Chronique de Concert
Nicolas Jules + Sol Hess & The Sympatik's + Fuckon
C'est devant une foule compacte que Nicolas Jules , look de garçon de café foudroyé et guitare au poing, entame son set. Mi potache, mi poète, il déclenche l'hilarité générale autant que les frissons. Nicolas Jules ou son double américain Nikky Nikky, "chanteur professionnel" qui lui, habite dans une "vraie ville" et qui est un peu décontenancé d'être venu de si loin pour jouer dans une cave... Habitué au backing band-orchestre et aux groupies hystériques, il ne perd pas de sa contenance pour autant et entame un one man show tout en justesse, tout en finesse ; ballades mélodiques et voix calibrée enrobent une prose ciselée, avec un jeu de scène un rien désarticulé, surprenant même sa guitare par à-coups, dérivant là où on ne l'attend pas, allant même jusqu'à doubler les accords à la voix et chanter en patois Poitevin.
Il y a du charme, du grain et du lâcher prise brillamment contagieux. Entre faux départs au bout de deux morceaux "là l'ambiance est bonne, j'ai tout donné" et titres à couper au couteau "Amicale des joueurs de luth" (qu'il fait rimer avec "Belzébuth"), il s'amuse avec les riffs loopés (sans les mains / d'où l'importance de l'orthographe), brouillonne Purple Rain , empaille un doigt de Mojito, tranche la foule et nous régale avec sa dérision vaguement autiste et franchement flamboyante.
Au tour de Sol Hess et ses trois Sympatiks acolytes de larguer les amarres, au gouvernail de leur second LP the things we know et de s'engouffrer à toute bise en plein cur d'un maelstrom émotionnel (adjectif officiel et copyrighté du groupe depuis la glorieuse session marseillaise à l'Asile 404 ). Le set démarre sur une ballade atmosphérique, guitare à l'archer, batterie effleurée, cymbales en résonnance. La voix est fébrile, danse sur le fil à deux coutures du point de rupture. Le clavier enveloppe le tout de nébuleuses, à mi-chemin entre Bright Eyes et Radiohead . Une kyrielle de sons s'égrène, entre tintement de cloches, pluie fine de xylophone et larsens de pédales torturées, tandis que Sol déambule, déclame hors micro, s'adressant à l'univers invisible, aux créatures sous-marines, en Moïse punk dans la foule, ménageant les climax, la houle qui enfle, en pleine écume sonore, sonique ; la transe électrisée nous porte vers des cimes inexplorées jusqu'à ce que ce silence singulier d'après la tempête s'abatte sur nos épaules, nous laissant désarçonnés.
Soudain la musique verse dans le dub, avec la basse ronde du clavier, un pouls, une gestation, avant la salve, l'explosion. La possession s'empare de Sol, Pierre et Roland s'imbibent d'hallucinations, Fred au clavier reste concentré, ancré. Et puis les sons se mélangent, les gongs martèlent les cymbales, le pédalier est malmené ; la ballade feutrée clôturant le set n'en est que plus intense, après la démence.
Évidemment, on n'allait pas les laisser partir comme ça. Mais c'est seulement après avoir fait asseoir tout le monde que le groupe se lance dans une sublime cover de True love will find you in the end du fou génial Daniel Johnston . Mais là encore, le son s'électrise, s'ébruite, les gens se relèvent un à un captivés alors que le son s'enfle en une dernière bourrasque.
Sur un dancefloor abandonnés, comme des coquillages crustacés, nous étions donc des proies faciles pour les FuckOn et leur electro 80's entre riotage récréatif et geekerie minimale. Plusieurs machines, claviers, consoles, micros, pédales pour une guitare et trois maîtres à bord, remplis à ras-bord d'alcool et de playfulisme (ou playfulité selon les régions). Ça démarre avec L'Américaine sur de un beat electro-disco, avant de prendre une tangente plus mélancolique tandis que Phil scande en pleine foule Sans toi je ne suis pas un homme . Le motto Safe Life est repris en chur par une foule à trois grammes et l'ombre de Jean-François Maurice mâtiné de Patrick Coutin se prélasse, goguenarde, entre deux solos d'une kitscherie assumée.
Subitement, la pression monte d'un cran, des échauffourées éclatent dans la foule, ça danse, ça se bouscule, ça s'érotise ; le chaos est général, l'humeur confuse, l'instant est parfait pour lâcher les chiens des Stooges version locale. Viens le tour de Mary Möör et de son Pretty Day comme une cerise rouge sang sur un pompon romantique, avant d'enfoncer le clou avec l'incantation enthousiaste Sex is Fashion . Les Gamma GT se reproduisent, l'euphorie est collective, le rappel va de soi. Les deux premiers morceaux s'y collent dans une atmosphère à la paix retrouvée et aux membres ((les nôtres) engourdis.
Et c'est échoués dans le noir néon, les yeux pleins de sable que l'on délaisse le dancefloor, puis l'escalier, enfin le bar ravagés, que la dream team de La Cueva tente d'évacuer à grand coup d'écope chaloupée.
Une soirée sans nul doute 100% émotionnelle©, au line-up un peu décalé mais cohérent dans la progression du BPM, et tout à l'honneur de Sol Hess & the Sympatik's qui ont rempli leur contrat de release party avec un charisme ébouriffant.
Photos par
Kami : https://www.facebook.com/aboutlightandmen et Alain Nouaux : birehuye@orange.fr
Critique écrite le 08 mai 2016 par odliz
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