvest soulève de bonheur l'ensemble du Zénith, et Old Man parachève l'ensemble. Quelle voix, elle est absolument inoubliable. Je suis absolument sûr qu'il y a des gens dans la foule qui en ont pleuré de bonheur.
Après ce changement radical qui dure jusqu'à 22 H 40, soit quasiment 1/2 heure, c'est le retour aux guitares électriques et saturées, celles que j'aime, et le Rockin' in the free world qui clôt cette première partie met tout le monde sur le cul. C'est un des morceaux les plus extraordinaires écrits dans la musique moderne (ses amis de Pearl Jam en ont joué une excellent version dans un Dvd d'ailleurs). Un hymne pour toute une génération, je vous dis, et conscient du poids du morceau, et comme s'il ne voulait jamais en finir, il reprend le refrain par 2 fois. Tout le monde est debout devant moi, sur les côtés, derrière, c'est un must absolu, et la plus belle des conclusions d'un concert. il faut absolument avoir vu et entendu ça dans sa vie.
Retour sur scène avec Like a Hurricane, présentation des musiciens (dont sa compagne Pegi) puis les 1ères notes de A Day in the Life résonnent dans toute la salle. Incroyable, il se paie le luxe de reprendre un titre majeur des Fab Four qu'ils n'ont eux-même jamais interprété sur scène. Sûr que John Lennon a dû ouvrir ses oreilles en grand et jubiler dans a tombe. S'il y a bien un titre de Paul et John qui est totalement dans l'esprit du concert, c'est bien celui-ci. Les réappropriations de morceaux aussi difficiles sont rarement réussies, mais aucune montagne ne saurait résister à notre Loner ce soir, et la seconde partie de la chanson voit Neil Young littéralement massacrer les cordes de sa guitare. Les cordes déchirées sont maintenant réunies dans sa main telles un fouet, et il en martèle le corps de sa guitare jusqu'à en tirer des notes incroyables. Ça gémit, hurle, dans un paroxysme sonore hallucinant. Un salut à la foule, une ovation absolument énorme dans le Zénith, et puis il faut quitter les lieux dans une béatitude absolue.
Putain, quelle claque me dis-je en sortant. Quelle intégrité, quelle émotion, le temps n'a absolument aucun prise sur le - grand, immense - bonhomme. Chapeau bas, l'artiste, et merci pour ces moments d'intense bonheur. En vieillissant, je me demande quelquefois, jusqu'à quel age je vais fréquenter les salles de concert, et quand je vais décrocher, me désintoxiquer devrais je dire. Eh bien, ce soir, j'ai presque la réponse, je pourrais en rester là et ne rien regretter. C'est le plus beau des compliments que je puisse rendre à un artiste, et il le vaut bien.
A lire également la chronique du dernier disque de Neil Young Fork in the road et un compte rendu de son concert au festival Roskilde 2008.
Sites internet : www.neilyoung.com, www.myspace.com/neilyoung.
Critique écrite le 07 juin 2009 par Fanrem
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