Chronique de Concert
Nick Cave & The Bad Seeds (Rock en Seine 2022)
26 août 2022, 22h30, festival Rock en Seine, aux abords de la grande scène, l'impatience et l'effervescence sont palpables, alors que l'entrée en scène de Nick Cave et de ses Bad Seeds est attendue, tels le Messi et ses apôtres, pour conclure en apothéose cette très bonne deuxième journée du festival. C'est un spectacle incroyable, d'une intensité folle, comme on en voit que très peu dans une vie, que la tête d'affiche du jour offrira aux 30 000 personnes présentes lors de cette fabuleuse soirée. Dans l'olympe des performers vivants, à l'heure où certains d'entre eux marquent le pas en raison d'une date de péremption proche ou dépassée (Mick Jagger, Iggy Pop... ), il y a désormais Nick Cave, puis les autres ! L'Australien sexagénaire est au sommet de son charisme et de son art. Peut-être est-il transcendé, car la scène et les concerts représentent un exutoire expiatoire au regard des drames humains qui ont marqué sa vie avec les décès récents de deux de ses enfants. Toujours est-il que ce concert fut un moment d'exception !
Son entrée en scène fiévreuse sur "Get ready for love" a placé d'emblée le curseur très haut, à un niveau que 99% des artistes peinent à atteindre lorsqu'ils arrivent au climax de leurs shows. Totalement habité et possédé, Cave promène sa dégaine de prédicateur sombre de parts en parts de l'immense scène en invectivant le public, en l'épousant avec une force incandescente. Tels des sermons de pasteur gospel transfiguré, "There she goes, my beautiful world", "O Children" se muent en incantations célestes, alors que le classique "From here to eternity" est livré dans la meilleure version qu'il m'ait été donnée d'entendre en bientôt 30 ans de concert du Monsieur. Le public est alors ébahi, le souffle coupé, peut-être même par instant traversé par des frissons, tant la puissance et l'intensité de la prestation qui lui est donnée sont hors normes.
Après un "Jubilee street" enflammé, Nick Cave temporise et se lance dans un registre plus intimiste, avec des chansons en piano/voix en forme de complaintes à la beauté lacrymale, dont on ne peut imaginer qu'elles ne puissent pas être adressées à ses fils. On en pleurerait... Nouveau changement de registre avec une version complètement incroyable de "Tupelo" qui nous plonge dans la description crasseuse de la ville qui a vu naitre le King un soir d'orage. Ombrageuse, torturée, elle entraine le public dans un "survival" marécageux dopé par les incantations sauvages d'un vocaliste en état de transe. S'en suit une descente vers les enfers avec des versions poignantes et désespérées de "Red right hand" et de "Mercy seat", qui ne sera stoppée qu'avec une très belle version de la ballade "The ship song" (malheureusement gâchée pour moi, par une Anglaise avinée qui hurlait les paroles dans mes oreilles telle une supportrice du Kop de Newcastle... )
Après avoir rendu un hommage singulier au King dans "Tupelo", Cave convie désormais Robert Johnson avec "Higgs Boson Blues", dans une longue version moite et obsédante, qui semble témoigner du jour où celui-ci vendit son âme au diable dans un étrange rite de sorcier vaudou. On se rend alors compte à quel point les Bad Seeds et la patte de Warren Ellis sont essentiels dans l'équilibre et la théâtralité des retranscriptions des histoires aussi erratiques que cauchemardesques narrées par le sombre Mr Cave. Ce cycle très sombre se clôturera de belle façon avec "City of refuge" et "White elephant" qui semblent montrer que la voie du salut ne passe que par le chemin de cette "cité du refuge", que semble indiquer les churs gospel qui se joignent à Cave dans une très belle envolée. Le temps du rappel est désormais arrivé avec "Into my arms", aux allures de prière et de déclaration d'amour et de foi, interprété de manière intimiste en piano/voix, puis de rédemption avec le très beau et pourtant méconnu "Vortex" sur lequel les Bad Seeds sont de retour.
Après 2 heures d'une intensité folle, le concert s'achève, comme contraint par le timing du festival, alors qu'il semble évident que Cave et son groupe n'en avaient pas encore terminé. Le public en aurait bien pris pour une bonne demi heure de plus... Le débat entre connaisseurs et fans de longue date qui s'ensuit tourne autour de la question de savoir si ce formidable show est le meilleur jamais donné par l'Australien à Paris depuis le début de sa carrière, ou si c'est celui de 2017 au Zénith, qui avait été aussi un moment d'anthologie. Les avis sur la question sont partagés, mais tout le monde est unanime pour dire que Nick Cave est une bête de scène absolue, unique en son genre, et que cette soirée du 26 août 2022 restera longtemps gravée dans les mémoires.
Photos : Olivier Hoffschir
Critique écrite le 29 août 2022 par lol
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