Accueil Chronique de concert (mon) Rock en Seine 2018 : The Orielles, Nick Murphy, The Limiñanas, Gothking, Carpenter Brut, Malik Djoudi, Anna Calvi, King Gizzard and the Lizard Wizard
Samedi 21 décembre 2024 : 6880 concerts, 27251 chroniques de concert, 5420 critiques d'album.

Chronique de Concert

(mon) Rock en Seine 2018 : The Orielles, Nick Murphy, The Limiñanas, Gothking, Carpenter Brut, Malik Djoudi, Anna Calvi, King Gizzard and the Lizard Wizard

(mon) Rock en Seine 2018 : The Orielles, Nick Murphy, The Limiñanas, Gothking, Carpenter Brut, Malik Djoudi, Anna Calvi, King Gizzard and the Lizard Wizard en concert

Parc de Saint-Cloud 24 août 2018

Critique écrite le par


Damnation, l'été 2018 s'est déjà enfui ! On a eu beau y poser autant de jalons festivaliers que possible (Tinals, Hellfest, Eurocks...), nous voilà déjà à sa borne de fin, celle traditionnelle de Rock en Seine. Pour un passage comme souvent en pointillés, la capitale parisienne comportant d'autres attraits à découvrir en famille (comme par exemple, un squelette de T-Rex de belle taille au Jardin des Plantes). On s'en voudrait néanmoins de ne pas passer voir le Parc de Saint-Cloud, qu'on fréquente quand même presque chaque année depuis 2004. Et qui, sous des têtes d'affiche qu'on qualifiera d'inintéressantes et/ou déjà vues pour être charitable, cache quand même quelques belles références pour les amateurs de rock, avec des noms écrits en plus petit sur l'affiche.


Le festival peinera toutefois à faire le plein les deux premiers soirs (à peine 20 000 personnes le vendredi, on circule tranquille !), la faute au capitalisme sauvage qui est entré dans le monde des festivals il y a déjà plusieurs années : il y a un événement rap concurrent à la U-Arena de Nanterre ! Entre l'idiote conviction (teintée d'un début de panique) qu'il faut bourrer la programmation de 50 % de rap pour continuer à attirer les djeuns, phénomène déjà observé aux Eurocks (forcément, avec le même patron...) au lieu de se concentrer sur ce qu'on sait faire, les requins AEG et les rapaces de Live Nation qui on décidé de se bouffer entre eux.... les gros festivals sont mal barrés ! "Allez les gars, on s'est goinfrés sur les CD avant de les tuer avec le téléchargement qui a fini de rincer les artistes (même si on se gave encore un peu sur leurs vinyles, désormais presque vendus en euros au prix qu'ils coutaient en francs) ? Fonçons donc sur la musique live où il reste encore un peu d'argent à rafler et on aura fini de tout tuer dans les musiques actuelles : après nous, le déluge !"


Bref, arrivée en fin d'aprème ensoleillée sur site pour voir la toute dernière chanson de Yellow Days, précisément vu au début de l'été à Nîmes où il nous avait fait très bonne impression avec sa soul blanche mélancolique. Après un passage au food court avant le rush (falafel et curved fries, pas trop mal), et un petit bonjour aux vaillants bénévoles de la précieuse SOS Méditerranée, on découvre la nouvelle scène dite Firestone, sur l'esplanade d'entrée. Mis à part les ridicules chapeaux rouges distribués généreusement par ce fabricant de sous-produits pétroliers polluants (...on a les sponsors qu'on choisit, hein...), la scène est bien jolie et sonorisée. S'y produisent The Orielles, trio de jeunes gens aimables et un peu intimidés qui fait une pop sympa et même assez groovy, emmené par une petite chanteuse très mimi. Rien de bien marquant mais parfait pour se rincer le gosier une première fois et retrouver facilement les copains - puisqu'il n'y a pas foule.


Plus gros morceau - enfin, lui au moins semble le croire, un certain Nick Murphy, qui se produisait auparavant sous un autre nom (Chet Faker). Pop-rock un peu électro, vaguement soul, ça part un peu dans tous les sens, certains morceaux de l'Australien font mouche par un groove plaisant, d'autres sont très moyens ou tentent des racolages à grosses ficelles, à la Justice. Pire, des ponts jazzy interminables viennent curieusement ramollir le tout, le chanteur semblant croire que son costard, sa présence et son attitude d'artiste torturé sont assez magnétiques pour nous fasciner (euh, en fait, comment te dire ? ce n'est pas vraiment le cas, mec). N'étant pas Nick Cave (qui lui, ne monterait d'abord jamais sur scène sans s'être lavé les cheveux...), son costume de crooner charismatique est franchement trop grand pour lui, malgré une voix et des chansons correctes, mais dont on serait bien incapable de dégager un tube ou même un single...


Valeur plus sûre, enfin, un énième rendez-vous avec The Limiñanas de Cabestany, dans une démarche à peu près inverse : aucune attitude, aucune pose (et comme d'hab', aucune communication avec le public...), mais tout pour la musique, qui vous enveloppe d'entrée dans une belle nappe de rock fuzz organique et sensuel - joliment mise en scène par ailleurs ! Dans la troupe évidemment emmenée par Monsieur et Madame L., on remarque un nouveau guitariste (guitare sèche) qui chante une bonne moitié des textes, la chanteuse habituelle semblant avoir été quelque peu rétrogradée. Et aussi, un barbu en costard-cravate ringard, placé en hauteur et déjà aperçu dans leurs clips, qui danse comme un piquet sur une bonne moitié du concert et apporte une touche amusante de second degré au tout. Comme pour signifier : "Oui, on a l'air un peu trop sérieux comme ça, tous les 7 à déchaîner du rock 60's psychédélique et puissant mais pas de panique, on ne se prend pas pour qui que ce soit, ce n'est que pour vous faire danser !"


Petite déception déjà vécue avec le groupe, à l'exception notable du Tigre du Bengale et de Betty, très peu de leurs chansons anciennes (et souvent marrantes... Votre côté yéyé...) qui nous charmaient tant ! Il faudra bien accepter une bonne fois l'idée que ce groupe avance toujours sans se retourner, tentant de nouvelles orchestrations, sortant les albums à un bon rythme, un single chassant donc l'autre... Ici Dimanche (aka "Suzy") sans Bertrand Belin et Garden of Love (sans Peter Hook) sonnent très bien, tout comme Shadow People avec Emmanuelle Seigner (une actrice française talentueuse et ô combien magnétique, qui disparaîtra pourtant de la scène aussi discrètement qu'elle y est apparue...). Il n'y a décidément pas de stars possibles dans ce groupe ! No explain, no complain, c'est à prendre ou à laisser : on prend, merci, c'est tellement musclé que ça peut flirter avec le shoegaze de TJ&MC, on ondule de plaisir tout le concert ! Tes Funérailles rendent enfin la parole à la chanteuse habituelle, avant une cover très puissante du célèbre Gloria de Them, et un final en coda tournoyante et hypnotique qui achèvera de nous donner du plaisir. Ben oui, car comme toujours avec eux, on a pris notre pied, merci !


Sur le créneau suivant, on passe seulement quelques minutes avec la DJ trans Sophie (avouons qu'on était plus curieux de son physique que de sa musique électro sans grande originalité, alors comme on ne la voit pas...), et on ne sera pas spécialement fasciné par la pop hédoniste de Parcels, groupe chevelu et à la basse plaisante façon Chic, mais qui manque cruellement de ces singles hyper catchy que pondaient par exemple leurs grands frères de Two Door Cinema Club... On s'offre donc un petit plaisir simple avec un groupe de punk rock local, seul truc du style sur le week-end sauf erreur, Gothking, programmé sur le plancher/marabout de la petite scène Ile-de-France. Chanteur attachant mais chant un peu déglingué, pas de basse ici mais un son costaud et qui flirte parfois avec le hardcore, c'est rafraichissant, pétaradant et approximatif, et ça permet au moins un petit mosh-pit dans le week-end, dans une ambiance presque familiale, entre les quelques amateurs de musiques brutales égarés ici ce soir. Petite échoppe à sandwiches un peu perdue aussi, la Compagnie des Burgers Ellis fait du très bon boulot, qu'on se le dise pour la prochaine fois !


On sait déjà qu'on va finir la soirée en bonne compagnie avec Carpenter Brut (qui avait déjà conclu notre Hellfest sur une touche très fun) : le son synth-wave du trio, kitsch et drôle à la fois, ne nécessite rien d'autre que de la bonne humeur et un peu d'indulgence, étant par ailleurs puissant, putassier à mort et donc relativement irrésistible (Turbo Killer). Même l'absence de chant en live sur Cheerleader Effect (horrible scie 80's ou revival maso-jouissif ? difficile à trancher en live !) n'est pas gênante, moins en tout cas que l'odeur puissant d'anti-moustique qui règne devant la scène... Entre autres, on s'agite donc de bon coeur sur Le Perv et autres Sex Killer on the Loose, ambiancés par de jolis extraits de films gore vintage (bimbos hurlantes éviscérées par des sadiques) et autres coupures de presse redneck, rapportant les exploits de serial killers anthropophages.


Mention spéciale à l'hilarant (et possiblement authentique) tutoriel de télé-évangéliste, permettant de reconnaître si votre propre adolescent écoute de la musique metal, grâce aux nombreux et inévitables symptômes liés à cette terrible déviance (drogue, sexe, fascination pour Satan, comic books...) - avec un numéro "Call now !" surtaxé à la fin... La guitare heavy ultra-compressée, la batterie jouée en live, les claviers claquants tenus par le leader - un vrai prototype de hipster, mais sympa - et des lumières tourbillonnantes et efficaces, emportent sans peine le public dans leur délire régressif. Ils n'ont donc plus qu'à le cueillir bien mûr avec l'inévitable (et manifestement attendue) reprise de Maniac, évidemment en mode karaoke. A quand une cover de Flashdance ou même de Fame, tant qu'on est ? Le groupe a trouvé une formule, elle marche très bien et pourrait a priori fonctionner sur n'importe quoi !


Fin d'un vendredi sympa mais vraiment tristement dépeuplé, donc. On a pu lire depuis que même les pauvres PNL (la tête d'affiche, mais oui, après ... The White Stripes, Tool, Radiohead, Björk ou Faith No More, est-ce bien le même festival ?) avaient du avoir recours à des applaudissements pré-enregistrés pour pallier le vide s'étalant devant leur trop grande scène. Il est vrai que pour les dépressifs, se jeter simplement dans la Seine depuis le Pont de Saint-Cloud était une alternative bien plus rapide et indolore pour se tuer proprement, sans les atroces effets laxatifs de type choléra que peut provoquer ce groupe...


Retour le lendemain donc, pour un aprèm en famille (petite tradition instaurée depuis quelques années déjà) qui sera court, bien trop court pour justifier une chronique à part. On s'approche un moment du sympathique Malik Djoudi, qui manque un peu d'instruments sur scène (et lui-aussi de public), mais pas de personnalité ou d'une voix singulière. Chanson française à tendance électro, il a un univers plaisant et un ou deux titres qui marquent, comme sa jolie Cinéma. Avouons qu'on a aussi et surtout apprécié une gracieuse cover du Cambodia de Kim Wylde qui est, rigolez si vous voulez, l'un de nos 45 tours préférés (au moins dans la catégorie fausse blonde des années 80). A réécouter éventuellement ?


Notre tête d'affiche du week-end à nous, avouons-le, c'est évidemment Anna Calvi, de retour sur scène après une très, trop longue absence, heureusement ponctuée de jolies cartes postales, comme son magnifique EP de reprises Strange Weather. Bien sûr, on adorait la dégaine coincée voire un peu autiste de la blonde originelle, au chignon sévère et finalement sexy à mort. C'est d'ailleurs sous cette forme que l'enfant qui nous accompagne aujourd'hui (à 6 ans bien tassés) l'avait entendue encore in utero, hurler un poignant Jezebel au super festival Art Rock de Saint-Brieuc... Mais la petite rockeuse qui se présente aujourd'hui, brune maquillée comme un camion volé, en version queer et bien plus extravertie sur scène - l'Anna Calvi 2.0 en quelque sorte - nous charmera tout autant, dans un style radicalement différent ! D'autant que le magnétisme de ses chansons est inchangé, des arpèges de Rider to the Sea à la toujours délicatement susurrée I'll be your Man ou aux hymnes habités Suzanne and I et Desire.


En outre, son show (trop court, forcément trop court) présente certains nouveaux titres de toute beauté de son album à la parution imminente : Hunter (racée et punchy), Indies or Paradise (mid-tempo sensuel), ou encore Don't beat the Girl out of my Boy qui résonne comme un fier coming out... Au détriment, évidemment, de certains des grands classiques de la minuscule chanteuse, comme Love Won't be Leaving, The Devil ou Sing To Me, qu'elle n'aura pas le temps de jouer, snif... En parlant de petites personnes, celle qui est perchée sur nos épaules sera joliment projetée quelques instants avec d'autres sur les écrans géants, et les organisateurs ont quand même pensé à elles : un ballon gonflable géant déboule au milieu d'une chanson, et la petite bande de marmots présents dans le public continuera à poursuivre cette belle baudruche plus grosse qu'eux, longtemps après la fin du concert... Pas démontée par cette apparition incongrue en pleine communion musicale, la chanteuse termine avec un Ghost Rider aussi noir, voire plus, que celui de Suicide, micro à la main, à genoux et finalement en se roulant par terre. Une sacrée métamorphose effectuée en quelques années, Madame Calvi sera à revoir en salle absolument dans la longue tournée qu'elle entame ici-même !


Le dernier concert du week-end, pour notre part, sera déjà la copieuse tornade de rock, certes un peu plus austère de prime abord, servie par le gang des King Gizzard and the Lizzard Wizard. On parierait toutefois volontiers avec des festivaliers plus assidus que nous (mais pas fans de Die Antwoord ou de 30 Seconds to Mars, hein !) que ce fut probablement le tout meilleur concert de rock du week-end ! Avouons qu'en ayant raté leur coche de départ il y a quelques années, la discographie de ce groupe est rapidement devenue si affolante qu'on a pas encore eu le courage de s'y attaquer vraiment. Pas rancuniers, Stu MacKenzie et ses 6 pistoleros nous en servent d'affolants extraits en larges louches débordantes, dans des morceaux étirés et puissants, bourrés de digressions copieuses, puisant avec gourmandise dans beaucoup de styles qu'on vénère et passant par exemple sans vergogne des riffs de Tommy Iommi à ceux de John Dwyer...


Pour n'en citer que quelques-uns : Rattlesnake, tube magnétique et aussi venimeux que son nom, Crumbling Castle, mélopée orientale d'une ampleur fabuleuse et qui ne finit jamais, ou encore la délicieuse et surexcitante fin en cavalcade heavy de People Vultures. Sans surprise, il semble que ça s'agite pas mal devant dans la fosse, car les corps réagissent forcément à une telle déflagration, servie par un groupe où personne n'attire la couverture à soi, et qui vous envoie en l'air aussi sûrement que le traditionnel saut à l'élastique inversé pour lequel les gens font la queue afin de se mettre la tripaille sens dessus-dessous en hurlant de peur. Grosse, mais alors très grosse tarte brûlante servie en pleine gueule, et exotique puisque venue des antipodes australiennes : presque une semaine après, on en a encore le nez qui saigne. Pitié, Messires, vous avez notre parole : on attaquera votre pile de vinyles dès que possible...


On quitte un peu à regret les grands espaces agréables (et toujours pas surpeuplés) du Parc de Saint-Cloud, où l'on aurait bien rigolé à nouveau devant les très branleurs Insecure Men, découvert enfin ce que vaut la Fat White Family sur scène, ricané comme toujours devant la tête de lard de Liam Gallagher ou même redécouvert Charlotte Gainsbourg, qui semble avoir donné un show tout à fait magnifique. Sans parler des cacophoniques mais explosifs Idles qui n'ont sans doute pas manqué de mettre un beau bordel bourré le lendemain... Heureusement, la vie de famille offre beaucoup d'autres intérêts que ces divers artistes, presque tous déjà vus ou revus... En tout cas, les granités ont été jugés bien meilleurs qu'en 2017 par un connaisseur, alors n'ayez crainte pour 2019, amis programmateurs, on reviendra !


Mais tout de même, notre conseil amical pour la prochaine fois : virez tous les noms en trop gras de votre affiche, remontez tous les autres d'un cran (et d'une scène), inspirez vous de Tinals, de Binic ou de la Route du Rock pour choisir quelques espoirs afin d'occuper les espaces ainsi libérés, et surtout, surtout laissez le rap à ceux qui l'aiment, savent le programmer et attirer son public... Au final, respectez simplement davantage votre public historique (celui du rock, donc), et tout rentrera certainement dans l'ordre !

Longue Vie à Rock en Seine !

Photos pro : Christophe Crenel (The Limiñanas, Carpenter Brut, Malik Djoudi), Olivier Hoffschir (Nick Murphy, Anna Calvi, King Gizzard and the Lizard Wizard), Zélie Noreda (Ambiance /chateau gonflable, Ambiance / maquillage, Ambiance / Joshua ! Ben oui, c'est mon fils sur la photo de dos ;-), Victor Picon (Ambiance / mains levées, Ambiance / Liam). Un très grand merci à elle et eux !

Flashback : Chroniques de nos passages aux éditions 2004, 2005, 2006, 2007, 2009, 2011, 2012, 2014, 2015, 2016 et 2017 du Festival Rock en Seine !


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