Chronique de Concert
Operetta
A notre arrivée, c'est d'abord une performance qui nous attend. Celle de l'artiste peintre Patrick Raphaël, qui expose en ce moment au Silo et ce, jusqu'au mois de Mai. Il est donc installé entre deux piliers de béton, avec sa toile et ses pinceaux, et nous réalise une uvre en temps réel (que nous découvrirons d'ailleurs terminée à la fin du spectacle).
La salle est en disposition assise (pas étonnant pour ce style de concert). Un décor ouvert présente une sorte de salon ... Moquette rouge, avec quelques feuilles blanches éparpillées de-ci, de-là. Des meubles recouverts de draps et deux petites lampes sur pied. Tout semble ainsi endormi. Et j'attends sagement que cela commence, au milieu d'un public très varié, avec pas mal d'enfants et de familles (horaire oblige, j'imagine).
La lumière baisse petit à petit. Un surprenant porteur de piano fait son entrée. Il souffle comme un malheureux (et on le comprends : un quart de queue sur le dos !!). Il se colle une feuille sur un pied. Puis deux. Et commence à chercher à savoir ce qui est écrit dessus ... Il se met alors à chanter O Sole Mio, puis enchaine sur Rigoletto et d'autres classiques italiens, selon les pages qu'il trouve. Et il faut reconnaitre qu'il a un bien bel organe ce déménageur, surtout quand il lance l'air du toréador de Carmen !!
Le ton est donné : Ce sera un peu une soirée " Je n'aime pas le classique, mais ça j'aime bien! " (Double CD offert par mes enfants ... Sorte de Medley des tops du classique). Le tout, entièrement à capella et arrangé de façon à la fois drôle et talentueuse.
Le piano s'ouvre alors ... Un nouveau chanteur en sort. Et puis encore un, encore une, encore un ... Toute la troupe monte ainsi sur scène un par un, sans oublier de faire cela toujours en chantant bien sûr ! Ils prennent possession du décor. Des coffres s'ouvrent et les draps sont ôtés des meubles. Notre petit opéra se met en place.
Ils descendent les quelques marches qui les séparent de la salle pour venir à la rencontre du public et je retrouve bien là l'esprit des Voca People (vus dans la même salle d'ailleurs). Pas un mot depuis le début (et il n'y en aura pas plus par la suite, mis à part quelques onomatopées), mais des gestes et des attitudes qui nous font tout comprendre. On range tout le bazar. Derniers préparatifs ... Le " vrai " spectacle peut commencer !!
Tout est visuellement très plaisant et rien ne leur fait peur : Ils continuent toujours à chanter tout en terminant d'installer le décor. Ça gazouille ... Mais le chef de chur met très vite de l'ordre à tout cela. Il s'assoit dans un fauteuil tout mou, qui s'effondre quasiment sous lui. Cela ne l'empêchera pas pour autant de lancer la chorale, qui tout à la fois chante et mime les instruments ... Sauf le triangle (qui lui est vrai) !! Ce dernier va d'ailleurs vite être troqué contre une énorme paire de cymbales (rires garantis).
Tout s'enchaine dans un doux n'importe quoi, pourtant millimétré. La diva fait son entrée. Habillées et coiffée dans le mouvement. Avec juste leurs voix qui font la partition. Chaque air d'opéra est le prétexte à une petite scénette. Ils sont acteurs, figurants, instruments et même manutentionnaires ! Sans oublier la petite touche d'humour qui est présente à chaque fois, mais toujours teintée de discrétion. Des tableaux chantés en fait !
On en porte. On en habille ... Tout est prétexte à la mise en scène. C'est un cycliste que nous avons à présent, qui très vite va se transformer en peloton bien rangé derrière son maillot jaune. Enfin presque bien rangé, parce vite débordé, avant que cela ne deviennent carrément du multi-sports !
Tout est aussi prétexte à rire ou sourire ... Le concert de toux, d'éternuements et de sonnerie de portable sur Carmen. Le metteur en scène déchaîné qui hurle ses consignes dans un mégaphone à des acteurs qui vont se retrouver complètement bourrés à force de répéter la même scène de banquet de La Traviata. Ça valse. Ça dérape ... Incidents en tous genres : Tout est bon pour faire rater les multiples prises du pauvre cinéaste, qui vont se terminer en chenille et règlements de comptes. Un joyeux carnage repris par la clappe de la salle.
Il y aura aussi de l'amour, bien sûr ! Celui qui se déroule dans une gare déprimante, aux annonces incompréhensibles et aux personnages interlopes. Celui d'une femme de ménage Cendrillon qui trouve enfin son Prince technicien de surfaces (tout un programme !) Mais aussi les amours multiples d'une danseuse, plus entourée de ragondins que le petits rats de l'opéra. Un genre de spectacle foireux de MJC de banlieue, avec une étoile égocentrique qu'on ne parvient même pas à soulever et qui se meut avec la grâce des bébés hippopotames de Fantasia !
De l'absurde, amusant aussi, et surtout plus poétique. Comme ce spectacle de guignol, version petit chaperon rouge. Mais surtout ces personnages qui apparaissent et disparaissent en escalier ... Très beau visuel qui me fait penser à des jeux d'eau, comme à Versailles. Et, après ce très joli tableau (mon préféré de la soirée je pense), nous retrouvons notre maître de chur du début, qui va nous organiser une sorte de rétrospective de tous les tableaux que nous avons eu ... Nous repassons donc tous nos classiques une dernière fois, sur fond de French-Cancan, avec un fort joli final, tout sourire, qui résume bien la bonne humeur qu'ils nous ont distillé tout au long du spectacle. Ils saluent. Quittent la scène puis reviennent dans le public ...
Tout le décor doit être remis en place. Dernier petit tour de nos saltimbanques chanteurs. Tous le monde remonte dans le piano pour disparaître. On entend leurs voix qui s'éloignent et le dernier nous fait un petit signe de la main avant de refermer le couvercle sur lui ... Ça aurait pu s'arrêter là (ça aurait dû même selon moi, pour maintenir un peu la magie), mais ils reviennent nous faire un dernier salut tout de même ... Un spectacle beau et original. Un peu court peut-être tout de même (1h15 seulement) et qui laisse un petit goût de " il manquait un soupçon de quelque chose ". je ne saurait dire quoi ... D'un peu plus de folie peut-être et aussi d'un peu plus de moments d'émotion. Quelque chose de techniquement brillant, mais d'un peu lisse au final.
Setlist
1 - L'installation (Rigoletto - Giuseppe Verdi / Carmen - Georges Bizet ...)
2 - La Chorale (Guillaume Tell - Gioachino Rossini)
3 - La Diva (Casta Diva - Vincenzo Bellini)
4 - Le Sport (Le Barbier de Seville - Gioachino Rossini)
5 - Au Théâtre (Carmen - Georges Bizet)
6 - Le Film (La Traviata - Giuseppe Verdi)
7 - La Gare (Nabucco - Giuseppe Verdi)
8 - La Danse (Boris Godunov - Modeste Moussorgski)
9 - Les Marionettes (Le Trouvère - Giuseppe Verdi)
10 - Chants en Cascades (Alleluia - Camille Saint-Saëns)
11 - Flash back (Orphée Aux Enfers - Jacques Offenbach)
12 - C'est La Fin (Jacques Offenbach)
Chronique réalisée par l'équipe de Concerts en Boîte
Critique écrite le 10 février 2014 par Ysabel
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