Accueil Chronique de concert Nice Jazz Festival 5/8 : James Taylor + Carla Bley Big Band + McCoy Tyner & Bill Frisell + Lisa Ekdahl (+ Jake Shimabukuro)
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Chronique de Concert

Nice Jazz Festival 5/8 : James Taylor + Carla Bley Big Band + McCoy Tyner & Bill Frisell + Lisa Ekdahl (+ Jake Shimabukuro)

Nice Jazz Festival 5/8 : James Taylor + Carla Bley Big Band + McCoy Tyner & Bill Frisell + Lisa Ekdahl (+ Jake Shimabukuro) en concert

Jardins de Cimiez - Nice 22 juillet 2009

Critique écrite le par

Excellente journée sur le papier avec Lisa Ekdahl, McCoy Tyner, Carla Bley et James Taylor.



J'adore Lisa Ekdahl en disque. Presque autant qu'An Pierlé, c'est dire. Chapeau et robe orange, bas blancs, long collier autour du cou, elle avance délicatement jusqu'au micro. Elle va poser sa douce voix sur le piano, la guitare et la basse de ses trois complices. Une heure de tendresse et de légèreté garantie. Nous sommes ici dans un festival de jazz. Alors, elle n'oublie pas qu'elle a consacré deux albums à des standards de Cole Porter et autres Billy Holliday et nous en fredonne quelques-uns. Elle nous permet également de découvrir son dernier album Give Me That Slow Knowin Smile, entièrement composé par elle, dont elle interprète trois titres. Ce seront mes préférés : le morceau titre et I'll Be Around avec leur final prenant à la trompette et Beautiful Boy avec le choeur du guitariste et du bassiste que Lisa contemple en dégustant son verre de blanc.



Cela dit, si la setlist avait été écrite par mon pire ennemi, il n'aurait pas fait mieux : deux titres de son album que j'aime le moins, Sings Salvadore Poe et aucun de mes préférés, ses albums en suédois dont le sublime Bortom Det Blå. D'ordinaire, je préfère comprendre les paroles, mais chez l'énigmatique Lisa, le mystère n'en est qu'amplifié et les sonorités avec ces R qui roulent m'envoûtent. Pas d'envoûtement ce soir avec des chants 100 % en anglais et des reprises qui ne font que s'ajouter à celles entendues des dizaines de fois par d'autres interprètes (It's Oh So Quiet, My Heart Belongs To Daddy...).

Andreas Nordell (basse), Mattias Blomdahl (guitare, percussions), Thomas Hallensten (piano, trompette, mélodica)
Setlist : I'll Be Around (2009) / Give Me That Slow Knowing Smile (2009) / Now Or Never (C.R. Lewis - B. Holliday) (1998) / Nature Boy (E. Abbez) (1998) / Daybreak (Salvadore Poe, 2001) / Since You've Been Gone (Sings Salvadore Poe, 2001) / It's Oh So Quiet (E.Meder/H.Lang, 1995) / Night And Day (C. Porter, 1998) / Beautiful Boy (2009) / Laziest Girl In Town (C. Porter, 1998) / My Heart Belongs To Daddy (C. Porter, 1998) / When Did You Leave Heaven (R.Whiting-W.Bullock, 1995)



Premier Monsieur de la soirée, McCoy Tyner s'installe au piano de la scène Matisse. Plus d'un demi-siècle de carrière débutée aux côtés de Coltrane ! Il vient de sortir un merveilleux album, Guitars, DVD interactif inclus où il est entouré de prestigieux guitaristes dont Bill Frisell présent ce soir et Derek Trucks qui se produit ici demain. A ce propos, Derek, tu aurais pu avancer de trois jours ton arrivée. Ca nous aurait permis de te voir accompagner ton épouse Susan Tedeschi lundi et Tyner mercredi.
D'autant que Bill Frisell donnait l'impression de se sentir seul au point de chercher le réconfort derrière lui en regardant le contrebassiste et le batteur et en tournant pratiquement le dos au public. Je n'ai jamais aperçu les cordes de sa guitare ! Dès la première pièce, tout le monde a droit à son solo ce qui permet aux photographes qui peinent à s'approcher du piano de shooter tour à tour les autres musiciens. Idem sur le divin Blues On The Corner. McCoy Tyner délivre lui aussi quelques chorus, séquence émotion au même titre que B.B. King lundi. L'agilité des doigts n'est plus ce qu'elle était mais son expérience lui permet de compenser. Ce n'est ni le piano ni la guitare qui se taille la part du lion mais plutôt le saxophone avec les soli les plus longs et les plus fréquents.



Tyner joue au feeling. A la fin de chaque pièce, il chuchotte au saxophoniste celle qu'il a décidé d'interpréter et celui-ci passe l'info aux trois autres. Sur les deux derniers titres, les parties pianos s'allongent et le Steinway & Sons du Festival pourra ajouter parmi ses heures de gloire les dernières notes tout en douceur que lui a distillées le pianiste.

McCoy Tyner (piano), Bill Frisell (guitare), Gary Bartz (saxophone), Gerald Cannon (basse), Eric Kamau Gravatt (batterie)

Retour au Jardin pour une autre légende : Madame Carla Bley et son Big Band. La scène est impressionnante avec 5 saxos, 4 trompettes, 4 trombones, basse (Steve Swallow), batterie. Carla Bley est à gauche de la scène au piano et à la direction, et à l'opposé il semble que ce soit son clône (jeune) à l'orgue. Il s'agit en fait de sa fille, Karen Mantler. Elles ont probablement le même coiffeur.



Les compositions de Carla Bley ont une particularité : elle contiennent pratiquement toujours une plage où les cuivres délivrent une courte phrase musicale chacun à tour de rôle. Même pas une phrase, quelques mots. Un genre de cadavres exquis où le saxophone baryton donnerait le début de la phrase, un trombone ajouterait le verbe, une trompette un complément et ainsi de suite. C'est le cas sur la première pièce. J'adhère. Carla nous présente ensuite Gates qu'ils jouent "ce soir pour la première fois" dit-elle en croisant les doigts. Une pièce en trois volets sans temps mort. Un trombone s'y fait particulièrement remarquer. Il est imposant, porte une casquette rouge et semble être l'âme des cuivres. Renseignement pris, il s'agit de Gary Valente. Chacune de ses interventions est un délice. Le jeu des cadavres exquis a encore lieu et c'est lui qui case le plus de mots. J'adore. Gates remporte un tiomphe et Carla affiche la liesse d'une gamine qui viendrait d'apprendre qu'elle a réussi son brevet des collèges. Touchant.



Greasy Gravy et Awful Coffee suivent. Sur ce dernier, un combat de trompettes éclate. S'y font remarquer la trompette "wah wah" de celui de droite avec un béret noir et le deuxième en partant de la gauche qui remporte le prix de la note la plus aiguë.
Une nouvelle stratégie semble avoir lieu dans le festival. Pour éviter la grogne des spectateurs "Pfff ! On n'a même pas eu de rappel !", les groupes jouent 55 minutes au lieu d'une heure et peuvent ainsi revenir pour un rappel. Astucieux, non ? Ce fut déjà le cas avec Lisa Ekdahl et ça l'est encore ici. Le public n'est plus grognon mais il a perdu une bonne minute de musique (bien plus avec un big band !), le temps que tout le monde sorte de la scène pour de faux et revienne pour le vrai dernier titre. Moi je dis : "Pfff ! C'était mieux avant !"

Carla Bley (piano, direction d'orchestre), Earl Gardner, Lew Soloff, Giampaolo Casati, Florian Esch (trompettes), Beppe Calamosca, Gary Valente, Gigi Grata, Richard Henry (trombones), Roger Jannotta (sax soprano et alto, flûte), Wolfgang Puschnig (sax alto), Andy Sheppard (sax tenor), Christophe Panzani (sax tenor), Julian Arguelles (sax baryton, sans garantie, j'avais l'impression que c'était une fille), Karen Mantler (orgue), Steve Swallow (basse), Billy Drummond (batterie).

Ne voulant pas perdre ma bonne place pour James Taylor, je fais l'impasse sur Jake Shimabukuro, "un des joueurs de ukulélé le plus réputés au monde" nous dit le programme. Il semble que lui aussi ait eu droit à un rappel et peut-être même plusieurs, l'installation inachevée du matériel de James Taylor lui en ayant laissé le temps.



Et voilà le troisième dinosaure de la soirée. Ah ! James Taylor ! Il adore la France, est heureux d'être ici, se débrouille fort bien dans notre langue et fait l'effort de nous présenter les morceaux en français et avec humour. Entouré de trois choristes (quatre avec sa femme qui vient les rejoindre sur deux titres), il va nous offrir une heure et demie de nostalgie avec ses plus beaux titres (n'y manquaient que Millworker et Mockingbird). Des interprétations qui vous rajeunissent de 20 ans ou vous font prendre un sacré coup de vieux, c'est vous qui voyez. Une berceuse, du blues, du country, des chansons qui font rire, d'autres qui font pleurer, un chant à 4 voix, un negro spiritual...



Il délivre son habituel final, vocal à la limite du scat sur Country Road, nous joue le cowboy du on-ne-peut-plus-far west avec un accent délicieux qui fera même rire ses enfants présents au pied de la scène et qui ont dû l'entendre des dizaines de fois. Il rend hommage aux Temptations (It's Growing) et à Carole King (Up On The Roof, ma préférée et You've Got A Friend). Il nous emmène en voyage des plaines de l'Ouest à la Caroline du Sud en passant par le Mexique... Sa voix est intacte, les arrangements sont au poil. Il passe en dernier mais il a tout de même un impératif horaire (certainement à cause des bus de nuit dont les derniers partent à une heure du matin du centre-ville). Alors, il se dépêche de faire les rappels, sans sortir et entrer de scène inutilement et joue jusqu'à l'extrême limite. J'ai failli rater mon bus mais je lui aurais pardonné.

Setlist : Secret O' Love / It's Growing (Temptations) / Country Road / Whiskey Before Breakfast / Stop / Don't Let Me Be Lonely Tonight / Carolina In My Mind / Mexico / Cowboy Lullabye (Sweet Baby James) / Fire And Rain / Up On The Roof (The Drifters) / un blues pas reconnu / Shed A Little Light / You've Got A Friend (Carole King) / Shower The People / Your Smiling Face / How Sweet It Is (To Be Loved By You)

La journée de mardi n'est plus qu'un mauvais souvenir. Vive le Nice Jazz Festival !!!

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