Chronique de Concert
Nick Cave and The Bad Seeds + Bertrand Belin + Julia Holter (Nuits de Fourvière 2013)
Théâtre Antique de Fourvière, Lyon 27 Juillet 2013
Critique écrite le 08 août 2013 par Karen Solvery
Aux alentours de 20h, entrent donc en scène Julia Holter et ses musiciens. La chanteuse, originaire de Los Angeles, deux albums à son actif ( Tragedy, 2011 et Ekstasis en 2012) lance la soirée. Dans un mélange de modernité et sons plus classiques (des airs celtiques, du piano... combinés à des sons électroniques) elle nous transporte dans une atmosphère fragile ou sa voix douce et chétive se transpose. Le timbre de voix, dans la lignée de PJ Harvey, nous suivons les rythmes riches d'influences variées d'Ekstasis, terme tiré du grec ancien, signifiant " être ou rester en dehors de soi". Chaque morceau est très immersif et agréable à l'écoute. Cependant l'ensemble rassemblant tellement d'éléments variés, on s'y perd un peu. Cela rend l'interprétation un peu "hachée" et j'avoue avoir un peu décrochée au bout d'un certain temps.
Place ensuite à Bertrand Belin, qui vient assurer la deuxième partie. Attendant Nick Cave and The Bad Seeds, j'ai eu l'écoute un peu dispersée sur certains morceaux. A priori, l'auteur breton semblait avoir déjà ses fans bien installés dans l'arène, certains morceaux ayant aisément entraîné la foule. Je ne sais pas pourquoi, la voix sans doute, et certains riffs m'ont rappelé Lescop, notamment le morceau "un déluge". Je me souviens en particulier de certains effets stylistiques dans les paroles : de longues répétitions, des assemblages et formes multiples de phrases... Certains morceaux étaient très pop rock, c'était sympa, l'ambiance conviviale... une très bonne introduction à la chaleur pour la suite des événements.
L'entracte annoncée, les techniciens mettent en place le matériel, exécutent les balances... Cela dure un certain temps, avec un rapide passage de l'un des membres australiens : le percussionniste Jim Sclavunos. Le public, depuis belle lurette, s'agite, se retourne, s'étouffe en soupir d'impatience. Le calme, sur scène, revenu, le public rugit. C'est à celui qui précédera l'arrivée des musiciens. Cela s'accompagne de sifflements, de l'envolée de coussins. Timide, d'abord, cette envolée va avoir son succès grandissant au fil de la prestation des mauvaises graines australiennes.
Enfin, oui enfin, apparaissent sous un flux sensoriel assourdissant du public, Nick Cave et ses compatriotes. D'entrée, le leader à la voix terriblement sensuelle nous entraîne dans le premier morceau "We No Who U Are", du nouvel album, "Push the sky away". S'ensuit l'envoûtant Jubilee Street, oscillant entre décadence et fragilité. D'emblée, Nick Cave nous entraîne dans ces morceaux avec hargne. C'est si direct, et pourtant si intense que j'en reste clouée! Sans nous échauffer, on baigne instantanément dans leur sauce. Arrive le fameux "From her to Eternity" que je rêvais de voir interprété, ce morceau apparaissant dans l'un de mes Wenders préférés: les ailes du désirs. C'est juste magique! A ses cotés, Warren Ellis, complètement déjanté varie les poses étranges: de l'archet placé dans son dos, comme un grattoir, ou une antenne, à son jeu délirant sur les cordes du violon (ne parlons pas de ses mimiques, toutes farfelues), à son envie de jouer dos au public... Le charme et la beauté du jeu aussi impressionnants que la barbe! Conway Savage (à qui l'on souhaite furtivement l'anniversaire), aux claviers, la mine réjouie explose en sourire malicieux, soutenu par l'enthousiasme et la vigueur de George Vjestica, à la guitare électrique et Jim Sclavunos aux percussions et batterie. Seul Martin Casey, l'air grave et concentré, à la basse, apparaît comme l'enfant sage de la troupe. Enfin tous les musiciens accompagnent Nick Cave aux chœurs, dans une authentique complicité. En particulier, entre Nick Cave et son compagnon de route sur plusieurs projets ,(Grinderman, BO de L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, d'Andrew Dominik...), Warren Ellis.
Dans une proximité marquée avec le public, Nick Cave balaie la scène, rageant, s'exclamant, exécutant différentes courbettes. Et tout cela dans son habituel costume! L'enfant du post punk n'a en effet, rien modifié à son image: les cheveux mi-longs toujours tirés vers l'arrière, le costume, la chemise, tout est là... sauf la moustache. Mais entre ces passages tumultueux, arrivent des moments paisibles ou Nick Cave range sa hargne et regagne son piano. D'où l'effet d'un concert "bipolaire" ou le sentiment d'assister à plusieurs types de concerts : d'une prestation très rock avec un leader acharné à une représentation plus classique avec le chanteur, pianotant à distance de la scène... Cet enchaînement fonctionne à merveille, économisant le spectateur, l'excitant... La phase paisible intègre People ain't no good, into my arms... Enfin le show s'achève sur Push the Sky Away et les musiciens se retirent...
Se retirent... Mais jusqu'à quand donc ? Non, cela ne suffit pas ! Ça hurle dans les tribunes, les cousins volent plus fort, plus haut, plus vite... On en redemande, encore et encore. La rage est installée. Ils ne nous feront pas attendre bien longtemps, ces fabricants de l'ivresse sonore. Ils seront encore très généreux de nous interpréter 5 bon gros morceaux avant de s'envoler dans cette nuit d'été, croisant les coussins du public sur "Love Letter"...
Setlist :
We No Who U R
Jubilee Street
From Her to Eternity
The Weeping Song
Tupelo
Deanna
Mermaids
People Ain't No Good
Into My Arms
Higgs Boson Blues
The Mercy Seat
Stagger Lee
(Fred Waring & His Pennsylvanians cover)
Push the Sky Away
Encore:
We Real Cool
Red Right Hand
Papa Won't Leave You, Henry
Jack the Ripper
Love Letter
Critique écrite le 08 août 2013 par Karen Solvery
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