Chronique de Concert
Nikki Yanofsky
Nikki Yanofsky est le nouveau prodige mondial du jazz : âgée de seulement 17 ans, la jeune Canadienne s'est déjà produite sur les scènes les plus prestigieuses de la planète (dont le Carnegie Hall à New-York), c'est donc assez logiquement qu'on la retrouvait en cette soirée automnale dans la plus mythique salle de France : L'Olympia (après deux essais au New Morning et à La Cigale). Signée chez Decca, produite par Phil Ramone (14 Grammy Awards à son actif), suivie de près par Herbie Hancock, la jeune fille a le monde a ses pieds et Paris n'échappe pas à la règle, même si sa notoriété reste encore à faire dans nos contrées.
Pour l'accueillir, la salle est pourtant très confortablement remplie, affichant presque complet. Le public est hétéroclite, entre amateurs de jazz pointus, plutôt âgés, venus voir le prodige avec curiosité et bienveillance, et jeunes gens sans doute charmés par cette révélation, qui fraye suffisamment avec la pop pour rester accessible à sa propre génération.
Sans s'embarrasser d'une première partie, Nikki Yanofsky arrive sur scène assez tôt, joliment enserrée dans une robe rouge, accompagnée de neuf musiciens. Tout de suite à l'aise, elle se ballade avec aisance entre soul, jazz vocal et pop. Lors de ses envolées soul (Cool My Heels, Hear me Talkin' To Ya), elle laisse s'exprimer tout son incroyable talent vocal avec une énergie débordante et le public ne peut s'empêcher d'esquisser quelques mouvements dans les sièges rouges. Plus feutrée, sa rencontre avec le jazz vocal (You'll Have To Swing It) la rapproche d'une Melody Gardot et la laisse installer une atmosphère envoûtante. C'est aussi dans cette veine qu'on retrouve un des deux morceaux qu'elle chante en Français : Bienvenue Dans Ma Vie.
Bien qu'elle vienne de Montréal, Nikki est anglophone, ce qui ne l'empêche pas, entre les morceaux, de prendre le temps de s'adresser aux spectateurs dans un français très correct et avec beaucoup d'humour ; elle est drôle, s'amuse et amuse le public, comme pour rappeler que malgré son étonnante précocité, elle reste une jeune fille de son âge, un peu timide, mais spontanée.
Après un entracte de vingt minutes, la jeune femme revient les cheveux détachés, moulée dans une robe noire qui lui donne une apparence beaucoup plus mature et sensuelle.
C'est parti pour soixante minutes supplémentaires de groove et de swing, portées par des musiciens brillants (mentions spéciales au batteur et au contrebassiste), merveilleusement servis par une acoustique excellente, qui laisse la place à toutes les finesses et les subtilités de leur musique. A chaque instant, la jeune artiste insuffle toute sa fraîcheur et sa candeur, tout en imposant une maîtrise technique absolue. Elle ne commet aucun écart, aucune faute, elle joue de son incroyable voix avec une insolente facilité.
Sur des titres comme Airmail Special (morceau fou d'Ella Fitzgerald, qu'elle interprétait déjà à 13 ans...), elle impressionne par son ébouriffante maîtrise technique du scat, qui lui vaut une ovation particulièrement appuyée.
Pour le reste, elle alterne entre compositions personnelles issues de son premier album ("Nikki") et de nombreuses reprises : hormis Ella Fitzgerald, on remarque les Beatles (Oh! Darling) et les Eagles (The Heart Of The Matter), ainsi que Judy Garland, dont elle reprend le fameux Over The Rainbow en guise de premier rappel.
Pour le second, la jeune Canadienne offre un ultime swing enlevé qui la porte jusqu'à la standing ovation d'un Olympia sous le charme, un hommage attendu, mais amplement mérité.
Nikki Yanofsky aura offert ce soir près de deux heures de concert et laisse les spectateurs repartir des étoiles dans les yeux et des airs plein la tête. Au-delà de la précocité de son talent et de sa stupéfiante maturité, Nikki impressionne par sa fraicheur et sa pétillance, dignes d'un grand Champagne, et on ne doute pas que ce millésime d'exception fera date.
Merci à Alice chez Gérard Drouot Productions.
Critique écrite le 07 novembre 2011 par Fredc
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