Chronique de Concert
Orchestral Manuvres in the Dark
la mythique enseigne (photo Hervé Haro)
L'amoncellement en fin d'après-midi d'imposants nuages noirs sur les cieux parisiens annonçait une grosse pluie, et ce fut le lot des premiers arrivés à l'Olympia d'en être les victimes. Mais finalement mieux valait une pluie avant qu'après, car sinon cela aurait signifié qu'Andy McCluskey, chanteur principal d'OMD, aurait loupé sa performance !
Une fois mon frère Hervé arrivé -le "fournisseur" de mes premiers disques d'OMD-, nous gagnons notre place, choisie exactement au milieu du 2e balcon. Ma première réaction, à la vue de la longue table de mixage aux multiples lumières qui s'étale quelques mètres plus bas devant nous, est de regretter ce placement. Mais finalement, ça n'est pas gênant, car bien qu'un peu loin nous sommes face à la scène, le son sera parfait, et finalement l'étalage d'électronique devant nos yeux va se révéler parfaitement en phase avec l'esprit du groupe que nous venons voir
Pour chauffer la salle, c'est Frantic qui s'y colle.
Cette formation, bien que récente (2003), constitue l'illustration parfaite du revival 80s de ces dernières années. En outre, son chanteur bavard me rappelle Brian Ferry dans la voix et même le style, ou encore Robert Palmer dans le genre "british lover classieux" (même si c'est a priori un français !).
la 1ère partie : FRANTIC
(photo Frédéric Atlan)
J'avais déjà écouté leur premier album Dresscode, et c'est la même impression que j'ai eu en les voyant ce soir : un bon son et une certaine énergie très new wave, surtout dans les premiers titres joués (mention spéciale pour le sympathique Star Bizarre), mais une musique pas super originale et même parfois à la limite du caricatural, notamment au niveau des rythmiques, un peu trop basiques à mon goût (souvent défectueuses effectivement dans les 80s -et les OMD eux-mêmes n'ont pas toujours brillé par les leurs-, bref pour ça aussi Frantic constituent d'excellents imitateurs !).
A noter un essai louable en français, hélas guère concluant avec son refrain un peu prétentieux "Qui m'aime me suive" ou quelque chose du même genre. Sans doute du second ou du troisième degré comme dans les textes désabusés du 1er album, mais j'ai du mal à accrocher.
Le chanteur conclut sa prestation par un "On va se revoir alors ?". Le "Jamais !" que hurle une brute quelques rangs derrière nous est rude mais je dois reconnaître qu'il a manqué quelque chose pour me convaincre de retourner voir Frantic sur scène, du moins tant que je n'aurai pas écouté quelque chose de plus convaincant.
Ceci dit, qu'importe, l'attente aura été moins ardue grâce à eux !
Le reste de l'attente sera raisonnable, et agrémenté qui plus est de musiques de fond appropriées, ce qui est rare pour un concert. Quel plaisir d'entendre le joli KometenMelodie2 de Kraftwerk, ou encore une inattendue cover version de Hard Day d'OMD. Celui qui est aux commandes doit être un fin connaisseur du groupe pour avoir déniché ça !
Mais voici soudain que les lumières s'éteignent, et que le grand moment arrive enfin.
Une petite mélodie cristalline emplit la salle, suivie d'un murmure très grave.
Architecture & Morality comme morceau d'ouverture, c'est certes logique étant donné le titre de la tournée ("Architecture &" devinez quoi ? "Morality" !). Un instrumental se prête toujours bien également au lancement en douceur d'un concert. Ca n'en reste pas moins étrange d'entendre ça, c'est le genre de truc que je n'aurais jamais imaginé écouter un jour en live, et à l'Olympia en plus.
L'étourdissante plongée vers le passé est en train de s'amorcer pour de bon, avec ce titre labyrinthique dans lequel on évolue comme à la recherche d'une sortie, entre de véritables murs sonores mécaniques évolutifs et imprévisibles ; Rien à voir avec l'écoute sur sa chaîne ou dans sa voiture, ça sort de tous les côtés, on se croirait presque dans une usine (comme celles des évocations graphiques de l'écran géant, rappelant la pochette de l'album) ou dans les moteurs d'un cargo en train de se mettre en marche.
Puis une fois la machinerie industrielle stoppée et le titre engagé dans le doux contre-pied mélodique qui le conclut, le groupe apparaît sous les applaudissements et s'installe pour attaquer la superbe Sealand, sur des images et des sons de ressac inédits mais cohérents vu le titre (bien qu'il ne parle pas de la mer). Le chevelu et -de plus en plus- massif Malcolm Holmes dégaine le premier, scandant méthodiquement le rythme de sa batterie puissante (peut-être un peu trop même, dans le vide relatif ambiant qui règne autour pendant un moment).
Malcolm Holmes (photo Denis la Malice)
Paul Humphreys et Martin Cooper l'accompagnent avec les arpèges électroniques typiques d'OMD puis des gros sons analogiques faisant vibrer la salle, et il ne reste plus qu'à attendre en jouissant de la beauté mélodique de la première moitié du titre l'arrivée d'Andy McCluskey.
Paul Humphreys (photo Denis la Malice)
Andy McCluskey et Martin Cooper (photo Denis la Malice)
Ce n'est que sur She's Leaving le "single perdu" de l'album, néanmoins, que le chanteur va pouvoir s'y mettre sérieusement, et montrer qu'il ne va pas faire de figuration ce soir.
Mais ce ne sont que des titres de 1982 pour l'instant me direz-vous ? C'est effectivement le mythique album Architecture & Morality qui est à l'honneur. Très bon album il faut le reconnaître, et aussi le dernier des "années heureuses" du groupe, avant que des divergences quant aux orientations musicales n'apparaissent au sein de la formation. Album aussi de la tournée consécration mondiale dont le groupe gardait forcément de merveilleux ... Souvenirs (hum).
Le fabuleux tandem des Joan of Arc bien sûr, un New Stone Age ré-arrangé tout en gardant son son un peu brut et vraiment très bon en concert, ou encore l'entraînant Georgia soutenu par des imageries défilantes soviétiques et américaines des années Guerre froide...
Maid of Orleans (the Waltz Joan of Arc)(photo Denis la Malice)
Comme c'était annoncé, tous les titres vont être joués, dans le désordre, mais ce n'est finalement pas difficile, les autres morceaux se prêtant bien au live, sauf peut-être la triste ribambelle The Beginning and the End, mais après tout elle est jouée justement en dernier.
Enfin, en dernier de la première partie du concert, car bien sûr ils nous ont préparé autre chose, cela aurait été un peu sec sinon !
Et quoi de mieux que l'excellent Messages, premier réel succès du groupe en 1980, pour attaquer cette seconde partie qui sera résolument placée sous le signe des tubes ? En guise d'illustrations, ce sont les lettres et petits mots envoyés en prévision de la tournée par des fans qui défilent lentement les uns après les autres sur l'écran géant. Tiens, ne serait-ce pas mon court message cette lettre verte qui apparaît dans les premières ?
Messages (photo Denis la Malice)
Dès lors, l'ambiance va peu se relâcher, le gros des spectateurs se levant pour danser, battre des mains ou chanter, décidés à fêter les retrouvailles avec le groupe autrement qu'en gentils auditeurs d'un sage concert.
Et dans les tubes, bien sûr, du bon (Electricity, (Forever) Live & Die, Enola Gay...) et du moins bon (If you Leave) mais c'est un peu inévitable. Rien d'inhabituel comme choix de titres, juste un petit regret personnel de ne pas avoir eu droit à Secret, le premier morceau que j'ai connu d'OMD, mais vu qu'Andy avait déclaré ne pas aimer ce titre, je ne m'en étonne guère.
Locomotion (photo Denis la Malice)
Enola Gay (photo Denis la Malice)
Vous ne trouverez jamais le titre : non ce n'est pas Palpatine, mais Electricity ! (photo Denis la Malice)
Par contre, une grosse surprise : contre toute attente, trois des singles de l'OMD des années 90, après le split ayant laissé Andy seul aux commandes, sont joués, dont l'excellent Sailing on the Seven Seas et le tout dernier single extrait de l'ultime album studio, Walking on the Milky Way, qui rend étonnamment bien en concert, avec son air entraînant et le chant convaincant d'Andy. Chapeau aux trois autres OMD d'avoir tiré un trait sur cette période difficile et de reprendre ces titres quand même comme un héritage du groupe dans son entier !
Pandora's Box (bon OK les autres là-derrière ont un peu l'air de faire la gueule en jouant ce truc -même la muse d'Andy, Louise Brooks- mais c'est déjà fort qu'ils aient accepté de jouer ça )(photo Denis la Malice)
Un peu comme pour la première partie de leur prestation, c'est un titre plus lent qui est choisi pour conclure le concert, après deux rappels, présenté comme le titre préféré du groupe (et je me demande si je ne partage pas leur avis) : The Romance of the Telescope, magistral, et jouant un peu le rôle du pendant de Sealand, avec ses rythmiques régulières et quasi militaires de batterie lourde, et son gros son si caractéristique, légèrement faux pour susciter encore davantage de mélancolie.
The Romance of the Telescope (photo Denis la Malice)
En conclusion, une expérience extraordinaire, musicalement, mais aussi en terme de spectacle, car Andy s'est vraiment donné à fond physiquement, malgré l'âge (il a reconnu être fatigué sur la fin), s'éclatant sur sa basse et gigotant parfois comme un pantin désarticulé, le tout sans que le chant en pâtisse (alors que je craignais retrouver la voix approximative entendue sur de nombreux bootlegs, notamment de la tournée Architecture & Morality originale).
Talking Loud & Clear (photo Denis la Malice)
Le "2e homme" d'OMD, Paul Humphreys, a chanté forcément moins de titres, et sa voix reste toujours plus discrète mais elle est désormais plus claire (sans doute grâce à l'expérience de son groupe duo OneTwo avec Claudia Brücken, ex-Propaganda) et on sent qu'il se régale lui aussi à revenir sur scène.
(Forever) Live & Die (photo Denis la Malice)
Quant aux 2 "hommes de l'ombre" (les vrais "in the dark" ?), ça aura été une joie aussi de les voir en (man)uvre, Malcolm Holmes très efficace à la batterie, et Martin Cooper aux claviers et -ô joie- parfois au saxo, son instrument premier.
So in Love (photo Denis la Malice)
Si on rajoute à ça un visuel très sympa et un public très en forme aussi, on ne peut que se dire que si les autres concerts de la tournée ont le même gabarit, il y a fort à parier que nous allons re-entendre parler d'OMD sous peu, en espérant la sortie d'un nouvel et bon album !
Electricity Comment ça il est pas génial ce visuel ? (photo Denis la Malice)
Pour voir la tracklist, d'autres photos de Denis et sa "version des faits", un seul lien : https://www.electrospirit.net/forum/viewtopic.php?id=607
Et pour ceux qui veulent en savoir plus sur OMD, mais sont patients (et indulgents), mon petit site sur OMD, pas encore en ligne mais c'est normalement désormais une question de semaines : https://perso.orange.fr/floribur/OMD/.
Critique écrite le 25 juin 2007 par Floribur
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> Réponse le 02 juillet 2007, par Denis La Malice
Bravo a toi , floribur pour ce tres bon compte rendu et de rien par rapport a mes photos Réagir
> Réponse le 20 août 2007, par Hervé
Merci pour ce compte rendu que je partage aussi. Il manquait Secret et mon préféré de l'album Dazzle Ship : "ABC auto industry production" J'étais au 3ème rang... c'était MEGA-GEANT. Réagir
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