Chronique de Concert
Old Shep + No Jazz Quartet
Passé un certain âge, les vendredis soirs sont un horizon terrifiant. Et les pires d'entre eux sont peut-être ceux où, comme ce 17 mai 2024, on a personne avec soi à la maison... Car on se retrouve alors à affronter seul la terrifiante hydre, cette vile créature qui habite notre propre salon : "Nyhamn" de son petit nom ! Autrement dit, un canapé convertible suédois qui déploie une force d'aspiration irrésistible et nous a déjà souvent privé de concert... C'est donc au prix d'un gros effort, après avoir déjà presque tourné de l'oeil, qu'on est parvenu à s'arracher à ses tentacules, pour cette belle affiche à l'irremplaçable Maison Hantée.
On arrive pendant le set de Shep Gunz, couteau le plus affuté du (déjà très bon) tiroir Lodi Gunz ! Habillé sur son 31 ce soir (chemise et pantalon sobres, aucun motif léopard ou tatouage apparent !), le grand moustachu nous rappelle vite qu'on l'a déjà écouté avec plaisir sous cette forme solo/folk il y a quelques mois à Lollipop - mis à part qu'il est vraiment seul ce soir.
Moins simple qu'il n'y paraît, et de très bon goût, son set nous régale de sa belle voix, qui peut à l'occasion s'arracher joliment dans la gorge et/ou partir loin dans le nez (qu'il a idéalement long). Alors certes la Maison n'est pas comble et ça braille un peu au bar mais en bon pro, il n'en a cure et régale les gens qui l'écoutent - il parvient encore à groover en chantant en français, ce qui n'est jamais simple ! Il est aussi charismatique, et blague sans prétention entre les morceaux.
Flirtant avec Johnny Cash (zut, sa chansons faite exprès n'était pas prête, finalement), mais aussi et plutôt avec Dylan (de l'époque très lointaine où celui-ci savait chanter), sa guitare et sa voix gardent constamment et agréablement notre attention éveillée ! Son finale me semble même un peu ... Hendrixien (façon "The wind cries Mary"), avec une ballade à la fois tranquille et racée. Définitivement un grand chanteur, seul ou accompagné, à suivre !
La première fois que j'ai entendu Lost Trail du No Jazz Quartet sur ma platine, j'ai cru que le disque ne tournait pas à la bonne vitesse, tant elle est lente et la voix grave (authentique !). C'est pourtant le début idéal pour un set qui suivra plus ou moins l'ordre de leur superbe vinyle, paru il y a déjà quelques mois. Sa pochette a d'ailleurs été scotchée sur la grosse caisse ce soir, ce qui est du plus bel effet et coûte moins cher qu'une peau floquée exprès...
Suit donc la sonicyouthesque Thermodynamic Love, envoyée par le gang en grande forme et tenue : le mélange vocal du grave Cédric et du plus aigu Paul fonctionne parfaitement, notamment sur Flower on the Wall, depuis 5 ans au moins qu'ils le pratiquent... Le groupe monte en puissance et produit "un très beau son de Maison Hantée" (si vous voyez) : avec juste ce qu'il faut de rugosité pour mettre en valeur leur rock sombre, et de toute façon délibérément abrasif à l'oreille.
Back to US, disent-ils, ou back to Australia (l'early Nick Cave n'est souvent pas loin !) avec Dark Wind, que Pirlouiiiit trouve un peu Noir Désir à l'oreille (et moi aussi, même si je ne suis pas sûr que la référence leur plaise...). Une nouveauté suit, sur laquelle je remarque (comme la fois dernière) la ligne mélodique, précise et structurante, du discret bassiste à lunettes noires. Devant, ça chante/parle en grave/aigu, à deux en mid-tempo et à propos d'espace-temps, et c'est superbe...
Last man on Earth, balade reconnue, précède une autre nouveauté, rythmique discoïde et gentiment putassière, très efficacement dégainée à la batterie, avec double solo de guitare inclus à l'avant... et la lancinante et scandée And then I saw the bird, rapidement bouffé, le pauvre volatile, par la maladive Three kinds of snakes. Le groupe envoie alors une valse déglinguée inédite, ambiance foire (Kurt Weil ?), tout à fait superbe. Rien qu'avec ces trois nouveautés, il y a presque de quoi faire un nouvel EP, les gars, ou bien ?
Uttar Pradesh, titre historique, est censé tuer le capitalisme : à défaut d'y être arrivé pour le moment, elle est bien énervée, prenante et au final jammé, toujours un bonheur ! Pour leur "Encore", les Enn'Ji'Quiou exécutent la plus calme Good Riddance : nous atterrissons donc en douceur et le concert s'arrête pile au moment où le son du No Jazz Quartet allait virer... au jazz. Ouf ! Une bien belle soirée en tout cas, ça valait carrément le coup de se relever le maffre.
De toutes façons, Nyhamn n'a pas bougé quand on revient à la maison et comme prévu, il aura bien notre peau, peu après notre retour...
Setlist :
Lost Trail
Thermodynamic Love
Flower on the Wall
Dark Wind
Ramshackle
Last Man on Earth
The Flood
And then I saw the Bird
Three kinds of snake
Mud
Uttar Pradesh
Good riddance
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Critique écrite le 18 mai 2024 par Philippe
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