Chronique de Concert
Nevchehirlian + Mekanik Kantatik
Comme annoncé lors de la session de Incisif #2, ce soir toute la salle est chamboulée pour la troisième édition de cette belle initiative musicale. Les instruments ont pris place au centre de la salle Au Bout De La Nuit, dans la petite fosse (leur nombre est d'ailleurs juste hyper impressionnant) et le public s'installe sur les marches de béton ciré tout autour. Cette fois, on peut vraiment dire que l'on se retrouve au milieu de la musique, tout juste sous le ciel étoilé ... Le mur de brique s'est habillé d'un rideau rouge sur lequel se détachent Incisif en lettres blanches. Le décor est planté.
Les quatre musiciens de Nevchehirlian prennent place pour un accordage discret et Frédéric nous fait part du plaisir qui est le sien ce soir de réaliser son rêve de faire un concert comme ça, au milieu de nous. Des remerciements qui vont certainement droit au cur des responsables de cette belle salle, qui partagent avec lui plusieurs années de complicité.
Premier morceau et le style de Nevchehirlian se met en place instantanément, avec sa voix chaude et semi-parlé. Le rendu de cette disposition en cercle et au centre est superbe. Le son chargé de corde monte rapidement, puis s'interrompt par moment pour laisser le bruit des peaux claquer dans le silence. Ils ont les yeux rivés les uns sur les autres et la voix de Frédéric nous livre des poèmes incroyables, saisissants jusqu'au tripes.
Ils jouent sur les rythmes, avec des variations qui nous tiennent en haleine, en ne nous laissant pas un seul instant de répit. On entre dans leur monde, comme absorbés et l'instant d'après, ils se mettent à sauter sur place, guitare au poing, avec la musique qui s'emballe.
Lorsque les spots s'éteignent, il ne reste que la lueur des étoiles au-dessus de nos têtes. J'espère que tout cela est la hauteur de leur rêve ... En tout cas, cette réalité moi me fait rêver et me transporte ailleurs. Julien Lefévre ne joue pas simplement du violoncelle, non, il le fait gindre et pleurer. C'est somptueux dans cette pénombre. Frédéric ne chante même plus dans son micro et sa voix se retrouve à flotter parmi nous, en osmose avec la salle.
Il nous parle de son Cd de mise en musique de texte de Prévert, sorti en novembre dernier, dont il nous propose un extrait : Citroën. Drôle de chanson et j'ignorais totalement qu'un poème avait été écrit par cet auteur sur ce thème. Le piano en profite pour faire son entrée dans leur aire de jeux, par quelques notes comme perdues. Julien continue de m'étonner, jouant de son violoncelle comme d'une guitare et on passe du chuchotement à la fureur des cordes.
Les voir est autant un plaisir que les écouter : Regards croisés, sourires échangés et complicité ... Ils vivent tout cela à 200%. La batterie se retrouve doublée à grands coups de drum et le riff des guitares oscille entre un cur qui bat et un corps qui se déchire. Au fur et à mesure, les instruments se déchaînent de plus en plus, pour s'arrêter net à la fin de certains morceaux, comme un sparadrap qu'on arracherait d'un coup sec. C'est vraiment très intense comme approche de la musique.
Pour interpréter Que Tout Nous Soit Offert, Nevchehirlian demande à Eric Cartier (dans la salle) de venir les rejoindre. Ils se retrouvent comme sur son premier album : "Il n'en manque plus qu'un pour que l'on soit au complet !" Il prend donc place dans le cercle et commence une sorte de chanté-récité, avec leurs deux voix qui se font écho par moment. Encore une fois, plaisir et intensité sont au rendez-vous.
Puis, après le départ d'Eric, on va embarquer pour La Mer, avec seulement quelques onomatopées musicales et les instruments qui montent petit à petit, comme l'eau qui deviendrait envahissante ... Une vague qui entre en nous.
C'est amusant comme ils sont à la fois hyper investis et très détendus. Comme le public se met à sourire suite à une petite messe basse, ils expliquent "On se dit les titres à l'oreille, même si c'est sur la liste. Vous voulez qu'on vous le dise aussi à l'oreille ?!! ... Alors fait passer ..." et c'est Tant Cendre Et Poussière qui passe de bouche à oreille pour devenir Sandrine Plombière "Ça a l'air super bien" nous lance Frédéric ... "Oui, on l'a rencontrée hier dans une géode à Château Thierry ..." Bref, on s'amuse bien, juste le temps pour le violoncelle de reprenne la main. Sa plainte d'un autre monde monte vers les cintres et se mêle aux autres instruments. Gildas joue de la cymbale avec un archet. Ils sont complètement barrés ailleurs et j'ai ce sentiment d'être plongée dans un monde irréel.
Avant de terminer ce set fort en émotions, Frédéric passe à la guitare classique pour, je cite, appeler au déhanché ... Même assis ! Et, toujours selon sa théorie, moins ils vont jouer fort, plus le public va se lever. Il nous est même proposé d'enlever nos tee-shirts si l'envie nous en vient : Mais bien sûr !! Il se met à siffler. Va chercher le public pour le faire danser. La scène, la salle : tout se mélange dans un joli bazar.
Pour le dernier morceau, il a attrapé plusieurs feuilles qu'il lit à bout de bras, les jetant au fur et à mesure qu'il a fini de les lire et comme pris par le rythme infernal qui est insidieusement monté. Au final, sa voix est même devenue un cri d'une intensité fabuleuse. Le public est à la fois abasourdi et enthousiasmé. Face à la clappe qui ne veut pas s'éteindre, Frédéric en propose une dernière. Mais comme Nicolas Cante passe devant le rideau (pensant sans doute que c'est à lui), on nous annonce que ce sera deux pour la peine (rires). Plus sérieusement, Eric Cartier va être appelé à nouveau, pour partager une chanson dont il est l'auteur et pour laquelle il va s'accompagner d'une guimbarde. Nevchehirlian le regarde chanter avec des yeux émerveillés et cela se termine sur ces mots : "Au bal mon chemin ... Qui a croisé le tien".
Frédéric Nevchehirlian : Chant, Guitare & Percussion
Stéphane Paulin : Basse
Julien Lefévre : Violoncelle & Guitare
Gildas Etevenard : Batterie
Setlist
1 - La Grande Bourge
2 - Dans Le Stade
3 - Où Vont-elles ?
4 - Citroën
5 - L'univers Parmi Nous
6 - Que Tout Nous Soit Offert
7 - La Mer
8 - Tant Cendre Et Poussière
9 - Les Filles Les Garçons
10 - Tout
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11 - Au Bal Ou Mon Chemin
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Après le départ de Frédéric Nevchehirlian et de sa troupe de Rock & Poetry Circus, Nicolas Cante commence à mettre en place tous les petits boitiers magiques qui vont donner vie à sa musique si particulière. Et il est à noter également qu'il porte juste la plus fabuleuse des paire de basket que je n'ai jamais vue ... Accompagnée d'un tee-shirt à motif impression cravate. Bref, du Nicolas Cante, avec rose et tournesol pour décorer le piano. Décalage, humour et personnalité bien affirmée.
Il commence son set en lançant au pied un drôle de chant de grenouille, pour amorcer sa drôle de cuisine musicale. Il va passer son temps à s'enregistrer, à triturer sa voix et à nous bidouiller des sons plus atypiques les uns que les autres.
En quelques minutes, on se retrouve transporté dans un monde parallèle. Le son des marteaux scande une musique qui se répète à l'infini, avec ses samplers qui se mélangent au piano. Quant à lui, il ne tient pas en place. Il se lève, arpente la fosse devenue scène, puis reprend sa place. Tout est fantasmagorique et totalement revisité. Je reste sans voix à l'écoute du premier mouvement de la Gnossienne d'Erik Satie (que j'adore) et qui se retrouve incroyablement désarticulé sous les attaques en rafale de l'électro. Des sons d'un autre monde.
Par moment, les accords semblent plaqués sur fond de métronome ou d'une sourde pulsion de beat, digne d'une discothèque des plus branchées. Et à tout cela s'ajoute le son robotisé de sa voix. Je pense que dans cinq minutes on danse ... En tous cas, lui ne s'en prive pas !!
Comme un couturier qui réalise une de ses robe ou un peintre son tableau, Nicolas Cante s'éloigne par moment de son piano et de ses cornues électroniques pour en juger du rendu. Puis il vient ajouter une touche, tendant la main vers une de ses machines pour pianoter sur un clavier en haut ou bien en bas. Un petit cérémonial qui est vraiment amusant à observer.
Il choisi un nouveau morceau, en nous faisant participer à ce choix (une bonne partie de tout cela est fait d'improvisation). Et comme il y a beaucoup de filles ce soir, ce sera ambiance dancefloor avec Life Is Music !! Il est complètement fou et nous embarque dans l'alchimie de son délire. Le public crie, siffle ... Tant et si bien qu'il se met à en rire.
Il essaie de nouveaux morceaux ce soir : c'est du spécial Martigues, rien que pour nous. Alors il part trifouiller les cordes à même le ventre de son piano droit avec un balais de jazz. Une fois le son enregistré, il ajoute celui du clavier, puis saupoudre le tout d'un soupçon de beat ... Et après la Saturday Night Fever, le voilà parti dans un trip de jazzman, avec sa voix toujours aussi space et transformée. Les rythmes sont aussi différents que les morceaux sur lesquels il pose son dévolu et on ne peut s'empêcher de sourire lorsqu'au détour d'une de ses fantaisies, on reconnait Everybody's Gotta Learn Sometime ou bien une reprise de Queen.
En plus, à tout moment, il fait participer le public. Et bien sûr, lorsqu'il demande si on a envie d'un petit truc tranquille, la réponse est : "Non ! Un truc qui déchire tout !!" Il essaie tout de même de nous parler un peu de son prochain album (à sortir en 2012), mais à peine commence-t-il que le même excité du public lui lance : "Tu va l'envoyer, oui ou non ?!!" Ok, alors c'est parti. Il joue du piano debout pour le titre éponyme de Michel Berger (oui, je sais, elle est facile celle-là !) Tout les accessoires sont source de son, jusqu'à l'espèce de K (bruiteur tactile) qui est accroché à son piano.
"Vous en voulez encore ? On va essayer une jolie chanson" Il recommence a aller se balader avec son clavier portatif et vient même s'assoir à la batterie, jouant avec les baguettes et assénant quelques coups de cymbales au passage. On commence avec un, puis on continu avec deux et même trois pianos ... On sait d'où on part, mais jamais où on va arriver avec ce doux-dingue des effets sonores. Il nous quitte pourtant (et même un peu comme un cheveux sur la soupe pour tout dire) sur la Tactique Du Kantatik, laissant sa petite musique continuer après son départ.
Au bilan, ce concert est vraiment beaucoup plus conceptuel que celui de Cri Du Port à Marseille. Alors, il est certain que cela donne vraiment l'envie de danser, mais cela correspond beaucoup moins à ma sensibilité musicale. En fait, Mekanik Kantatik me donne moins de sensations et surtout beaucoup moins d'émotions de Nicolas Cante tout simple ... Mais ce n'est que mon avis.
Nicolas Cante : Piano, Sampler & Chant
Chronique réalisée par l'équipe de Concerts en Boîte
Critique écrite le 29 avril 2012 par Ysabel
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